Les parodies du «Groupe d’intervention culturelle» enfin réédités

 

Je me souviens que, lorsque j’étais lycéen, j’avais vu chez un marchand de journaux Le Monstre ou Laberration. J’avais trouvé ça curieux. Je me suis dit que cela devait être très drôle mais mon argent de poche hebdomadaire m’obligeait à quelques arbitrages et j’avais dû renoncer à l’acheter. Trente ans plus tard, le chef de cette bande, dont je ne savais pas à l’époque qu’on l’appelait Basile de Koch, a eu la bonne idée de réunir ces pastiches dans une anthologie, éditée aux bons soins des éditions du Cerf. Mon épouse et mes enfants ont eu l’idée ô combien généreuse de me l’offrir pour mon anniversaire et me voient ainsi me gondoler à chaque fois que je saisis l’objet pour en lire quelques pages.

Ce samedi, en virée parisienne pour cause de colloque du Comité Orwell et de lancement du numéro deux de la revue Limite, j’ai eu l’occasion de rencontrer Basile et Laurent Joffrin. Peu de rapports entre les deux, me direz-vous ? Détrompez-vous ! Lorsque son prédécesseur Serge July fut tenté de mettre à la Une la parodie de Libé, question qui divisait sa rédaction, le chef du service politique, Jean-Michel Helvig, eut cette phrase qui convainquit July de ne pas mettre à l’honneur ce chef d’œuvre des Jalons : « Fais gaffe, Serge ! Ces gens-là font semblant d’avoir de l’humour mais en fait ils sont de droite. » On ne sait alors dans quel camp de la rédac’ figurait Laurent Joffrin mais l’autre jour, en l’écoutant, je me suis dit qu’il aurait très bien pu être l’auteur de cette phrase d’anthologie.

En fait, les Jalons ne sont pas de droite. Ils ne sont pas de gauche, non plus. Ils ont compris, bien avant tout le monde, que ces notions avaient pris, au mitan des années 80, un sacré coup dans l’aile. Les parodies de Jalons mettent à poil la société du spectacle politique. De la première à la dernière ligne, tout, absolument tout, est travaillé, calculé. Des titres jusqu’aux errata. Cet erratum par exemple, en bas de la page deux du Monstre : « Dans nos éditions d’hier, une malencontreuse coquille a rendu compréhensible la conclusion du point de vue de Félix Guattari. Nous présentons toutes nos excuses à l’auteur ainsi qu’à nos lecteurs, qui auront rectifié d’eux-mêmes. » Et ces petites annonces de Laberration : « Tête. J’ai perdu la mémoire dans un carambolage entre Tourcoing et Roubaix. Impossible de me souvenir quand. Récompense. Tèl ? » ou « Bien payé. Vous êtes jeune, dynamique, plein d’allant, bourré de talent et d’énergie. Ce travail formidablement bien payé est pour vous. Inutile de vous présenter, c’est une blague. » Hilarants aussi, les programmes télé du Figagaro et ce film érotique sur Arte à 0h20 : « Roger Pontus est colleur d’affiches au RPR. Un matin, il se retrouve avec le pinceau raide et la colle sur le ventre. »

Evidemment, d’autres journaux que les trois plus célèbres quotidiens français figurent dans cette anthologie : Lougarou-magazine, qui pourrait trente ans après titrer, dans un éternel recommencement : « Nos épagneuls seront-ils encore bretons dans trente ans ? », Pourri-Moche, le Cafard acharné, Fientrevue, qui valut aux Jalons une procédure judiciaire promettant de les mettre sur la paille mais qu’ils gagnèrent, finalement.

On me dit que dans toute l’œuvre des Jalons, il existe une autre publication qui supplante les parodies de presse : les fameuses fiches RG de Charles Pasqua. Mais il est très difficile de les retrouver. Un des piliers de Jalons, tendance Socialisme et Barbarie, par ailleurs membre éminent de la rédaction de Causeur, que je ne citerai pas, m’a promis de m’autoriser à les lire « mais chez [lui], attaché au radiateur » afin que je ne parte pas avec. En attendant que ce bijou soit réédité, jetez-vous sur Les Pastiches de Jalons (1985-2015).

Vous ne le regrettez-pas. Votre entourage, en revanche, qui vous entendra pouffer sans arrêt, risque de me maudire de vous les avoir conseillés.

 

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