Depuis dimanche et le résultat de la votation de nos voisins helvétiques, c’est haro sur la démocratie directe dans notre pays. Que Quatremer, zélateur de l’oligarchie bruxelloise, en profite pour en remettre une couche sur les supposés dangers des référendums, c’est logique. Mais entendre l’autre soir Elisabeth Lévy, qui accueille aimablement mon carnet et qui me fait l’honneur de parfois me publier, se joindre à ces chœurs, voilà qui m’a davantage interloqué.

Elisabeth a parlé de « démocratie sondagière » au micro de Christophe Hondelatte lundi soir pour qualifier les référendums. Confondre sondages et consultations populaires organisées par les pouvoirs publics ne me paraît pas frappé au coin du bon sens. La meilleure preuve, c’est que lorsqu’un référendum est organisé dans notre pays, on procède aussi à des sondages. En 2005, avant que ne débute la campagne référendaire sur l’adoption de la constitution européenne, le NON était pointé en dessous de 30 % par les sondeurs. Au terme de cette campagne, il était passé à plus de 55 dans les urnes. Pour un sondage, il n’est pas question de campagne électorale. Il n’est pas prévu d’explication, de confrontation des idées, de débats. On interroge par téléphone à l’heure du dîner. Rien à voir avec la solennité d’une élection[1. Et qu’on cesse de donner l’exemple de l’abolition de la peine de mort pour mépriser la démocratie directe. Comme je l’avais écrit en février dernier, il est loin d’être évident qu’elle eût été rejetée par le Peuple par référendum].

Le Général de Gaulle fut, parmi les présidents de la Ve République, celui qui usa le moins de sondages, et le plus de référendums. A contrario, Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy n’ont jamais interrogé les Français mais l’un se promenait toujours avec les dernières études de la Cofremca quand l’autre a explosé le budget « sondages » de l’Elysée. Confondre la démocratie directe avec la dictature des sondages est donc une erreur.

Lors de cette émission, il a aussi été donné l’exemple de cette votation suisse  obligeant l’achat de hamsters par couples pour cause de solitude du hamster seul. Il s’agit certes d’une référence amusante mais je ne vois pas en quoi la démocratie directe serait en cause. Notre droit, notamment communautaire, fourmille d’exemples de règlements de ce genre. Qu’on m’explique en quoi il est plus idiot qu’ils soient à l’initiative de citoyens que d’un fonctionnaire à Bruxelles ? Et puisqu’il faut en venir à mon opinion sur les minarets, je n’esquiverai pas. Non, je ne souhaite pas une interdiction de ce type pour mon pays[2. Sous réserve que lesdits minarets soient inscrits dans l’architecture ambiante, comme c’est le cas pour la Mosquée de Paris]. A mon avis, la démocratie directe a accouché d’une erreur chez nos voisins. Mais si on doit établir une comptabilité des erreurs, je ne suis pas sûr que la démocratie représentative y gagne vraiment. Lors des trente dernières années, combien de référendums en France ? Quatre, seulement. Combien de décisions prises par nos élus si éclairés ? Des milliers. Franchement, je n’ai pas l’impression que les résultats en terme d’efficacité ont été au rendez-vous. Je n’ai pas l’impression non plus, lorsqu’on observe le nombre d’alternances, que la stabilité ait été de mise. J’ai même la faiblesse de penser que certaines réformes de début de mandat auraient très bien pu éviter de susciter quelques grandes manifs si le peuple avait été convoqué pour trancher.

Et le référendum d’initiative populaire, me direz-vous ? J’en suis  partisan. A condition que le conseil constitutionnel valide a priori la question soumise au Peuple. On aurait très bien pu, par exemple, mobiliser des pétitionnaires pour réclamer que l’on consulte les citoyens sur le Traité de Lisbonne. Il ne s’agit pas, bien sûr, de copier la Suisse qui a son histoire et son modèle[3. A propos du résultat de dimanche, qui peut croire que si l’UDC était dotée d’une majorité au parlement suisse, de telles mesures n’auraient pas été décidées ? Par ailleurs, si les opposants à l’interdiction des minarets s’étaient un peu bougés les fesses pendant la campagne électorale, le résultat aurait pu être bien différent] mais il y a la place en France pour que les citoyens puissent disposer, dans une certaine mesure, de l’initiative de la loi.

A la lecture des taux de participation aux élections législatives, lesquelles, comme leur nom l’indique, ont pour objet de désigner ceux qui votent la Loi, je n’ai pas été particulièrement impressionné. Il ne faut pas en être étonné quand on sait que 95 % des députés de 2005 votaient Oui au TCE alors que 55 % de leurs électeurs optaient finalement pour le Non. Condamner le référendum, c’est rendre définitive cette coupure et mettre en danger, mortel, notre démocratie.

