PrĂ©sident de la RĂ©publique et magistrats ont donc dĂ©cidĂ© de nous prendre Ă  tĂ©moin. Et malgrĂ© le dĂ©goĂ»t profond que peut inspirer cette macabre invitation, nous n’allons pas nous dĂ©rober.

A ma droite, Nicolas Sarkozy. Il n’a pas dĂ©rogĂ© Ă  cette dĂ©sormais ancienne règle, surfer sur chaque affaire criminelle faisant la une des journaux pour la transformer en opĂ©ration politicienne de bas-Ă©tage. Qu’on ne se mĂ©prenne point : n’importe quel chef d’Etat est dans son rĂ´le en s’assurant du bon fonctionnement de la Justice ; c’est mĂŞme son rĂ´le constitutionnel. Cependant, Nicolas Sarkozy, qui oublie souvent très volontairement ses cours de droit -rappelons qu’il est avocat de formation- n’est assurĂ©ment pas le mieux placĂ© pour donner des leçons aux juges. Il suffit de rappeler qu’il fut Ă  l’initiative de six lois en la matière pour se rendre compte que son activisme ne fut guère couronnĂ© de succès. Pis, le dĂ©calage existant entre les mâles dĂ©clarations et l’empilement lĂ©gislatif d’une part, les moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs fixĂ©s d’autre part, constitue une preuve accablante selon laquelle le PrĂ©sident de la RĂ©publique se trouve au premier rang des responsables qu’il a dĂ©signĂ©s Ă  l’opinion. Vingt-mille places de prisons manquent ? Les construit-on ? Nenni, on prĂ©fère ne pas exĂ©cuter les peines d’emprisonnement infĂ©rieures Ă  deux ans. Greffiers, juges d’applications des peines manquent dans de nombreux tribunaux pour mener Ă  bien l’exĂ©cution des sanctions prononcĂ©es ? Embauche t-on pour autant ces personnels ? Pas davantage. Sainte RGPP, priez pour nous ! Quant Ă  la prĂ©somption d’innocence, elle est rĂ©gulièrement foulĂ©e aux pieds par le premier magistrat de France, que l’on parle, dans le dĂ©sordre, de Villepin, de Meilhon ou de Colonna. Difficile, en effet, de se voir donner des leçons de responsabilitĂ© par Nicolas Sarkozy, fut-il prĂ©sident de la RĂ©publique.

A ma gauche, les magistrats. Ils sont choquĂ©s, indignĂ©s -c’est Ă  la mode- par les propos prĂ©sidentiels. Et se mettent en grève. Le lecteur ayant lu le paragraphe prĂ©cĂ©dent s’attendra Ă  ce que je prenne leur dĂ©fense. Ce serait en effet logique. Et pourtant, j’ai du mal. D’abord, parce que si j’ai entendu beaucoup d’entre eux demander des moyens supplĂ©mentaires, ce n’Ă©tait pas souvent pour qu’ils soient notamment affectĂ©s Ă  la construction de nouveaux centres de dĂ©tention. Ensuite, et surtout, parce qu’ils se sont souvent signalĂ©s par un corporatisme qui me semble aussi Ă©loignĂ© de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral que les opĂ©rations politiciennes du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Les responsables du fiasco judiciaire d’Outreau ont-ils Ă©tĂ© sanctionnĂ©s par leurs pairs du CSM ? Ils ont Ă©tĂ© promus. A t-on assistĂ© Ă  une vĂ©ritable introspection de l’institution judiciaire Ă  la suite de cette triste affaire ? Pas davantage. Nous n’y avons vu trop souvent, comme rĂ©ponse, que de l’arrogance. Qu’on se souvienne que le directeur de l’Ecole Nationale de la Magistrature a dĂ» peser de tout son poids pour qu’une promotion d’Ă©tudiants ne crĂ©e un scandale en se baptisant « Fabrice Burgaud », du nom du juge du tribunal de Boulogne-sur-Mer. Que ces Ă©tudiants-lĂ  sĂ©vissent aujourd’hui dans des tribunaux et que, par le plus grand des hasards, on puisse se trouver Ă  ĂŞtre jugĂ© par l’un d’entre eux demain, ne provoque t-il pas, dans le dos de chacun d’entre nous, un lĂ©ger refroidissement ?

Entre celui qui détricote la justice, qui la fragilise cyniquement au moment où elle en a le moins besoin et ceux qui sont incapables de se remettre en question et qui ne sont pas non plus avares de pression envers la chancellerie pour punir des éditorialistes trop critiques à leur goût, je ne choisis pas.

En revanche, je m’inquiète.

