Juppé dégonflé, Sarkozy humilié, Fillon triomphal

 

22H05, Besançon. On demande de monter le son. C’est Nicolas Sarkozy qui va s’exprimer. Dans la salle proche de la mairie où les responsables de LR centralisent les résultats de la primaire pour le département du Doubs, tout le monde attend la déclaration de l’ex-président, dont on sait maintenant qu’il ne sera pas présent au second tour. Lorsqu’il annonce qu’il votera pour François Fillon, Annie Genevard (notre photo), députée du Haut-Doubs, et proche de l’ancien premier ministre, au point de faire figure de candidate sérieuse au poste de ministre de l’Education nationale en mai prochain, applaudit. Alain Juppé, déjà distancé par Fillon, voit ses chances de l’emporter dans une semaine réduites à peau de chagrin. Deux heures plus tôt, dans le bureau de vote de Châtillon le Duc dans la périphérie de Besançon, où 707 électeurs s’étaient déplacés sur un potentiel de 5418 inscrits périurbains et ruraux, l’affaire nous semblait déjà dans le sac du député de Paris. Il obtenait presque la moitié des bulletins distançant Juppé et Sarkozy qui se tiraient la bourre pour la seconde place.

Humiliant, pour l’ex-président qui, pour l’emporter, devait arriver en tête dans un tel bureau, où les thèmes identitaires chers à la France périphérique semblaient lui être favorables. Finalement, le département du Doubs dans sa diversité, industrielle, urbaine et rurale, a donné près de la moitié des suffrages à l’ex-premier ministre. Dès que François Fillon a semblé pouvoir jouer les trouble-fêtes il y a une quinzaine de jours, les électeurs se sont joués des sondages. Dès qu’il est apparu comme une autre possibilité pour éviter la désignation de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé s’est dégonflé à la vitesse d’un ballon de baudruche, lâché par un enfant dans une salle de séjour. Ces électeurs-stratèges ont très bien lu les sondages qui indiquaient que François Fillon pouvait devenir une solution plus efficace pour battre l’ancien chef de l’Etat. Dans un second temps, certainement dans les dernières quarante-huit heures, il est même apparu comme le meilleur candidat aux yeux de ceux qui ne voulaient de Juppé à aucun prix, ce qui a enclenché une chute impressionnante de Nicolas Sarkozy. La morale de l’histoire, c’est que les électeurs  jouent davantage avec les sondeurs que les sondeurs ne jouent avec eux. On se demande encore comment un ancien Président de la République a pu se prêter au jeu de la primaire, se faisant interpeller par ses anciens ministres à commencer par le premier d’entre eux. « C’était pas le plan », avaient écrit naguère nos amis Laureline Dupont et Philippe Cohen, aujourd’hui disparu. Il ne devait pas reprendre le parti. Rester au dessus de la mêlée, et éviter ainsi le piège mortifère de la primaire ouverte. Mais il n’a pas pu s’empêcher. La défaite de Nicolas Sarkozy, il l’a construite au printemps 2014. Du coté de l’Elysée, on ferait bien de méditer sur les mésaventures du prédécesseur…  Aujourd’hui, on attend la position de François Bayrou. Celui-ci avait annoncé qu’il serait candidat si Nicolas Sarkozy était désigné et derrière Alain Juppé si ce dernier était le vainqueur. Cette position avait fortement participé à la bonne tenue du maire de Bordeaux dans les sondages.  Mais le maire de Pau ne s’est jamais prononcé sur son attitude en cas de victoire d’un troisième homme. Nul doute qu’on lui posera la question dans les prochaines heures. Nous l’avions écrit le 20 octobre dernier lors du reportage à Dole pour une réunion de François Fillon : il pourrait bien être une de ces surprises que la Ve République est capable de nous réserver. Pour autant, il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse. Non, Fillon n’est pas déjà le Président de la République. Oui, il pourrait y avoir encore des surprises d’ici avril prochain. Car, ici comme de l’autre côté de l’Atlantique, les électeurs sont les patrons. Ils font ce qu’ils veulent. Et c’est la moindre des choses en démocratie.

24 commentaires

  1. En France, l’évènement d’hier est presque plus une « élection présidentielle » qu’ une primaire au sens strict et la Trumpisation exerce ces effets irrésistibles, même si, hier soir, ce mot n’a pas été prononcé sur FR2.
    Trump souflette le système qui oublie socialement les déclassés sociaux d’Outre-Atlantique.
    Fillon souflette un système qui méprise et dénigre systématiquement et sociétalement les électeurs de culture « catho ».

  2. Oui bon..
    « Les électeurs sont les patrons » .
    Faut pas s’emballer car….Qui est le patron des patrons électeurs qui manipule les masses se croyant souveraines de leur conscience et idées..
    La liberté de penser est un leurre la seule liberté qui existe…. ,et encore, est la liberté de choisir la méthode et les maitres du rinçage de cerveau que chaque électeur préfère, pour l’instant.

