Depuis deux jours, on voit Richard Descoings partout. La rĂ©ticence exprimĂ©e par la ConfĂ©rence des Grandes Ecoles devant l’objectif assignĂ© par les pouvoirs publics d’accueillir trente pour cent de boursiers dans ses Ă©tablissements l’a remis sur le devant de la scène qu’il avait quittĂ©e en justifiant la suppression de l’enseignement d’histoire-gĂ©ographie en Terminale S.

Le problème, c’est qu’on ne voit pas seulement Descoings. On l’entend. VitriolĂ© lors de la seconde de Z comme Zemmour mardi matin sur RTL, le directeur de sciences po a rĂ©agi le soir sur la mĂŞme station en laissant tomber la sentence suivante, laquelle faillit bien me faire tomber moi-mĂŞme de ma chaise : » il n’y a rien de plus inĂ©galitaire qu’un concours d’entrĂ©e ». Depuis, on l’entend partout rĂ©pĂ©ter cette Ă©normitĂ© jusqu’Ă  ce midi sur Canal Plus oĂą il a eu le culot d’ajouter : « Tout le monde le sait ».

Non, Monsieur Descoings, tout le monde ne le sait pas. Mieux, tout le monde sait que c’est une escroquerie intellectuelle, un mensonge de la pire espèce. Le concours d’entrĂ©e, dans la fonction publique comme Ă  certaines Ă©coles, c’est une Ă©preuve, la mĂŞme pour tous, que l’on habite Villiers le Bel, Versailles, Tourcoing ou Fort-de France, que l’on soit fille ou fils d’agriculteur, de chirurgien, de caissière Ă  Auchan ou de chĂ´meur. Rien Ă  voir avec l’Ă©tude d’un dossier, lequel pouvant très bien se retrouver au dessus de la pile comme par enchantement simple comme un coup de fil.

Le concours, d’abord, est anonyme Ă  l’Ă©crit. Que ceux qui s’Ă©chinent Ă  imposer le CV anonyme pour le recrutement dans les grandes entreprises privĂ©es viennent nous expliquer pourquoi ils sont, en revanche, ennemis du seul système oĂą l’anonymat est garanti. Lors des oraux, c’est la collĂ©gialitĂ© du jury qui permet d’approcher de la plus belle des manières le beau mot d’EgalitĂ©, inscrit aux frontons de nos Ă©difices publics. Aucun système de recrutement ne peut Ă  ce point se rapprocher de cet idĂ©al rĂ©publicain.

Pour faire passer son mensonge, Descoings sort l’artillerie lourde. Le concours serait inĂ©galitaire parce qu’il permettrait Ă  ceux qui ont les codes, les « petits trucs qui font la diffĂ©rence », de passer devant les autres. Donc, avec un entourage qui trempe dans le milieu, on a plus de chances de connaĂ®tre ces derniers. Si on met de cĂ´tĂ© le fait que le recrutement sur dossier favorise davantage le copinage et donc la prĂ©gnance du milieu familial et social, qui empĂŞche Monsieur Descoings, Monsieur Chatel et Monsieur Sarkozy de faire en sorte que le plus grand nombre y ait accès, Ă  ces codes ? En multipliant les prĂ©pas pour ceux qui obtiennent de bons rĂ©sultats au lycĂ©e mais qui semblent trop faibles pour dĂ©crocher le concours dès la première annĂ©e, on obtient de bons rĂ©sultats. Trop coĂ»teux ? Mieux vaut, pour eux, imposer des quotas directement dans les Grandes Ecoles en question, cela donne bonne conscience et ça ne dĂ©sespère pas Bercy ! Mieux, on pourrait donner ces codes dès l’enseignement secondaire. La Culture classique – ce que Richard Descoings appelle codes et trucs- n’aurait pas Ă©tĂ© mise Ă  mal depuis des annĂ©es dans l’Ecole de la RĂ©publique sous prĂ©texte de pĂ©dagogie que tout le monde rirait en Ă©coutant ce monsieur. LĂ , on ne rit pas ; on se fâche car lui et ses amis ont tout fait, jusqu’Ă  la rĂ©forme actuelle du lycĂ©e, pour en arriver lĂ  oĂą nous sommes.

Le concours rĂ©publicain est dans le collimateur de Nicolas Sarkozy depuis longtemps. En janvier 2006, Ă  Lyon, il fit pour la première fois rĂ©fĂ©rence Ă  la fameuse Princesse de Clèves. Il avouait son Ă©tonnement de voir cette Ĺ“uvre proposĂ©e aux candidats du concours d’attachĂ© d’administration scolaire et universitaire[1. Pour information, il s’agit de cadres A de la fonction publique pouvant avoir plus d’une cinquantaine de fonctionnaires sous leur responsabilitĂ©]. On dit partout que Madame de la Fayette l’aurait beaucoup fait souffrir Ă©tant jeune. Comme quoi, la culture classique peut se rĂ©vĂ©ler aussi impitoyable avec les enfants de Neuilly sur Seine qu’avec ceux de Clichy sous Bois.

