Entretien avec l’essayiste Guillaume Bigot
Guillaume Bigot est notamment l’auteur du Zombie et le Fanatique (Flammarion, 2002) et Le jour où la France tremblera (Ramsay, 2004). Il a aussi publié plus récemment La trahison des Chefs (Fayard) et dirige actuellement un groupe d’écoles de commerce.
Comment faire en sorte que les promesses d’unité et de redressement de la grande manifestation du 11 janvier soient tenues ?
Avant de proposer une mesure concrète et décisive, rappelons une vérité rassurante : 20 % des militaires et des policiers français sont de confession musulmane. Pas un seul ne s’est tourné vers le djihad. Des hommes en uniforme et en armes possèdent nécessairement un esprit de corps, se considérant comme des égaux (l’égalité) et comme des frères d’arme (la fraternité). Sous les drapeaux, ils appartiennent tous à une communauté, fière et pleine de traditions. Pour bien comprendre le sens et l’efficacité de la mesure que l’on va proposer, il faut que l’on regarde une autre réalité en face. Et celle-ci est terrifiante : 22 % de ceux qui font le voyage pour grossir les rangs de Daech sont des convertis.
Quelles conséquences tirez-vous de ces deux réalités ?
La preuve irréfutable que le djihadisme séduit, qu’il répond à un besoin. C’est en fait un patriotisme de substitution. L’aboulie post-moderne, doublée d’une fascination pour la violence, peut déboucher sur un vide que seul le fanatisme le plus pur sait pour l’instant combler. Une dialectique mortifère entre un zombie qui doute et a peur de tout (nous, les agressés) et un fanatique qui ne doute et n’a peur de rien (eux, les agresseurs) s’est bel et bien enclenchée. Ce n’est pas un choc de civilisation, c’est un clash entre vide et trop plein, entre « néantisme » et totalitarisme.
Une cause à servir, fondée sur des certitudes inébranlables, dans un cadre strict, qui transcende le matérialisme et l’individualisme, en exaltant l’héroïsme, voilà ce qui séduit dans le poison islamiste.
Quel serait l’antidote au poison djihadiste ?
Le service militaire a été suspendu en 2002. Un décret suffirait à le rétablir. La jeunesse se retrouverait, sans distinction de race, ni de religion, sous un même drapeau. Jeunes banlieusards et enfants des beaux quartiers porteraient le même uniforme et seraient placés dans un même cadre. Nous préconisions déjà ce rétablissement avec Stéphane Berthomet en 2005. Dans identité, il y a identique. Dans notre devise, il y a aussi égalité et fraternité. Il faudrait aussi appeler les femmes sous les drapeaux. Certaines jeunes filles des cités devront ainsi retirer leur voile, au moins pendant quelques mois.
Pour l’adapter aux exigences de l’heure, il faudrait donc que ce service exclue tout passe-droit. Il pourrait également être plus court. La fascination exercée par les armes et la discipline qui est celle de l’armée sont telles que quelques mois de « classes » suffiraient à transformer nos jeunes en soldats. Cette décision audacieuse mais réaliste réduirait le risque djihadiste, casserait la dynamique communautariste et ressouderait la jeunesse.
Le rétablissement du service militaire sera-t-il réellement efficace contre l’embrigadement des jeunes par l’islamisme radical ?
Nombre d’études en attestent : là où le service militaire a été maintenu, les djihadistes sont proportionnellement moins nombreux (ils l’étaient moins en France avant son abolition et plus nombreux en Belgique, ils le sont désormais plus en France qu’en Allemagne). Un autre phénomène est également très documenté : depuis la suspension du service militaire en France, les violences physiques contre les personnes ont augmenté de manière exponentielle. En initiant la jeunesse au maniement des armes, on fera baisser le niveau de violence dans notre société. Le rétablissement du service national, militaire ou policier, est donc aussi fondé sur le plan de la sécurité. Car nous n’en avons pas fini avec les troubles intérieurs et extérieurs. Des barbares s’en sont déjà pris à des synagogues ou à des journaux. Des salauds commencent à s’en prendre à des mosquées. Disposer de troupes en nombre ne sera pas inutile pour prévenir et, si besoin, contenir des troubles.