  3. Fillon me va très bien. Mais surtout pas le maire de bordeaux, qui serre la patte pleine de griffes de tarekoubrou (entre autres soumissions).

    • j’ai voté Fillon par conviction…Juppé ne représente pas la droite ,le vote des militants PS lui a permis d’éjecter Sarko ..
      compte tenu de la différence des scores ,Pépé, l’homme de l’identité heureuse aurait dû se désister dimanche soir..il restera comme le diviseur de la droite

  4. Quatorze millions de retraités. Le patron est un vieux, et qui détruit l’avenir des jeunes. N’allons-nous pas mécaniquement vers une révolte des jeunes dans la rue?

    • Pas assez nombreux, les révolutions surviennent lorsque les jeunes de 15 à 30 ans je crois représentent 40 % de la population. Aujourd’hui, ils ne sont que 25 %.

  5. Le patron c’est l’électeur. En effet, hier les citoyens sympathisants LR ont réalisé un acte de souveraineté sur leur propre parti, à travers leur candidat favori. Les influences des partis rivaux (centro-socialistes) ont été neutralisées. C’est une excellente nouvelle pour notre Démocratie, que l’affranchissement des citoyens vis à vis des media mainstream. Car ceux-ci ne sont pas pluraliste, sont partisans. Soit qu’ils soient contrôlés via le CSA pour les media étatiques, soit qu’ils soient normalisés via la régie publicitaire (nerf de la guerre) ou encore soumis à l’imprimatur des rédactions (gauchistes par le recrutement via la cooptation).
    Il ne peut y avoir de lutte contre le progressisme, qu’avec un candidat qui s’inspire de sources plus bénéfiques : la Tradition , la Patrie, la Liberté. Fillon Président !

  6. Les sondeurs. Quelle catastrophe. Après Trump, c’est maintenant Fillon. On dirait qu’ils n’arrivent plus à contrôler l’opinion comme ils le voudraient.

  7. Il n’y a que moi qui s’en souvienne apparemment, mais Bayrou avait indiqué qu’il ne se présenterait pas contre Fillon non plus.

    • Il n’y a aucune déclaration publique à cet égard. Tout juste un article sur le site d’Europe 1 où c’est l’entourage de Fillon qui confie que Bayrou lui aurait assuré en privé.

      Très léger.

  8. Moi, je trouve bien que Sarko appuie Fillon. Il prouve d’abord qu’il n’est pas un mauvais perdant, ensuite parce qu’il était 2° sur ma liste.
    Je me réjouis de l’avantage pris par Fillon. D’abord parce que j’avais voté pour lui. Ensuite parce que j’ai niqué les instituts de sondages. Je suis pour leur interdiction. Il existera toujours parmi les Français une race de suiveurs dont la seule préoccupation sera de se trouver dans le camp du vainqueur et ainsi ne pas rester sur le quai de la gare. Bref, voter, pour eux, c’est prendre le train en marche…. Même s’il mène à Auschwitz !
    Juppé a toujours la baudruche anti-sarko gonflée par la gauche. J’avais très peur que beaucoup de gauchos viennent voter pour le faire gagner.
    J’ai en partie déterminé mon choix par élimination en voyant les autres candidats, et effectivement surtout Juppé. Maintenant, Fillon a un programme intéressant. Toujours être contraint de « voter contre X » n’est pas productif.
    Bayrou…. Le pire est toujours à attendre de lui, et je m’étonne qu’il n’ait pas participé aux primaires qui étaient, après tout, celles aussi du centre. Il doit être bien embêté. Va-t-il une fois de plus jouer les perturbateurs et compromettre une chance de soigner la France. L’Auvergnat en serait bien capable (je m’excuse auprès des Auvergnats qui ne votent pas pour lui).
    Rien n’est encore gagné. Il y a le 2° tour, puis les présidentielles, certes. Mais si déjà Juppé est mis hors jeu, c’est déjà le début d’une bonne chose. Dans un duel Juppé-Le Pen, j’aurais hésité entre l’abstention et le FN.

  9. Patron… pour combien de temps. L’âge moyen des électeurs de la primaire m’a paru élevé. Les jeunes votent de moins en moins. La démocratie représentative semble s’effacer doucement derrière l’influence des réseaux sociaux. On s’apercevra peut-être dans quelques années que la démocratie n’aura été qu’un (court) moment de l’histoire humaine.

