« Si j’étais Préfet de police, j’interdirais les fiacres la nuit ».

Si j’avais ce pouvoir, je mettrais deux mauvais élèves à une table, et je leur ferais disserter cette citation de Louis XV. Ces deux piètres écoliers s’appellent Nicolas et Edwy. Je crois que les claques derrière les oreilles pleuvraient.

Commençons par Edwy. Il croit que Nicolas renoue avec une conception monarchique du pouvoir. Il le claironne à qui veut bien l’entendre. Et pourtant, lorsqu’on prend le temps de lire cette citation royale, lorsqu’on réfléchit, on doit bien convenir que Louis XV a un avis sur la question mais qu’il ne se substitue pas au Préfet de police. Il pense que le Préfet de police est sans doute trop laxiste de laisser ainsi les fiacres circuler nuitamment mais il emploie le conditionnel : il n’est pas préfet de police. C’est à ce dernier de prendre ses responsabilités ; il ne sera pas pour autant destitué. Le Roi respecte le rôle de chacun dans l’Etat, parce que l’Etat, c’est lui, précisément. « L’Etat, c’est moi », justement. Citation célèbre de l’arrière-grand-père, Roi-Soleil. L’Etat, c’est le Roi et pas les Grands, pas les féodaux. Là  encore, on croit que cette phrase qui incarne la monarchie absolue fait peu de cas des sujets de Sa Majesté. Au contraire, c’est le Tiers-Etat qui demande au Roi, lors des Etats-Généraux de 1614, de se proclamer monarque absolu, ce que combattent la Noblesse et le Clergé. Dés lors, lorsque l’élève Plenel compare l’élève Sarkozy avec un monarque absolu, il se met le doigt dans l’oeil, mais aussi l’avant-bras et le coude.

Passons à l’autre cancre, précisément, qui a malheureusement été élu Président de la République. Imaginons le à la place de Louis XV. Non seulement, le lendemain matin, le Préfet de Police serait congédié, les fiacres interdits la nuit dans l’après-midi. Mais il est aussi fort possible, que sous la pression de divers groupements (nobliaux en colère de ne pouvoir jouir sans entrave de leurs richesses, sociétés propriétaires de fiacres, etc…), il pourrait, après la publication de moult pamphlets -sorte de buzz de l’époque, renoncer à sa décision initiale et autoriser très rapidement la circulation nocturne de ces véhicules. L’Etat n’en serait pas sorti grandi.

Revenons à notre époque et examinons justement quelques situations qui prouvent que je ne sombre pas dans l’anti-sarkozysme primaire à la Edwy, ce qui serait un comble, après ce que je viens d’expliquer.

Lorsque le Préfet de la Manche ainsi que le directeur de la sécurité du même département furent virés par Nicolas Sarkozy, ce n’était pas au regard de leurs résultats. En effet, ces derniers étaient excellents, si on prenait la peine d’étudier les classements publiés par le ministère de l’intérieur en terme de lutte contre la délinquance. Il s’agissait d’un caprice. Monsieur n’avait pas aimé que ses chastes oreilles soient chatouillées par les slogans de quelques manifestants. Il aurait fallu que ces derniers soient repoussés assez loin pour que le moral présidentiel ne soit pas ainsi atteint. Le Préfet ne doit plus assurer la sécurité ; il doit avant tout se préoccuper de la psychologie hystérique de Nicolas Sarkozy.

Lorsque que le ministre de l’Intérieur ordonna le huis-clos pour le match de coupe de France Auxerre- Paris, il le décida pour des raisons de sécurité, nous dit-il. Il aurait, constatant que c’est le club de la capitale qui pose problème partout où il se déplace, pu demander que le club bourguignon soit d’ores et déjà désigné vainqueur. Et même, proposer la dissolution du PSG en conseil des ministres. Mais il s’agit du club préféré du Président. Il préfèra donc, comme je l’ai expliqué la semaine dernière, léser Auxerre.

Enfin, lorsque le Préfet Bernard Fragneau applique la loi et les règlements, votés et durcis par le gouvernement en place, en matière de reconduite à la frontière, il se conduit en serviteur de l’Etat loyal et rigoureux. Alors que, certainement sous les encouragements de son ministre, il tente de tenir bon contre le déferlement associatif et le buzz -avatars des associations de défense du fiacre et des pamphlets que j’évoquais plus haut, il est ensuite désavoué par le Président de la République qui réclame le retour d’une ressortissante marocaine expulsée en vertu des décisions prises par lui-même. Il trépigne et tranche en totale hystérie, après avoir reçu les assocs en question. Là encore, Sarkozy ne sait pas ce qu’il veut. On dirait un enfant de deux ans[1. Des proches me diront « ça sent le vécu ». Précisément !].

Du salutaire « Etat, c’est Moi », précurseur de la Convention, de la Troisième République imposant la Laïcité, et du gouvernement du Général de Gaulle, on est passé à un « L’Etat, c’est à Moi ». Je ne suis pas certain qu’on y ait véritablement gagné.

