Chantal Jouanno se prend les pieds dans le tapis
Chantal Jouanno n’est pas contente. Elle ne comprend pas ce que fait Jean-Christophe Fromantin à l’UDI. « Il n’y a pas vraiment sa place », a-t-elle indiqué sur France 2. Pourtant, le député-maire de Neuilly-sur-Seine fait partie des fondateurs de l’UDI. Il a même récemment été candidat à la présidence de ce parti, obtenant 11,1% des voix, ce qui ne constitue pas un score ridicule. Quel est donc la cause du courroux de Madame Jouanno ? Quel crime M. Fromantin a-t-il perpétré ? Un braquage de banques ? Pire ? Il a donné une fessée à l’un de ses enfants ? Pire ? Il n’est pas favorable au mariage pour tous ? Oui, mais ce n’est pas ça, cette fois, et c’est encore pire. Vous ne voyez toujours pas ? Il a voté contre la résolution « réaffirmant le droit fondamental à l’IVG », lors du scrutin d’hier à l’occasion de l’anniversaire de l’adoption par l’Assemblée nationale de la Loi Veil. Chantal Jouanno décrète, impitoyable : « C’est voter contre les femmes ». Ah oui, c’est grave, là.
Le problème, c’est que lorsque Chantal Jouanno tente d’être plus précise, elle se prend les pieds dans le tapis. Et elle se ramasse lamentablement. Qu’on en juge : « C’est même aller à l’encontre de l’esprit de l’UDI car Simone Veil a symboliquement la première carte d’adhésion de l’UDI, elle est membre d’honneur, elle a la première carte. Hier c’était les 40 ans de son discours sur l’IVG. Voter contre, c’est déjà voter contre les valeurs de l’UDI fondamentalement. »
L’inculture et/ou la paresse de Madame Jouanno ne l’ont visiblement pas conduite à lire le discours prononcé par Simone Veil il y a quarante ans. À ceux qui hésitaient encore sur leur vote, la ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing disait : « À ceux-ci je veux dire que, si la loi est générale et donc abstraite, elle est faite pour s’appliquer à des situations individuelles souvent angoissantes ; que si elle n’interdit plus, elle ne crée aucun droit à l’avortement et que, comme le disait Montesquieu : “la nature des lois humaines est d’être soumise à tous les accidents qui arrivent et de varier à mesure que les volontés des hommes changent. » Non, Madame Jouanno, Simone Veil n’a jamais souhaité créé un droit à l’IVG et encore moins le qualifier de fondamental. Ceci s’adresse d’ailleurs à tous mes aimables consoeurs et confrères qui ont répété toute la journée d’hier que cette résolution réaffirmait le droit créé par Simone Veil. Rien n’est plus faux, le texte de son discours resté célèbre, et qu’il convient de lire entièrement, fait foi. Il est vrai que cette lecture peut sembler rébarbative à Chantal Jouanno. Elle aurait pu alors regarder le téléfilm diffusé par France 2 le même soir. On y voit clairement Simone Veil, incarnée par l’actrice Emmanuelle Devos, s’opposer frontalement à Françoise Giroud, secrétaire d’Etat à la condition féminine, laquelle souhaite affirmer « le droit des femmes de disposer de leur corps ». VGE et Jacques Chirac ont souhaité que ce soit la ministre de la Santé qui porte ce projet parce qu’il s’agissait d’une loi de santé publique, et rien d’autre dans l’esprit du gouvernement. Simone Veil rédigea sa loi et prononça le discours en ce sens. Dans le téléfilm, on la voit même demander au ministre de l’Intérieur Poniatowski : « Mais faites taire Giroud ! ». Aujourd’hui, elle dirait sans doute : « Mais faites taire Jouanno ! ».
Car si quelqu’un a été fidèle au discours de Simone Veil, ce n’est pas Chantal Jouanno, c’est bien Jean-Christophe Fromantin.