L’ancien rival de Marine Le Pen vise moins le PS que la ligne du FN
Le 2 août dernier, Bruno Gollnisch publiait sur son blog une vidéo dans laquelle il réagissait à l’actualité. Commentant une émission rediffusée sur La Chaîne Parlementaire le 29 juillet et qui avait pour thème l’affaire Méric, il a pris pour cible l’un des participants à ladite émission, le député PS de Seine et Marne Eduardo Rihan-Cypel, incitant ce dernier à faire davantage preuve de modestie au prétexte qu’il serait un « Français de fraîche date »[1. Eduardo Rihan-Cypel, brésilien de naissance, est arrivé en France à l’âge de 10 ans et a été naturalisé en 1998.]. Cette phrase a évidemment fait réagir du côté du Parti socialiste au point que le député a fini par déposer plainte contre le vice-président du FN.
Nous ne sommes pas certains que les propos de Bruno Gollnisch soient pénalement répréhensibles. Rappeler un fait biographique rigoureusement exact, en l’occurrence que le député a été naturalisé français, sera difficilement retenu par les juges comme une incitation à la haine raciale et/ou à la xénophobie. En revanche, cette saillie pose un véritable problème politique au FN, ce qui, au-delà des habituels concerts d’indignation, n’a pas suscité de nombreux commentaires politiques depuis que la polémique enfle sur internet. Rappeler les conditions d’attribution de la nationalité française d’un adversaire politique, comme l’a fait l’ancien adversaire malheureux de Marine Le Pen pour la présidence du FN, et pointer la « fraîche date » de cette entrée dans la citoyenneté, c’est effectuer un tri et une hiérarchie entre les Français. En l’occurrence, Gollnisch considère qu’Eduardo Rihan-Cypel se comporte comme un invité qui abuse de l’accueil qui lui a été fait, alors qu’il use de la liberté d’expression conférée à tout citoyen français. Ajoutons que la procédure de naturalisation comporte des exigences que n’ont dû satisfaire ni ceux qui, comme moi, ont hérité de la nationalité française de leurs parents, ni ceux qui l’ont obtenue par leur naissance sur le sol français de parents étrangers. Au-delà de l’égalité entre les citoyens français qui figure au fronton des édifices publics, et même si l’on se place dans l’esprit de la vieille antienne lepéniste « la nationalité française s’hérite ou se mérite », le député PS n’a pas davantage à s’excuser d’être français que Bruno Gollnisch lui-même.
Si cette saillie de l’eurodéputé pose un problème politique à Marine Le Pen, c’est que cette dernière se voit systématiquement accusée par ses adversaires de vouloir trier et hiérarchiser les citoyens français. Or, dans toutes les émissions auxquelles elle participe, elle martèle inlassablement qu’il n’en est rien et que la fameuse « priorité nationale » s’adresse à tous les citoyens, quelles que soient leurs origines. Récemment une polémique l’a opposée au politologue Dominique Reynié qui lui faisait ce procès. Il affirmait en effet le 24 avril dernier dans L’Express que « Marine Le Pen [veut] protéger […] ethniquement » l’hexagone, qu’elle propose un « ethnosocialisme » et entend réserver notre modèle social aux Français « de souche ». Dans le même journal, la présidente frontiste répondait le 12 juin que « rien, ni dans son programme ni dans ses propos ne peut laisser penser qu’[elle] établit une distinction entre les citoyens français à raison de leur origine ou de leur « ethnie », précisant qu’[elle avait] affirmé à plusieurs reprises expressément le contraire. » Volontairement ou non, les propos du député européen apportent de l’eau au moulin de Dominique Reynié.
Alors que Marine Le Pen, aidée par son lieutenant Philippot, tente avec un certain succès de s’attaquer au plafond de verre qui surplombe son parti depuis sa création, les propos de Gollnisch, qui n’en est pas à son coup d’essai[2. Gollnisch s’est notamment, et bruyamment, opposé à certaines exclusions dont celle d’Alexandre Gabriac, jugé persona non grata par Marine Le Pen pour avoir exécuté un salut nazi], jurent dans le décor. Ils rappellent la phrase de Le Pen père en débat face à Lionel Stoléru, le harcelant sur le thème : « avez-vous la double nationalité israélienne ? », épisode parmi les moins glorieux de l’histoire du parti lepéniste, selon moi tout aussi grave que l’affaire du « point de détail ».
Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir, mais l’autorité de Marine Le Pen est en cause. Son silence assourdissant, ainsi que celui de Florian Philippot[3. Note du 7/08/2013 9h30 : Entre la rédaction de cet article et sa publication, Florian Philippot a finalement réagi, interrogé sur l’antenne de RTL. Une réaction digne des plus grands contorsionnistes du cirque français.], alors que Gollnisch piétine la ligne officielle du FN marinisé, en dit long sur les dissensions qui demeurent dans son parti, et les difficultés qu’elle connaît pour imposer sa ligne idéologique.
Qu’est-ce que le bel Eduardo est venu faire chez nous ? je connais une dame très bien à la double nationalité franco-brésilienne, qui répète à qui veut l’entendre que les brésiliens haïssent la France, et qu’elle ne sait pas pourquoi.
C’est parce qu’on leur a mis une déculottée en 1998, après les avoir sortis en 1986 !