Bernard Fragneau, Préfet de la région Centre, fit un séjour dans mon Jura natal il y a quelques années. Contrairement à d’autres représentants de l’Etat, je me souviens bien de son nom. Il semble donc qu’il n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, ni par les élus locaux, ni par les saintes-associations, toutes féodalités qu’un Préfet doit contenir afin que s’exprime l’autorité de l’Etat. Il ne souhaite pas passer pour un guignol ; il souhaite donc être relevé de ses fonctions. Qu’il soit remercié de cette leçon de service de l’Etat, donnée à tous, et en particulier celui dont, en premier lieu, c’est la mission[2. Ajoutons qu’il se conduit élégamment avec ses services, ce qui n’est pas le cas de tous les représentants de l’Etat ces temps derniers, comme le signalait Manuel Moreau sur Causeur récemment.].

22 commentaires

  1. le préfet,,,,,et la ministre,,,,, pas un mot,,rien,,elle tiens a son gagne pain,ou quoi?
    ce préfet mérite une médaille et oui
    quand tu connais le sarko,,,,,,il est foutu,,,
    je n »ai jamais eu la langue de bois,
    donc,je pense que la carla et ses copines de putes machin-chose ont fait pressions sur le sarko,,,,
    son point faible,tout le monde connaît,,les femmes
    en ne respectant pas les lois de la républiques,sa ministre,son préfet,,et les lois de la république,
    il a fait une grave erreur,
    en voulant toujours avoir raison,il fait une autre erreur
    dans l »affaire,in y a un autre CON, mariani,qui l »écris dans var-matin,,,
    mais se con,lui,,,,n »a pas le courage du préfet,,,
    messieurs les godillots faux-culs réagissez avant qu »il ne soit trop tard,
    la France est malade, et celui qui est vraiment malade se trouve au château,,,,
    qui peut le soigner,,,,,PERSONNE,hélas
    tout jeune,il était comme cela?
    triste,mais vrais

  2. Bonjour,
    Il en est hélas ainsi de toute les lois comme des réglements. La théorie finit toujours par être confrontée à la réalité. Décider de l’expulsion selon la loi sur dossier est plus facile que d’accepter l’expulsion de votre ami, voisin, collègue ou de votre copain de classe. les liens qui se sont noués deviennent, et c’est humain, prépondérant. Qui n’a eu un jour à sanctionner un camarade ne peut comprendre. Que de fautes avérées excusées par un supérieur hiérarchique trop protecteur. Celui même qui vous accusera de laxisme le lendemain.
    Qu’il est difficile ainsi de n’être pas suivi par sa hiérarchie; quel déchirement se doit être pour ce serviteur de l’état.

    Au fait, vu la gravité des faits ayant justifié ce retour en arrière, le frère il doit au moins être en prison? Et la jeune fille? Levez moi d’un doute, elle n’habite plus chez son tortionnaire j’espère?

  3. J’espère que les associations qui ont fait pression auprès de l’Elysée la prendront en charge. Ce serait la moindre des choses.

  4. Cher David,

    même si le « à » est le thème de votre article et qu’il en résume toute la subtilité, on n’écrit pas « on doit bien convenir que Louis XV « à » un avis sur la question  » mais « on doit bien convenir que Louis XV « a » un avis sur la question. Pardon, je n’ai pas pu m’en empêcher, déformation professionnelle… entièrement d’accord avec vous pour le reste, la comparaison entre l’hystérie de Sarko et la pondération dont témoigne la citation de Louis XV est intéressante, à mon avis moins pour ce qu’elle révèle de l’Etat-selon-Sarkozy que pour ce qu’elle révèle du simplisme de l’analyse-politique-selon-Plenel.

  5. george,je ne répond jamais,
    chez nous,toute la famille le savait,
    lorsque vous entrer dans l »entreprise,,AUCUN passe droit,
    même pour mon épouse,la PDG
    sinon,c »est le foutoir,,assurer

  6. Cher Mr. Desgouilles,
    Je vous remercie pour cet article.
    Etant monarchiste (je sais, c’est aujourd’hui totalement obsolète, mais je me soigne)
    j’ai beaucoup apprécié votre rappel de la phrase de Louis XV.
    Aussi trouvè-je très courageux et, même plus, admirable la position du Préfet.
    Il ne peut en aucun cas continuer à servir sous les ordres d’une telle girouette, que la décision de ce dernier soit de son fait ou de celui de son épouse, sans parler de l’énorme battage médiatique qui a suivi.

  7. @turbo22

    J’aime beaucoup cette phrase. Je la dois à Paul-Marie Couteaux. Je précise que je ne suis pas monarchiste moi-même mais je me situe dans cette ligne incarnée par Blandine Kriegel qui voit une continuité entre Monarchie et République et qui voient davantage la Révolution en un aboutissement de la construction de l’Etat-Nation plutôt qu’une rupture.
    Amitiés,

    DD

  8. @ David Desgouilles

    Merci, je sais que vous etes un vrai gaulliste, ce que je respecte.
    Cependant, vous comprendrez que je ne suis pas d’accord avec Blandine Kriegel car pour moi, la revolution francaise a ete une reelle rupture et tout ce qui a suivi y compris l’Empire ne represente que de pales copies, tout particulierement depuis Giscard.
    Je prefere l’original!

