• David Desgouilles – Les déclarations de Mario Draghi le 6 septembre, puis la décision de la Cour de Karlsruhe, le 12, le temps s’éclaircit sur la zone euro, n’est-ce pas ?

  • Philippe Murer –En utilisant l’argent illimité de la BCE pour faire baisser les emprunts italiens et espagnols, Mario Draghi gagne du temps. Mme Merkel y est favorable car elle pense que cela lui permettra de travailler tranquillement jusqu’aux élections allemandes de Septembre 2013.L’aide de la BCE étant conditionnée à la prise en main de la Commission Européenne sur les budgets. Elle n’est pas gratuite et amènera au contrôle des budgets des pays du Sud. On a affaire à la construction d’une Europe antidémocratique : des gens non élus prennent la main sur les budgets des pays. C’est pour cette raison que l’Espagne et l’Italie attendront le plus possible avant de demander cette « aide ». Il est également légitime de s’interroger sur les raisons qui conduisent à toujours déverser des montants plus élevés d’argent public (l’argent de la BCE) dans les marchés financiers et jamais dans l’économie réelle, qui en a pourtant besoin.Il faut bien comprendre que la crise de l’euro est une crise de compétitivité : les salaires n’augmentant pas au même rythme dans les différents pays, certains pays deviennent très compétitifs (Allemagne) et d’autres perdent leur compétitivité (les pays du Sud). De ce fait, il y a creusement des balances commerciales des pays du Sud et en conséquence des dettes de ces pays.Travailler sur le problème des dettes comme on le fait, ne résoudra jamais la crise puisqu’on ne s’attaque qu’au symptôme, pas au problème premier.

  • DD – L’euro semble taillé pour l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe. Comment expliquez-vous que c’est dans ces pays-là que, malgré tout, les partisans de la sortie de l’euro soient les plus forts ?

  • PM –Un des points essentiels qu’il faut avoir en tête sur ce sujet est que les élites ont fait peur au Français en disant qu’une sortie de l’euro serait une catastrophe. Et c’est aussi vrai pour tous les pays.On peut le constater en étudiant un sondage du Pew Research Center de mai 2012.Ainsi quand on pose la question au Français si l’euro est une bonne ou une mauvaise chose, une minorité de 31% pense que c’est une bonne chose, 40% pensant que c’est une mauvaise chose (voir tableau suivant).
  •  
  • Avoir l’euro est
    Une bonne chose Une mauvaise chose Ni l’un ni l’autre Ne sait pas
    France 31,00% 40,00% 29,00% 0,00%
    Allemagne 44,00% 31,00% 23,00% 1,00%
    Espagne 37,00% 41,00% 22,00% 1,00%
    Italie 30,00% 44,00% 24,00% 2,00%
    Grèce 46,00% 26,00% 28,00% 1,00%
  • Mais quand on leur demande s’ils souhaitent garder l’euro, 69% souhaitent garder l’euro (voir tableau suivant). Pour les Français, l’euro est donc une mauvaise chose, mais ils préfèrent le conserver. Comment expliquer ceci autrement que par la peur distillée sur la « catastrophe » que représenterait une sortie de l’euro ?
  • Il faut
    Conserver l’euro Revenir aux monnaies nationales Ne sait pas
    France 69,00% 31,00% 0,00%
    Allemagne 66,00% 32,00% 2,00%
    Espagne 60,00% 36,00% 4,00%
    Italie 52,00% 40,00% 7,00%
    Grèce 46,00% 23,00% 6,00%
  • On constate donc que les Allemands sont plus favorables à l’euro que les Français, Italiens, Espagnols. Les Grecs constituent un cas à part.

  • DD – Certes ! Mais le débat est plus ouvert en Allemagne qu’en France.

  • PM – En Allemagne, les adversaires de l’euro ont la possibilité de faire des recours devant la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe ce que les Français ne peuvent pas faire. Ces recours permettent la médiatisation de l’opposition à l’euro outre-Rhin. Peut-être que la presse allemande est aussi plus ouverte pour évoquer ce sujet que la presse française. On voit bien que deux semaines avant la signature du très important traité européen TSCG, les grands médias se refusent à expliquer le contenu du traité et ses enjeux.En Allemagne, la Monnaie est un des symboles du pays et il a été très difficile pour les Allemands d’avoir abandonné leur Mark chéri. De plus, le discours de Mme Merkel consiste à leur répéter que ce sont eux qui paient. Rien n’est plus faux : les Français paient tout autant. Les Allemands sentent qu’on va leur demander de payer de plus en plus et cela ne les enchante pas. Enfin, ils sont ordolibéraux : ils veulent des règles strictes et le Marché. Avec les rafistolages de l’euro, les règles strictes volent en éclat. Cela leur déplait forcément.Mais il y a sans doute d’autres explications sociologiques qui m’échappent.DD – Des économistes comme Markus Korber en Allemagne ou Christian Saint-Etienne en France préconisent la séparation de l’euro en deux. Pour aller vite, un euro du nord, autour de l’Allemagne et un euro du sud avec l’Italie, la Grèce, l’Espagne, le Portugal. Quelle zone devrait intégrer la France dans ce schéma ?PM – Cela fonctionnerait un peu mieux si l’euro était coupé en deux qu’actuellement. Mais pourquoi garder l’euro et ses inconvénients si c’est pour en avoir deux ? Est-ce que cela ne fonctionnerait pas encore mieux en coupant le problème en 17 et en revenant aux monnaies nationales ?