Mais l’armée crie famine et les budgets de la Défense sont coupés…
« Nous n’avons plus les moyens », crieront les militaires. Eh bien, qu’on les leur redonne. La paix civile vaut bien une dette. Il n’y a pas que la paix intérieure, d’ailleurs. Daech n’est pas très loin des lieux saints et l’Arabie Saoudite est un fruit mûr. L’arc de crise djihadiste débute au nord de la Chine et plonge profondément dans l’Afrique de l’ouest.
La population est-elle prête à accepter le retour du service national ?
Le glissement de terrain historique qui s’est opéré le 11 janvier a restauré le patriotisme. Les plus rétifs à l’égard du roman national, les derniers Mohicans de 68 ont fini, eux aussi, par chanter la Marseillaise. Face à cette agression, les partisans du « il est interdit d’interdire » se sont aperçus qu’il y avait des limites à tout. Le peuple a applaudi les forces de l’ordre. Mai 68 est donc dépassé au sens hégélien. La liberté sous sa version la plus excessive, qui s’était opposée à l’idée de patrie, ne l’est plus. Une certaine idée de l’ordre et de l’identité s’est réconciliée avec la liberté et c’est une avancée extraordinaire. Il reste cependant à restaurer l’égalité et la fraternité. En une journée, les Français ont compris qu’ils n’étaient pas ce peuple de beaufs ou de sous-Américains mal adaptés à la mondialisation dépeints par leurs élites. C’est une première étape.
Quid de la jeunesse ? Une certaine frange des jeunes donne l’impression de ne plus se sentir française…
Les jeunes qui ont grandi dans la raillerie des frontières et dans une identité fleurant la haine de soi vont devoir réapprendre le patriotisme. Mais nous sommes aussi face à des jeunes qui se sont trouvé une patrie de substitution. Il faudra reconquérir les esprits. Un acte patriote et non un « Patriot act ». Voilà ce que serait le rétablissement du service militaire.
Certes, mais redonner les moyens à l’armée signifie sortir des critères de Maastricht et envoyer balader la commission, l’euro et tout le toutim, car si le budget de l’armée a été – et est – massacré, c’est bien pour « respecter nos engagements » vis-à-vis de la chimère européenne que le peuple a rejetée en 2005 !
J’ai fait mon service en 1989 en Essonne, à cette époque il suffisait de venir en djellaba à ses 3 jours pour être réformé.
J’avais été étonné de voir si peu d’arabe dans la caserne et j’en avais déduit que l’armée n’en voulait pas ou ne s’embarrassait pas de ceux qui ne voulaient pas faire leur service.
je répète votre phrase : il faudrait donc que ce service exclue tout passe-droit.
FAUX!
la preuve: même des ex-soldats français partent en Syrie!
voir les news!
Le service militaire peut être un des moyens de lutter contre le djihadisme mais le titre de l’article est trompeur: il laisse penser que le service militaire constituait la panacée en ce domaine. Bien d’autres évènements se sont produits en parrallèle qui ont tous leur part de responsabilité (ouverture des frontières, abandon de l’école et de certains principes, diminution des budgets de sécurité, perméation de l’esprit 68 dans tous les domaines,…). Le nouveau service militaire pourrait d’ailleurs être une année de service civique, mais un vrai service civique qui implique l’adhésion aux principes de la République laique.
Ceci diit, ne nous leurrons, pas, les armées ne sont pas imperméables: il y a des pays où le djihadisme progresse en leur sein…
PAs un seul militaire ne s’est tourné vers le djihadisme ? Ah bon. On parle tout de même de quelques dizaines d’anciens sous-off ou hommes du rang qui ont rejoint Daech.