  10. Bonjour David,

    bonne analyse et malheureusement je constate que l’on ressasse encore et toujours les mêmes bêtises dans les commentaires à propos des sondages.
    Sur les instituts de sondages, ils ne se sont pas vraiment trompés puisqu’en aucun cas ils ne peuvent prédire l’avenir. Il serait bien plus facile, dans le cas d’espèce, de jouer le Vol du bourdon sur une flute traversière avec des gants de boxe que d’arriver à un pronostique fiable (ce que reconnaissent les sondeurs eux-mêmes) : une base électorale insaisissable, des candidats du même bord (par définition) aux programmes très proches, donc une versatilité de l’opinion très forte, des comportements très difficiles à saisir. Les derniers sondages ont bien vu la dynamique Fillon (le stock étant mal évalué) mais en aucun cas ne pouvaient annoncer une victoire aussi massive, l’intéressé lui même a été d’évidence surpris. On peut se demander alors l’utilité de telles enquêtes d’opinion.S’ils n’existaient pas, ils manqueraient en premier lieu à ceux qui les critiquent…et tout de même, par exemple, aux équipes de campagne qui doivent composer avec pour ajuster leurs stratégies. Le problème des sondages, quand ils sont sérieusement construits, tient dans leur lecture et la perception de leurs limites, et à rien d’autre.
    Au reste, Fillon n’a eu nul besoin d’être défendu contre un prétendu complot médiatique puisqu’il a ses idées claires (qui ne sont pas les miennes), et a creusé patiemment son sillon avec le succès que l’on sait, le temps étant l’allié des laborieux.

  11. Article très intéressant sauf la dernière phrase. Il est tenant de créer des parallèles, en particulier lorsque des évènements sont concomitants. Néanmoins, aux États-Unis, les électeurs ne font pas ce qu’ils veulent car Hillary Clinton a obtenu 1,7 million de voix de plus que Donald Trump et que dans n’importe quel démocratie, elle serait présidente. Malheureusement, l’électoral collège américain permet à un candidat minoritaire nationalement d’être majoritaire au sein du Collège. Donc parallèle tentant mais faux.

    • Vous vous trompez. Candidats et électeurs US jouent avec les règles. Si l’organisation du scrutin était la même qu’en France, Trump, Clinton et leurs électeurs respectifs auraient fait campagne et voté autrement.
      Par exemple, les électeurs républicains n’avaient pas beaucoup d’intérêt à se déplacer en Californie ou dans l’Etat de NY, parce qu’ils savaient que tous les grands électeurs seraient remportés par Clinton. Pareil pour les électeurs démocrates dans les Etats traditionnellement démocrates. Les candidats ont concentré leur énergie sur les fameux « swing states » où la participation était évidemment plus élevée.

      • Merci de votre commentaires mais il est inexact. J’ai vécu 6 ans aux Etats-Unis – 2 dans le Michigan (swing state) et 4 aux Texas (peut-être future swing state en 2024) et je pense connaitre particulièrement bien le système électoral (aussi bien pour les primaires que pour l’élection générale et ces 538 grands électeurs). Pour Clinton, si l’élection avait lieu avec un système démocratique direct, sa base électorale plus large lui aurais permis de gagner. Premièrement, dans les états classiquement démocrates (Californie/New York), Trump n’aurais pas pu la concurrencer. Ensuite, ses victoires sans les états de l’ouest (Nevada/Nouveau Mexique) lui aurais permis d’augmenter son avance .De plus, la faiblesse de Trump dans les états républicain à forte population Latino (Texas, Arizona) lui aurait permis de minimiser l’avantage républicain. Enfin, les victoires de Trump dans le Midwest se sont faites avec une très faible avance (17000 voix dans le Wisconsin, 30000 dans le Michigan et la Pennsylvanie). Dans toutes les configurations, avec une élection présidentielle directe Clinton aurait été élue présidente.

        • Désolé, j’ai oublié un dernier point. La faible participation dans les non swing state affecte autant les républicains que les démocrates. Donc même si la participation était plus élevée, elle en favoriserait pas plus un candidat que l’autre. Dans tous, les cas New York et la Californie voteraient à 60%-70% démocrate.

    • La « grande » démocratie US a un mode d’élection indirecte du Président, ce qui fait que, parfois,celui ou celle qui a remporté le plus grand nombre de suffrages des citoyens au niveau national, n’est pas nécessairement élu.
      Eux seuls sont légitimes pour dire s’il doivent changer ou conserver ce mode de scrutin.
      Tout le reste n’est que bavardage.

      • Desolé mais c’est un point different de mon message. Tout à fait d’accord qu’ils sont responsables de leur mode de scrutin. Mais cela n’a rien avoir avec le message du texted qu’était que l’electuer est le patron en donnat l’élection de Donald Trump comme exemple. La majorité aux US n’a pas raison et que donc l’ectuer n’est pas toujours le patron dans ce pays.

  12. Digne fut le discours de Sarco!
    Tous (médias, « élites morales et pensantes »,artistes millionnaires mais aussi courageux que moutons de Panurge),bâtonnent et crient au loup devant Fillon. La France va descendre dans la rue, on va revivre les grands mouvements de 95 etc…Et si au contraire le moment est venu de se bouger, de réformer, d’entrer en réaction contre tous les « ventres mous »!

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