8 commentaires

  1. Je suis entièrement d’accord !

    La position d’Élisabeth Lévy, que j’avais croisée de loin lorsque j’étais membre de la Fondation Marc Bloch, m’étonne…

    Et je me sens moins seul à défendre la démocratie (directe) dans la blogosphère :
    http://tinyurl.com/yjr53do

    Seule divergence : je suis contre le droit d’initiative législative populaire, qui opère pour le coup selon moi un glissement entre la démocratie et la dictature de l’opinion/de l’émotion.

  2. Le problème dans les référendum, ce n’est ni la démocratie directe, ni le risque de démagogie c’est le caractère réducteur de la question.

    En 2005, personne n’a su donné de signification positive au NON. On ne peut pas traiter la question du projet européen ou de l’architecture institutionnelle de l’Union avec une question binaire.

    Idem pour les suisses, il est impossible de traiter des limites à imposer à une religion exogène par une question à laquelle on ne peut répondre par oui ou par non. Les suisses ne vont d’ailleurs pas tarder à s’interroger sur la portée réelle de cette décision, qui en elle même n’a qu’une portée urbanistique.

    L’interdiction des minarets ne fait pas une politique à l’égard de l’islam ou de l’immigration, pas plus qu’un non au référendum de 2005 ne produisait une proposition alternative.

  3. @Malakine

    Si notre système politique (à travers son financement, notamment) permettait que de nouvelles forces émergent et si celles-ci avaient pris le pouvoir après 2005, nul doute qu’elles auraient pu, à la suite du NON, proposer de nouvelles alternatives, le fameux plan B. Mais il fallait déjà s’opposer au TCE.

  4. C’est bien le problème. Les états (surtout la France) usent et abusent des sondages pour gouverner alors qu’on ne sait si les sondés sont bien représentatifs (1000 ou 2000 sondés ne valent pas 40 millions d’électeurs) mais évitent de consulter le peuple le plus possible (surtout sur les sujets qui fâchent) et quand parfois ils y sont obligés, il se débrouillent pour faire le contraire (cf. le TCE) et surtout ne jamais recommencer (cf. Lisbonne, la Turquie etc.).
    Donc pour les états, sondages OUI (surtout quand ça va dans leur sens -comme pour les minarets suisses), votation NON (surtout quand ça ne va pas dans leur sens- comme pour les minarets suisses).

    Quant au référendum d’initiative populaire, on n’est pas près d’en voir la couleur car 1) il faudrait non seulement avoir le nombre d’électeurs signataires demandé mais 2) également le nombre de parlementaires suffisant et aussi 3) qu’il ne soit pas censuré le Conseil constitutionnel…

  5. les grands problèmes de notre société ,
    retraites,immigrations,dettes de l »état,envoyer des renforts,ect ect

    l »avis du peuple ,,,,,est obligatoire,,,,,et ce pars référendum

    tout le monde sait que les politiciens en on peur et oui

    il y a la france d »en haut,,,,qui décide de tout,,,,,,et on voie le résultat dans tout les domaines

    la france d »en bas,,qui subie,,,,,,,pour combien de temps,,,,,, encore

  6. Le problème de notre démocratie est qu’elle est polluée par la SURINFORMATION qui donc n’est plus de l’information. Internet, c’est le « buzz » (que c’est moche comme terme) perpétuel, le ragot, voire la calomnie, donc tout sauf de l’information et les sondages participent à ce malaise. Or pour informer correctement, il faut un minimum de sérénité et non la cacophonie actuelle. Je suis sur le fond tout à fait favorable au referendum qui contrairement à ce qu’affirmait Mitterrand ne conduit pas au césarisme, à condition que la question soit claire et que le choix entre oui et non ne conduise pas à des ambiguïtés. Et surtout, le referendum tel qu’il était pratiqué par DE GAULLE plaçait les parlementaires devant leurs responsabilités tout comme le droit de dissolution, initiative encore de DE GAULLE.
    Si on veut un referendum d’initiative populaire, il doit être solidement encadré (Conseil constitutionnel) afin de ne pas conduire à des dérives pour satisfaire des lobbiyng particuliers. Pour revenir à la votation suisse sur les minarets, cela me fait surtout penser que les suisses ont répondu aussi à une question sur leur propre identité nationale : la Suisse n’est pas un pays de tradition musulmane, voilà à mon sens le message donné dans ce vote. Un tel referendum en France pourrait bien clore aussi les empoignades sur le sujet et c’est bien ce qui ennuierait le plus notre opposition de gauche qui est certes républicaine,mais version IVème République.

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