Comme la plupart des Français, j’ai gueulé devant mon poste lundi soir. Pourtant, le Président de la République a écouté une bonne part des critiques et conseils qui tombaient comme à Gravelotte jusqu’aux régionales. Il fait désormais profil bas. Il tente de demeurer calme et posé. Sans doute a t-il fini par comprendre qu’il fallait répondre à cette demande émanant notamment de l’électorat de droite, mais aussi que les mensonges passaient beaucoup mieux ainsi.

Car de menteries, comme dirait ma grand-mère, nous ne fûmes pas épargnés. Et il ne fallait surtout pas compter sur son interlocuteur -je n’ose dire interviouveur- pour les lui faire remarquer. On y reviendra. Le Président de la République mentait effrontément lorsqu’il a affirmé qu’on avait attendu que le ministre Woerth soit chargé des retraites pour se poser la question de la compatibilité avec la tenue de la trésorerie de l’UMP. On sait que c’est complètement faux. De nombreux journalistes et personnalités politiques ont soulevé le problème durant les trois ans où il cumulait cette charge avec le ministère du Budget. Je l’entends encore répondre à la question que lui posait Dominique Souchier sur Europe 1 il y a quelques mois. J’entends encore Jean-François Kahn s’époumoner à le dénoncer. J’entends encore Nicolas Dupont-Aignan, j’entends encore Marine Le Pen, j’entends encore des questions de députés PS devant la représentation nationale, dénoncer le fait qu’on puisse ainsi collecter l’impôt d’un côté et collecter des dons déductibles de l’impôt de l’autre. Car, entendons nous bien : ce n’est pas le cumul entre trésorier de parti et ministre qui posait problème. Mais entre trésorier de parti et ministre du budget. Dès lors, sa démission d’aujourd’hui constitue une véritable pantalonnade, alors qu’il n’est plus à Bercy mais rue de Grenelle. Perso, qu’il demeure trésorier de l’UMP aujourd’hui m’en touche une sans faire bouger l’autre. Il n’y a plus aucun conflit d’intérêt entre les deux charges.

Autre bel exemple de mensonge éhonté : le bouclier fiscal allemand à 50 %. L’Allemagne, dont Nicolas Sarkozy a beaucoup parlé lundi soir[4. Lire à ce propos, l’intéressant billet de Malakine.], ne pratique plus cette disposition depuis déjà quatre ans. D’abord, il ne s’agit pas de décisions politiques outre-rhin mais de jurisprudences successives de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, dont la dernière a, comme l’expliquait Le Monde en avril 2009, débouté un contribuable imposé à 60 % (soit le niveau du bouclier fiscal avant la loi de juillet 2007 le ramenant à 50 % en France). Et lorsqu’il a évoqué les résultats spectaculaires en matière de sécurité[1. Sont-ce les mêmes qui retiennent le ministre de l’Intérieur de dévoiler les chiffres de voitures brûlées cette nuit ?], je me serait bien volontiers esclaffé si je n’avais pas pensé à ceux de mes amis qui n’ont pas la chance, comme moi, d’habiter un quartier plutôt calme.

Alors certes le Président a largement dominé David Pujadas, malheureusement plus à l’aise lorsqu’il s’agit de filmer des gens à leur insu pour les livrer à la vindicte populaire, quand ce n’est pas à la maréchaussée. Mais le présentateur méritait-il pour autant le concert de lazzi qui s’est abattu sur lui depuis hier ? Je le pense d’autant moins que je ne vois vraiment pas quel journaliste est capable aujourd’hui de déstabiliser, tout en ne se transformant pas en opposant politique, Nicolas Sarkozy en entretien à l’Elysée[2. A part peut-être Eric Zemmour qui le bousculerait sur son côté finalement le plus faible, le droit] ? Et puis -avouons le, je suis tellement pressé qu’Arlette vide la place de directrice de l’info, que j’ai quelque retenue à enfoncer son éventuel remplaçant. Tout plutôt qu’elle.

Mais cette domination ne fait illusion que quelques minutes. Un jour j’étais en discussion avec un élu et nous discutions d’un de ses collègues, doté d’un bagout inégalable. Il me dit, en me désignant une table de couleur noire : »Lui, il serait capable de prouver à toute l’assistance que cette table est rouge ; devant lui et son brillant exposé, nous finirions par nous en convaincre ; puis, quelques minutes après son départ, nous regarderions à nouveau la table et nous nous apercevrions que la table n’était pas rouge mais effectivement noire ; nous hésiterions alors entre saluer l’artiste ou vouer aux gémonies l’escroc-baratineur ». Nicolas Sarkozy me fait penser à cette anecdote à chaque fois qu’il réussit une intervention télévisée, c’est à dire à chaque fois. On se dit qu’il a été bon. Trop bon, justement, pour qu’on le croie.

Ne nous y trompons pas. Et parions sur le fait que le Président lui-même ne s’y trompe pas non plus : le Président est dans la seringue. Certes le PS n’a pas encore retrouvé la santé optimale pour être tout à fait certain de bouter Nicolas Sarkozy hors de l’Elysée en 2012. Tant que le corps électoral n’aura pas la certitude que Martine Aubry a tranché entre sa pente naturelle, sociale-libérale sauce DSK, et la pente électorale qui la rapprocherait de Mélenchon[3. Quel service -involontaire- François Bayrou lui a rendu en déclarant qu’elle se « mélenchonisait » !], les socialistes pourront offrir à la droite une victoire par défaut. Mais, comme dit justement le chef du Parti de Gauche, nous sommes en pleine accélération de l’histoire. Le Front de Gauche a le vent en poupe et l’efficacité télégénique de son lideur médiatique y est pour beaucoup. Et de l’autre côté, Marine Le Pen a littéralement exécuté, chez Jean-Jacques Bourdin, la prestation présidentielle. Si ces deux là arrivent à gagner la bataille de leurs chapelles, et qu’ils continuent à se montrer si efficaces, c’est peut-être un second tour doublement inédit que nous pourrions trancher dans deux ans.