Mais aujourd’hui, profitant de la rĂ©sistance des patrons des Grandes Ecoles, mis au banc des accusĂ©s pour mĂ©pris de classe alors que ce sont bien les quotas Ă  la Descoings qui constituent la forme la plus aboutie de ce dernier, le Gouvernement risque bien de finir le boulot. D’en finir pour les Grandes Ecoles. Mais aussi pour l’entrĂ©e dans la fonction publique. MĂŞme si le travail pour cette dernière est bien commencĂ©, voici une belle occasion qui est donnĂ©e Ă  Nicolas Sarkozy de donner le coup de pied de l’âne Ă  cette vieille mais noble institution rĂ©publicaine.

Il n’y a heureusement pas que des raisons de se lamenter. Il paraĂ®t qu’Alain Minc vient de cosigner une tribune soutenant Descoings et fustigeant les Grandes Ecoles. Avec un tel soutien, les adversaires de l’Ă©litisme rĂ©publicain n’ont peut-ĂŞtre pas gagnĂ© dĂ©finitivement la partie.

9 commentaires

  1. Rien Ă  rajouter sur ce nouveau gourou de l’Education Nationale. A prĂ©ciser qaund mĂŞme:Sarkozy parlait des concours de l’IRA, attachĂ©s d’administration centrale, pas du concours des CASU (administration scolaire et universitaire). Mais c’est le mĂŞme niveau de responsabilitĂ©, grosso modo.

  2. En effet, Descoings est partout sauf dans son Ă©cole …il a tort, car la colère gronde !
    Il tente de casser le seul principe républicain : le concours anonyme !
    Les Ă©lèves de ScPo ont votĂ© contre car tout ce joue en amont ….
    Quant Ă  lui, il a passĂ© trois fois le concours d’entrĂ©e Ă  l’ENA, avant d’ĂŞtre admis.
    Il est surtout sensible au fait que pas mal de fils et de fille Ă  papa ont Ă©tĂ© recalĂ©s plusieurs fois Ă  l’entrĂ©e de Sc Po et des GE, très ennuyeux pour les dons! et ce fric oĂą va- t-il ? pas dans le matĂ©riel totalement minables.
    > Sciences Po n’est pas une Grande Ecole, malgrĂ© son agitation. C’est une « usine ».
    Il ose critiquer le mode d’enseignement classique !! Alors qu’Ă  ScPo c’est « bachotage et formatage », un contrĂ´le chaque semaine, aucun pari sur l’intelligence et l’autonomie !
    Les élèves doivent tenir des cahiers types écoles primaires XIX » s !
    Hallucinant ce monsieur ! il projette tous ses fantasmes dans son activité, il devrait consulter, dommage que Lacan soit mort, on rirait un peu..;
    > Il a passĂ© des conventions avec des UniversitĂ©s amĂ©ricaines et les Ă©lèves sĂ©lectionnĂ©s dans l’ensemble très brillants sont en train de se rĂ©volter contre ce mode de travail, la non fiabilitĂ© des profs et l’Ă©tat des services offerts en termes d’ordi et autres ! Certains Ă©trangers demandent le remboursement de leurs frais et souhaitent partir Ă  la fin de ce premier semestre. Bravo !
    > Quant aux Bourses, ScPo a 21% de Boursier pas plus que les Ecoles Normales supérieures et moins que les Universités.

    >Nous devons tous nous fâcher ! hélas tous les médias lui donnent la parole.

  3. Absolument d’accord avec Louisiane!

    Le statut de Sciences Po de Grande Ecole n’est du qu’Ă  un grand remue-mĂ©nage mĂ©diatique, que M. Descoing a bien raison de relayer dans les mĂ©dias, seul semblant de pouvoir qu’il a!
    Bourrage de crâne, bachotage, et esprit scolaire; voilĂ  ce qu’il vous faut pour entrer Ă  Sciences Po et rĂ©ussir.
    VoilĂ  de quoi sera faite l’Ă©lite de la France de demain….

  4. Le problème c’est que pour rĂ©ussir les concours, un minimum de culture est nĂ©cessaire et, en Sarkozie, la fonction publique n’a besoin que de bons petits soldats.
    De plus, le mĂ©rite d’accès Ă  une fonction par ses talents et son labeur donne plus de libertĂ© que si l’on dois son poste Ă  x ou y.
    Tiens, ça me fait penser que grâce au mérite, il y a plus de 40 ans, Philippe Seguin prouvait que la réussite se réalise aussi sans quotas. Hommage.

  5. le problème des concours administratifs (entre autres) c’est que tant qu’il y a une Ă©preuve Ă©crite, tout va bien. Après il y a l’Ă©preuve orale, et lĂ , ça permet de faire un tri sur la base de la gueule du client.

  6. Et que faites vous de la collĂ©gialitĂ© du jury , Dans tous les concours auxquels j’ai participĂ©, des deux cĂ´tĂ©s de la table, il y avait plusieurs membres du jury pour interroger. C’est une garantie formidable pour que la gueule du client passe Ă  la trappe.

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