6 commentaires

  1. Article remarquable,comme bien souvent.Mais j’ajouterai que si Sarkozy est dans son rĂ´le quand il veut s’assurer du bon fonctionnement de la justice,il en sort lorsqu’il reçoit les familles des victimes et Ă©tale pesamment sa compassion.Va-t-il recevoir une Ă  une les familles des victimes de l’amiante ou du Mediator?

  2. Très bon article… Enfin j’en trouve un, sur la blogosphère, Ă©quilibrĂ© et pas manichĂ©en pour un sou…

    Je suis choquĂ©. Tout me choque dans cette polĂ©mique. Et je me dis que si le paradis existe, la fille morte pour rien doit avoir bien des hauts le coeur Ă  voir ce pitoyable spectacle…

    Bonne journée

  3. comme souvent,ses paroles dépasse sa pensée,
    en plus ul s »emporte;s »énerve,et vlan,une connerie qui choque tout le monde
    ensuite,,le corporatisme,,mal Français
    qui en France est au dessus des lois,,,le juge et oui
    outreau,
    des familles décimées,un père qui se suicide,en prison,ect ect
    pas grave pour ces gens au dessus des lois,
    aucun remords du petit juge,il faut le dire,AUCUN
    en plus ,une promotion,
    trop,c »est trop ,
    alors,on vous dit,manque de moyens,,,
    la police,les pompiers,les hĂ´pitaux,la SNCH,ect ect manque de moyens
    et le con-tribuable,lui ? n »a plus les moyens
    puis,l »aide judiciaire gratuite est une belle connerie,pour un rien,tribunal,si il payerais une participations,cela les calmerais un peu
    les dossiers,en attente de décisions,
    remis a 8 jours,1 mois,ect ect et maintenant,la cours Européenne,et demain,peut étre une cours mondial,
    dans ce pays,c »est la chienlit a tout les niveaux,
    et comme personne n »ose l »écrire,
    pour ce genre d »individu,,la peine de mort

  4. Bonjour,
    Je suis tout Ă  fait d’accord avec vous, les deux protagonistes ne mĂ©ritent qu’une volĂ©e de bois vert.

    Quant Ă  l’encombrement de la justice, le « jeux de la montre » que jouent les uns et les autres est loin d’ĂŞtre innocent, il en va de la survie des professionnels. Nous sommes un peuples des plus procĂ©duriĂ© et les avocats en vivent. Relisez « Les plaideur »…Toutefois, il suffit de se rendre dans un tribunal d’instance pour avoir une idĂ©e des raisons principales de l’encombrement de la justice.
    Rendez-vous Ă  une session, l’accès est ouvert au public. Vous assisterez lĂ , après les congratulations d’usage entre confrères, Ă  de mini plaidoiries de cinq Ă  six minutes. Genre:
    1er avocat: »Comme vous me l’aviez demandĂ© la dernière fois, voici ma rĂ©ponse mais j’aimerai que vous rĂ©pondiez Ă  cette question »

    2ème avocat: « Merci d’avoir rĂ©pondu Ă  ma question, toutefois je n’ai pas la rĂ©ponse que vous me demandez, c’est pourquoi je demande au tribunal de m’accorder du temps pour prĂ©parer ma rĂ©ponse ».
    A ce moment, le juge demande si l’un des plaideurs est prĂ©sent afin de lui poser la question. Mais en leur absence dĂ©cide d’un report Ă  la scĂ©ance suivante et ainsi de suite…A aucun moment l’on impose la prĂ©sence de ces plaideurs (si la loi ne le prĂ©voit pas, les dĂ©putĂ©s sont lĂ  pour arranger ça). RĂ©sultat, cela traine en longueur. Un minimum de cinq ans pour une affaire de droit de passage, deux ans pour des impayĂ©s, un an pour une piscine percĂ©e. A l’issus de chaque sĂ©ance, les clients auront la joie (genre « cache ta joie ») de recevoir un rapport dactilographiĂ© du dernier dĂ©veloppement de l’affaire. C’est la preuve que l’affaire avance. Enfin, ce sera soit la rĂ©ponse Ă  la question prĂ©cĂ©dente, soit la question que suscite la rĂ©ponse, le tout assortis d’une demande d’avance provisionelle et ainsi de suite…L’affaire avance Ă  petit pas et encore je ne parlerai pas ici des vacances de la justice, renseignez vous.
    C’est comme cela que de questions en rĂ©ponses, d’expertises en contre-expertises gĂ©nĂ©rĂ©es par les deux avocats, une affaire simple devient compliquĂ©e et encombre le prