En écoutant le poste ce matin au réveil, j’ai été interloqué par une information. Figurez-vous que le collectif qui lutte contre la fameuse « base élève », après qu’il a obtenu que certaines informations comme l’origine des élèves soient boutées hors du fichier, a reporté sa vindicte contre le fameux livret de compétences. Ni une ni deux, je me suis précipité sur mon ordi afin de faire une recherche » base élèves, livret de compétences ». Et je n’ai pas été déçu.

Très vite, en effet, je me suis retrouvé sur un article du site du Collectif pour le retrait de la base élèves. Cet article explique, en long, en large et en travers en quoi ce livret de compétences s’avère nuisible, en particulier pour les libertés de nos chers enfants. En ce qui me concerne, cette évaluation par validation de compétence, qui se substitue doucement et sûrement aux bonnes vieilles notes, me faisait horreur avant même d’apprendre que nos résistants au Big-Brother-Educ-Nat ne s’empare du sujet. Citons les : « Rompant la séparation entre vie publique et vie privée, autrement dit avec les valeurs de laïcité et d’égalité, il s’agit de faire entrer l’enfant, le jeune, dans une auto-évaluation permanente de ses « compétences » : « les connaissances, capacités et attitudes acquises dans le cadre associatif ou privé, notamment familial, ainsi que les réalisations, participations et engagements que le jeune aura pu y conduire » sa vie sociale,par exemple musicales ou sportives, quelle association il fréquente, sa vie familiale, si il s’occupe d’un grand parent malade, s’il aide son petit frère à faire ses devoirs, ses voyages, la « langue native ». Bref, un fichier face-book-Edvige ! » . Je dois dire que je bois du petit lait. Non pas que je pense, comme ce collectif, que le fait de participer à des actions associatives et que cela se sache à l’Ecole nuise à la liberté d’un gosse. Mais, en revanche, que cela soit considéré comme une compétence, lui donne un meilleur livret scolaire et compense un niveau catastrophique en grammaire, cela me pose effectivement problème. Si l’Ecole pouvait revenir aux disciplines, qu’on ne stigmatise -ni ne discrimine- plus les notes en les qualifiant de stigmatisantes et traumatisantes, j’en serais plutôt heureux. Qu’on en revienne au Savoir au centre, mais on connaît mon avis sur ce thème.

On ne choisit pas forcément ses alliés dans une guerre, surtout celle contre le pédagogisme, qui n’est pas la moins décisive dans un souci d’avenir moins sombre. Si de bonnes âmes, pour des raisons différentes que les nôtres, ont décidé de se faire l’évaluation par validation de compétence, ne boudons pas notre plaisir. Mais la curiosité, qui paraît-il est un vilain défaut, m’a convaincu de regarder les liens privilégiés qui se trouvent, sur le site de ce collectif de résistants comme d’ailleurs sur le mien, sur la marge droite de l’écran. Il y en a trois : celui des « Big Brother awards », celui, plutôt connu dans la blogosphère, de la LDH de Toulon, et, last but not least, celui s’intitule sobrement « Résistance pédagogique ». A curiosité, curiosité et demie, je clique sur ce dernier. Et -quelle n’est pas ma surprise !- j’arrive sur une publicité pour le bouquin du « désobéissant » le plus médiatique de l’Education Nationale, Alain Refalo. Ce dernier est connu pour avoir lutté bravement contre les programmes Darcos de l’enseignement primaire. A ce titre, son livre est même préfacé par le pape du pédagogisme Philippe Meirieu. Plus bas, on trouve des nombreuses références à Pierre Frackowiack, l’inspecteur qui se targuait lui aussi de désobéir à son ministre parce que ce dernier suggérait de permettre enfin que des instituteurs puissent apprendre à lire avec la méthode alphabétique plutôt qu’avec la méthode globale ou ses dérivées qu’on appelle, à tort, mixtes.

Quelle franche rigolade ! Le livret de compétences, c’est Meirieu, c’est Frackowiack, c’est Antibi -l’homme qui trouve les notes macabres ! Et voilà que notre collectif qui lutte contre le livret de compétences devenu liberticide, fait ami-ami sur la Toile avec ceux qui l’ont inventé, promu et imposé. Nous ne devrions pas être étonnés. Tous ces collectifs naviguent dans les mêmes eaux pédagogos depuis longtemps, eaux dans lesquelles on peut aussi trouver les pontes de la FCPE ou du SGEN, de l’UNSA-SE et parfois même du SNES ou de la PEEP[1. On ajoutera le fameux député UMP Grosperrin, qui se trouve être mon député et qui souhaitait, dans un rapport récent, réformer le Brevet des collèges dans le même sens. Les épreuves notées sur table, c’est bien trop traumatisant et stigmatisant. Pas étonnant qu’un parlementaire, prof de sciences de l’éducation, finisse par trouver le travail traumatisant : il n’y avait qu’à l’observer pendant l’élection cantonale qu’il a perdue en mars 2008. Vissé au tabouret d’une brasserie, on ne peut en effet qu’offrir l’un des cantons les plus à droite du département à un écologiste. Il s’agit là d’un traumatisme électoral. Pas étonnant que des observateurs qui ne votent ni UMP ni Vert, comme votre serviteur, en viennent à le stigmatiser.] .

On connaît la fameuse citation de Bossuet « : Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». En attendant, laissons lutter ces zozos contre le fruit de leurs combats antérieurs. On ne sait jamais. La si dangereuse évaluation par validation de compétence pourrait y rester et on n’en serait pas fâché.

15 commentaires

  1. Allons, David, vous savez bien, depuis le temps, qu’il y a quatre causes possibles à ce genre de posture:
    -1. ça nuit à mes intérêts directs, à mon confort chèrement acquis.
    -2. ça vient d’une autorité que je combats
    -3. ça va me faire bien voir de personnages que je courtise
    -4. ça va faire le « buzz », dynamiser les ventes de mon bouquin.

    Le panachage est autorisé.
    Et l’élève dans tout cela? Perdu de vue.

  2. La phrase exacte est « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
    Un peu dur pour un pédagogiste, j’en conviens!

    Merci Claude. J’ai corrigé. DD

  3. Quand Bossuet disait cela à LOUIS XIV, ce dernier remettait vite de l’ordre. Maintenant, ça continue… Et les veaux suivent…

  4. Hm, vous avez un petit problème avec les accords des verbes au pluriel.

    Que ce soit sous la forme de compétences non validées ou de points en moins sur votre copie, ça ne changerait pas grand chose au résultat.

  5. le carnet de competences , c’est une machine a gaz,qui va nous faire travailler +,pour gagner pareil.
    l’entretien de 10 a 20 min pour chaques eleves,c’est du benevolat.
    conclusion:travaillons + pour gagner -,et avec le sourire s’il vous plait!

  6. Pas de souci, c’est encore une coufe comme l’éducation nationale en invente régulièrement pour faire croire qu’elle bouge alors que rien ne change, pour paraphraser Chateaubriand. Meirieu et con-sorts sont encore au pouvoir… et pour longtemps avec la RGPP !

  7. J’aurais souhaiter répondre à cet article sur le site de Marianne puisqu’il y est également publié. Mais en tentant de m’inscrire pour ce faire j’ai constaté que je n’avais d’autre choix que d’accepter l’envoi de la newsletter et des annonces de partenaires, si je voulais poster un commentaire.

    Ma boite aux lettres étant assez chargée en spams j’ai donc abandonné.

    Voici donc mon commentaire : Vous dites « Quelle franche rigolade ! Le livret de compétences, c’est Meirieu, c’est Frackowiack, c’est Antibi -l’homme qui trouve les notes macabres ! ». Pourriez vous étayer cette affirmation.

    En cherchant bien moi aussi je n’ai trouvé le nom de Meirieu associé au dit livret que dans le rapport de 2007 au Ministère (signé par d’autres. Qui ne se réfère à lui et à quelques ‘autres que pour définir le concept de compétences. Ne donneriez vous pas dans l’amalgame un peu facile, pour discréditer les « zozos » comme vous les appelez ?

  8. Que vous le trouviez comme référence dans un rapport ne m’étonne pas. Il est LA référence en matière de toutes les « innovations » de ce genre. Ce n’est pas de l’amalgame, c’est de la logique. Quant à Antibi, il souhaite la disparition des notes car il trouve cela macabre.

  9. Oui c’est bien ce que je pensais, c’est un peu rapide comme argumentaire. Vous extrapolez, en vous réclamant de la logique. La votre, que j’admet et avec laquelle je suis en désaccord.

    Mais il semble évident qu’aucun de ceux que vous nommez ne sont de près ou de loin impliqués dans la mise en oeuvre du livret de compétences tel qu’il a été pensé par le ministère. C’est celà que dénoncent les « zozos », ce « casier scolaire » qui se construit au fil des fichiers (BE1D, BNIE et les autres) et c’est celà qui est dangereux. Garder trace du passé scolaire de chaque primo-arrivant sur le marché de l’emploi. Bien plus dangereux que Facebook qui lui ne conserve que ce qu’on y met.

    Je ne sais quel genre d’élève vous avez été. Mais aimeriez vous que l’on sache que vous étiez cossard en mathématiques, mauvais en espagnol et que vous vous êtes fait moulte fois sortir du vestiaire des filles après les matchs de basket ? Que vous aviez une tendance à fumer dans les WC, et que vous excelliez dans les rôles de travesti aux ateliers théâtre ? Dès lors qu’on autorise des enseignants à inscrire des commentaires sur les compétences de leurs élèves (ou les banquiers ou agences d’intérim des commentaires sur leurs clients) on ne sait jamais jusqu’où peuvent s’exprimer certains sentiments humains. Voyez vous ce que je veux dire ?

  10. Mais je suis tout à fait d’accord avec vous sur les libertés mais c’est justement la logique pédagogiste d’apporter d’autres éléments que les strictes savoirs disciplinaires sanctionnés par des notes. Du moment qu’on veut individualiser au maximum -normal pour un centre du système- on met un doigt dans un engrenage que je réprouve totalement. Mais pas seulement pour des raisons de libertés.

  11. En attendant que les écoles aient fini de s’affronter – si cela arrive jamais – une majorité d’enfants croie être incapable de s’approprier le moindre savoir. Certains se résignent, davantage se révoltent avec une violence de moins en moins canalisable.
    Alors peu m’importe qui est à l’origine de l’évaluation par compétences. Si cela me permet de rassurer, de rendre confiance, ne serait-ce qu’à deux ou trois de ces élèves dont le désespoir me déchire l’âme, je l’utiliserai avec enthousiasme.

  12. Je viens de découvrir ce blog que je trouve des plus intéressants. M. Desgouilles, permettez-moi de vous témoigner tout mon soutien.

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