    Amities

  9. Merci pour le plaisir que votre article m’a procuré. Il faut toujours effectivement interroger l’Histoire pour essayer de mieux comprendre le temps présent.
    Je vous livre ce jugement du bon roi XI° parlant de Nicolas, pardon, Charles le Téméraire:
    « QUAND ORGUEIL MARCHE A CHEVAL, DOMMAGE LE SUIT EN CROUPE ! »

    A méditer , n’est-ce pas !

  10. Je ne suis pas monarchiste, plutôt farouchement républicain.
    Cependant, rendons aux deux Louis cités plus haut ce qui leur est dû, à savoir le sens de l’Etat.
    D’autres, émigrés de la seconde génération, devraient relire « NOTRE » histoire, afin de s’en inspirer surtout quand ils tiennent les rênes du char de ce même Etat.

  11. Excellent papier !!! Sur des sujets comme l’autorité de l’Etat, vous êtes décidement le meilleur. Petite remarque concernant la continuité Révolution-Monarchie : F.Furet affirmait que la Révolution n’était que la révolte de la bourgeoisie parisienne qui s’est estimé lésée par le retour de la Noblesse dans les rouages de l’Etat après le règne de Louis XIV (où cette bourgeoisie avait été omniprésente). Voir l’histoire de la Régence et de la polysynodie, ainsi que certaines grandes familles nobles (Noailles, La Roche Foucauld- Liancourt, Rohan …) qui monopolisèrent les postes au 18ème siècle. J’adhère completement au point de vue de Mme Kriegel

  12. @ Turbo22 : L’empire pale copie ? Je pense que l’Empire napoléonien est le triomphe abouti du projet LouisQuatorzien de domination de l’Europe. Si vous étiez authetiquement monarchiste vous devriez admirer napoleon. Comme disais Cadoudal le jour de son execution : « Nous étions venu donner un Roi à la France ; nous avons fait mieux;, nous lui avons donné un Empereur »

  13. @steed59

    Etre monarchiste ne veut pas dire vouloir la domination de l’Europe par la France mais la gestion de la France par un monarque.
    Si j’admire Napoléon, je ne suis pas vraiment d’accord avec ses visées égémoniques même si, au départ, il prétendait apporter les méthodes républicaines de gestion aux autres nations. Ce n’est pas vraiment ce qu’il a réussi.
    Quand à Louis XIV, je l’admire aussi mais il a quand même saigné la France.
    Non, je préfère des Rois tels que Charlemagne, Louis XI et Henri IV et, à la rigueure,
    François 1er. et Louis XV.
    Cordialement

  14. Pour en revenir au sujet qui nous concerne, je pense que ce préfet s’est fait un bon coup de pub. Je trouve le comportement de NS sur le cas du préfet de la Manche bien plus dégueulasse

  15. @ DD : me comparer à E.Z. est trop flatteur pour moi. Cependant étant breton d’origine et travaillant dans le secteur maritime, je me sens plus proche de la France maritime et de ses aventuriers qui ont « provigné de neuves Frances » outre-mer dans l’indifférence générale de tout les gouvernements , qu’ils soient monarchistes ou républicains et qui ont toujours eu les yeux fixés sur la frontière nord-est. Ah les Cartier, les Cavelier de la Salle, les Dupleix, les Duguay-Trouin, les Jean Bart ….. me font plus rêver que les grenadiers de la garde

  16. @ turbo22 : si on est monarchiste on endosse tout les Rois. La monarchie, c’est comme la révolution, c’est un tout !! Si vous reprochez à un monarque de ne pas être à votre gout, c’est plutot un reflexe républicain …

  17. Cher steed59,
    Vous ne m’avez pas bien compris. Bien sur que j’endosse tous les Rois, mais rien ne m’empèche de préfèrer certains d’entre eux à d’autres. Il se peut que cela vienne de mon éducation républicaine?
    J’ai d’ailleur précisé que j’admirai Napoléon et Louis XIV.

    Cordialement

  18. @ steed59
    Je suis aussi Breton et j’ai travaillé longtemps dans le maritime et comme vous les marins que vous citez m’ont fait et me font encore rèver.
    Mais vous serez d’accord avec moi que c’est bien la République qui a tué cette industrie.

    Cordialement

  19. Il ne faut pas oublier que Louis XV a indemnisé la veuve de Calas sur sa cassette personnelle, car il savait que le parlement de Toulouse refuserait de l’indemniser au civil après avoir été obligé de le réhabiliter au pénal. Voilà quelqu’un qui effectivement savait ce qu’était l’Etat ! Ce n’est pas comme Sarko et consorts…
    Au fait « L’Etat c’est moi », n’est pas plutôt du petit-fils de Louis XV que de son arrière-grand-père ? Un doute m’assaille…

  20. J.C.GENTY
    La justice voudrait que vous y associiez Louis XVI . Il serait trop long de rappeler les projets et les réformes réussies que la Révolution a réalisés en beaucoup plus mal, et a enterré.
    Il devait en effet beaucoup gêner les baudruches à la Robespierre …

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