Reportage près de Besançon

Après Arnaud Montebourg à Besançon et Manuel Valls à Audincourt, c’est Benoît Hamon qui faisait étape en Franche-Comté. Accueilli par la députée frondeuse Barbara Romagnan, c’est dans la salle des fêtes du village de Boussières, situé à une vingtaine de kilomètres de Besançon, qu’il tenait meeting. Hamon aimerait bien devenir le Fillon de la primaire socialiste. Celui qu’on n’attend pas et qui surgit au dernier moment. Et il faut reconnaître qu’il y a des similitudes avec la stratégie filloniste. Comme Fillon présentait un projet résolument à droite, Hamon propose un projet marqué bien à gauche. Comme Fillon, il ne lit pas un discours écrit et réserve beaucoup de temps pour répondre aux questions de la salle. Une salle bien remplie, d’ailleurs : 180 personnes un lundi soir à Boussières, c’est bien, c’est même inattendu.

Comme Fillon, il évite au maximum le sujet épineux, l’Union européenne. L’ancien chef de file du courant « Un monde d’avance » au congrès de Reims de 2008, qui faisait du rapport à l’UE et au libre-échange la colonne vertébrale de sa motion, pense sans doute, à l’instar du désormais candidat désigné de la droite, qu’évoquer le sujet pourrait causer quelques fritures sur la ligne, celle qu’il veut entretenir avec les futurs électeurs de la primaire. Comme Fillon  voulait au maximum éviter de dire que son programme économique correspondait aux exigences de Bruxelles et Berlin, Hamon veut éviter de dévoiler que son programme à lui entre en totale contradiction avec la construction européenne.

 

Ce parallèle effectué, il faut reconnaître que Benoît Hamon maîtrise bien son sujet. « La religion croissance » ? Il « n’est plus croyant ». Que les décroissants ne se réjouissent pas trop vite, il n’adhère pas pour autant à leur projet. Hamon souhaite un « autre modèle de développement » où l’on choisit les secteurs qui doivent croître et ceux qui doivent décroître. La Ve République ? Dépassée ! La « recherche de l’homme providentiel » constitue selon lui la source de bien des maux. Pourtant, à la fin de son propos, Hamon dira qu’il souhaite aussitôt élu convoquer plusieurs référendums, l’un sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, ou un autre sur le fameux revenu universel d’existence, véritable pivot de son programme. N’est-ce pas l’essence même de la Ve République que le Chef de l’Etat désire ainsi s’appuyer sur le suffrage direct des citoyens ? Mais revenons à cette allocation universelle. Partant du constat que l’automatisation détruira encore beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en créera, Benoît Hamon souhaite développer le droit inconditionnel au temps de travail choisi, taxer les robots à partir d’un salaire fictif (proposition qui rappelle certaines pistes que Philippe Séguin développait au mitan des années 90) et donc créer ce revenu universel d’existence. Il entend aussi fusionner impôt sur le revenu et CSG et unifier également toutes les impositions sur le patrimoine. Le projet qu’il propose se différencie radicalement de son concurrent de l’aile gauche Arnaud Montebourg, à tel point qu’on se demande comment se feront les éventuels reports de voix si un seul des deux est présent au second tour de la primaire.

 

La réunion sera perturbée par quatre étudiants qui affichaient fièrement un autocollant NPA sur leurs vêtements. Un dialogue confus avec tutoiement réciproque s’installa entre eux et le candidat. Les perturbateurs non satisfaits des réponses décidèrent de quitter la réunion non sans avoir fustigé à haute voix « la démocratie bourgeoise ». C’est finalement cette image qui reste lorsqu’on se penche sur le profil de Benoît Hamon. L’espace de quelques instants, il a été renvoyé à son image d’éternel patron des MJS. Bien que nanti d’un projet qui peut plaire à une frange importante des futurs électeurs de la primaire, cela reste néanmoins son principal handicap.

 

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