Que le Président de la République me permette un petit conseil d’image : certes son épouse est charmante, a un joli sourire. Mais la mettre autant en valeur, comme aujourd’hui en marge des cérémonies du 14 juillet, c’est devenu totalement contre-productif. La « gauche Carla », c’est aujourd’hui associé à Philippe Val, au Grand Journal de Canal Plus, à la gauche caviar, à l’Hadopi. En bref, à tout ce qui fait horreur au classes populaires mais aussi, de plus en plus, aux classes moyennes. Le libéralisme économique et le libéralisme sociétal. Plus on verra Carla, plus Marine et Méluche se renforceront. A bon entendeur…

13 commentaires

  1. Quelle brillantisme analyse comme souvent mais là : CHAPEAU l’artiste.
    il faut dire qu’on ne peut réussir qu’avec un opposant de valeur et là question bassesse d’en face on est servi mais quand même il fallait les marquer les pions !!!!!

  2. Encore un beau feu d’artifices. Un avant goût de celui de Besançon qui risque, lui, d’être repoussé ?
    Bonnes vac.

  3. Melenchon versus Le Pen à la prochaine présidentielle?
    Pas question de se boucher le nez avec une pince à linge,le jour du vote,en glissant son bulletin en faveur du moindre mal Melenchon.
    C’est abstention totale!

  4. @ Pascal : Pour moi ce sera Mélenchon dès le premier tour, alors tu penses bien qu’au second, ce serait du pur bonheur !

  5. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut croire à un Mélenchon au second tour ? C’est une candidature de témoignage, 10 ans après les Français vont toujours voter « utile » comme en 2007. Bon, peut-être un peu moins, mais il y a encore trop peu de désespérance avant que les extrêmes aient une chance. Et il pourrait ne pas y avoir de candidat soutenu par les Verts…

  6. soyons sérieux et oui
    le pen Marine,c »est presque sur,
    Mélenchon,c »est marrant,si,si
    mais IMPOSSIBLE,cela fait peut être plaisir a un groupuscule,,
    ou alors c »est plus simple,,,il veut se placer pour un poste,,,,

  7. « Nicolas Sarkozy me fait penser à cette anecdote à chaque fois qu’il réussit une intervention télévisée, c’est à dire à chaque fois.  »

    Oui mais non. Lorsqu’il a un véritable contradicteur en face de lui, et non une carpette ou un opposant d’opérette (oui je pense à la Royale Naïve), il est trahi par sa nervosité. Le joueur de bonneteau est dénoncé. Regardez bien cette séquence :

    http://www.youtube.com/watch?v=5n6EzNKqD7w

    Et vous comprendrez pourquoi il a fait courir le bruit qu’une femme le déstabiliserait plus qu’aucun autre candidat.
    Et rappelez-vous aussi d’un Narko furieux envers Demorand qui avait osé le mettre face à ses contradictions.

  8. Ce sera combat de femmes. Marine contre Marie-Ségolène

    La terre entière recevra médusée cette info ! Que font ces machos de Français ?!

    David tu oublies Marie-Ségo : elle ne lâchera pas le morceau et elle est appréciée des militants socialos.

    Bisous et bonnes vacances cher enseignant !

  9. David, quel est votre raisonnement qui vous fait juger Mélenchon au second tour? Je ne le vois pas atteindre les dix pour cent. Le principal critère du vote est la pauvreté et elle n’a pas énormément augmenté depuis 2002 ou 2007. Sarkozy y ajoute son effet répulsif personnel mais je crois que l’une des principales nouveautés pourrait être un bon score d’Europe-écologie au détriment du parti socialiste amenant un second tour Lepen-Sarkozy. Beaucoup dépendra de la qualité médiatique de leur candidat.
    Il me semble que nous sommes un peuple très conformiste, qu’il est impossible de faire émerger une alternative construite dans le Bassin parisien et l’on en est réduit à attendre des personnalités ou subir des votes extrêmistes.

  10. Si les classes moyennes basculent dans la contestation, et que DSK est choisi par les socialistes, cela peut ouvrir un boulevard à Mélenchon. De plus, il est possible qu’un certain émiettement des voix soit de mise en 2012 contrairement à 2007. Et que le billet de qualification au second tour soit moins cher que d’habitude.

  11. A propos du bouclier fiscal en Allemagne, c’est vrai, tout ce qui a été dit dans l’émission était ridicule. Encore plus ridicule fut pour Sarkozy de dire qu’il était très attaché à l’ISF ! Le bouclier fiscal a été créé pour atténuer les effets dévastateurs de l’ISF ! Sarkozy a opté pour la plus mauvaise des solutions et certes pas l’Allemagne. Il était évident qu’il fallait supprimer l’ISF et non pas créer le bouclier fiscal. Un impôt (ISF) qui consiste à scier la branche sur laquelle on est assis est insane. L’impôt doit s’asseoir sur des revenus ou des mouvements, mais pas sur le capital qui, lui, génère des revenus ou mouvements. C’est tuer la poule aux oeufs d’or, ou dans le cas de la France, c’est l’expulser hors des frontières, et après lui courir après en Suisse ou à Monaco !

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