    Pour répondre à votre question, de façon égoïste, la France aurait intérêt à rejoindre l’euro du Sud pour profiter de sa moindre inflation par rapport aux autres pays du Sud. Ainsi, son industrie serait de plus en compétitive par rapport aux pays du Sud. A l’inverse, si elle intégrait un euro du Nord, son industrie serait écrasée par celle de l’Allemagne, chaque année un peu plus.

    Il y a d’autres problématiques mais cela dépendrait du rôle des nouvelles Banques Centrales Européennes. Laisserait-on les Etats dans les griffes des Marchés Financiers et les obligeant à se financer par les banques ou les investisseurs ? Ou bien, laisserait-on les Etats emprunter directement à la Banque Centrale pour des projets d’investissement ? Y aurait-il une politique de monnaie forte ou de monnaie faible ?

    DD – Un protectionnisme européen est-il envisageable compte tenu de la position de l’Allemagne

    PM – Oui, mais il faudrait pour cela un gouvernement français courageux et visionnaire. Il faut parler aux peuples européens directement, en passant par-dessus les gouvernements européens comme pour la guerre en Irak. On remarquera que le sondage de l’association Manifeste pour un Débat sur le Libre Echange de Juin 2011 montre que 2/3 des Italiens, Espagnols, Allemands et Français sont favorables à un protectionnisme européen.

    Cependant, l’élite allemande est farouchement contre et s’y opposera. Pour preuve, Angela Merkel a récemment fait une visite au Canada pour négocier un accord de libre échange avec l’Europe.

    Comme les élites ne sont aujourd’hui ni visionnaires ni courageuses, ce sera au peuple français de prendre son destin en main et de faire pression sur le gouvernement pour obtenir un protectionnisme raisonnable, nécessaire à la baisse du chômage et à la réindustrialisation de la France. L’initiative citoyenne européenne, pétition juridiquement établie par la Commission et le Parlement Européen, que nous avons lancé sur http://www.signezpourunprotectionnisme.fr/., permettrait si elle est un succès d’aller demander au Parlement Européen de se prononcer sur la question : « pour ou contre le protectionnisme européen ». Si les politiques européens refusent ce sujet contre 2/3 des européens, on saura que la démocratie a été jetée aux oubliettes.

    DD- Lors de son discours fondateur au Bourget, fin janvier, le candidat Hollande évoquait l’Adversaire, le « monde de la finance ». Au delà des formules de campagne et de la sincérité ou non de ses propos, que vous évoque cette phrase, vous qui enseignez la finance à la Sorbonne et avez une expérience des marchés financiers ?

    PM – Aujourd’hui, l’économie est au service de la finance ce qui est une très mauvaise chose. La Finance doit être un outil au service de l’économie, pas plus, pas moins. Le Monde de la finance a pris le pouvoir sur la société notamment grâce à la loi de 1973, qui empêche l’Etat d’emprunter à la Banque de France et donne le droit de création de l’argent exclusivement aux banques privées. Sans cette loi et sa prolongation dans la création de l’euro, les Etats ne seraient pas dans la main des marchés financiers.

    Repenser une épargne fléchée qui dirige l’épargne vers les activités les plus utiles pour la société est aussi une nécessité. A cet égard, créer un « livret de développement industrie » ayant des avantages pour les épargnants et destiné uniquement au financement de l’industrie constituerait une excellente idée. De même, un livret d’épargne vert à destination des activités commerciales écologiques pourrait aussi être créé afin de favoriser le développement d’une économie durable.

     

     

    Philippe Murer enseigne la finance à la Sorbonne. Il est aussi président du « Manifeste pour un débat sur le libre-échange et membre du Forum démocratique.

1 commentaire

  1. une Europe anti- démocratique,MAIS la FRANCE n-est pas une démocratie;un référendum;PAS respecté,seul en Europe a ne pas avoir la proportionnelle;
    NON le peuple a bien répondu au sondage; OUI,l- euros fut une catastrophe,TOUT les prix multiplier pas quatre ou six
    1 euros; 6;50 francs
    la crise;c »est la MAUVAISE gestions des finances de notre pays;30 ans a emprunté au delà du raisonnable
    pourtant entourer de professeur d »économies,de conseillés;des cerveaux de BERCY,le pays est en faillite?
    bizarrement;tout c »est beaux parleur était muet sur ce scandale ,vivre a crédit,toujours emprunter,et payer les intérêts,50 milliards, M LAGARDE;donnait des leçons au brave peuple;sur le surendettement;et l »état y était depuis longtemps;cars SARKOZY a en quatre ans emprunter 600 milliards;
    la crise est financière,on la doit a tout c-est incapable qui n »on pas sue gérer notre pays;
    l »Europe était un foutoir dés le début;les politiciens était incapable de comprendre,QUE nous n »étions pas compétitifs dans de nombreux domaines:salaires,charges social,TVA,impôts,et tout le reste;2007;SARKO pouvait redresser les finances ,il a fait tout le contraire,et les langues se délit
    un dupont de gauche le remplace;il a prévu 0.8 de croissance? au fou, la maladie de notre pays,se sont nos politiciens et les technocrates déconnecté de la réalité
    se sont les structure de l »état socialiste depuis 45 qu’il faut réformer,l »état est sclérosé pars la fonction publique et les syndicats

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