Lettre à Jean-Claude Guibal, patriote en peau de lapin

Monsieur le Député,

Monsieur Aphatie, éditorialiste à la mode, se posait la question suivante alors qu’il voulait dézinguer l’auteur du livre sur Monsieur K. :« Lorsque Pierre Péan raconte l’anecdote selon laquelle Bernard Kouchner, déjà ministre, se lève et se fige dans un restaurant lorsqu’il entend l’hymne anglais à la télévision, à l’occasion d’une retransmission sportive, et qui, à l’inverse, se rassoit au moment ou retentit la Marseillaise, et s’en désintéresse ostensiblement, que veut-il nous dire ? »

Je dois vous avouer, Monsieur le Député, que je savais bien que la réponse arriverait vite. Il ne s’est pas passé une semaine avant que l’occasion me soit donnée de répondre. Voilà qu’un député de la majorité, qui a sans doute applaudi à tout rompre Bernard Kouchner la semaine dernière, fustige les joueurs des équipes nationales et leur enjoint, à travers une proposition de loi, de chanter l’hymne national avant les rencontres internationales. Au lieu de vous en prendre à des sportifs, ne pensez-vous pas que l’exemple ne doit pas venir de plus haut ? Le président de la République n’est pas en reste d’ailleurs, lui qui ne suivit pas Jacques Chirac lorsque ce dernier quitta la tribune lors de la finale Lorient-Bastia où la Marseillaise fut copieusement sifflée par de nombreux supporteurs corses. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy lui-même chante t-il toujours l’hymne national ? Franchement, je n’en suis pas certain. Et vous ? Méfiez-vous ! De nombreuses caméras indiscrètes rôdent maintenant. Il se pourrait bien qu’un de ces jours, tourne en boucle sur le Net votre image stoïque et muette pendant qu’on joue l’oeuvre de Rouget de Lisle .

Maintenant  qu’est évacuée la question du nécessaire balayage devant la porte UMP sur la question des symboles nationaux, nous pouvons passer à d’autres choses, beaucoup plus sérieuses, Monsieur le Député Guibal. Que faisiez-vous le 4 février 2008 à Versailles ? N’avez vous pas passé une grande partie de la souveraineté nationale par dessus bord en dépossédant notre pays d’une bonne part de son indépendance ? N’avez vous pas, à cette occasion, passé par pertes et profits le vote négatif des Français -et donc la souveraineté populaire, cette fois- trois ans plus tôt ? Lorsqu’il a fallu batailler contre le Protocole de Londres et ses conséquences néfastes pour la langue française, où étiez-vous donc ? Et à propos de la réintégration otanesque, vous aplatirez-vous aussi devant Nicolas Sarkozy ? Est-ce la frustration du parlementaire qui ne vote pratiquement plus que des transpositions de directives bruxelloises qui le conduit à se faire un nom en pondant des propositions de loi réglementant le patriotisme des sportifs ?

Monsieur le député, la Nation et son indépendance sont davantage mises en danger par Sarkozy, Kouchner et compagnie que par Benzema, Gourcuff et Anelka. Ne vous croyant pas stupide, il ne reste que deux solutions. Soit vous votez tous ces textes à contrecoeur et dans ce cas, vous manquez singulièrement de courage pour ne pas évoquer autres choses portant la même initiale. Soit vous faites volontairement oublier votre participation au sabordage national en agitant les symboles patriotiques. Et si je me laissais aller comme votre nouvel ami Monsieur Kouchner, je vous dirais que cela me rappelle certaines années noires.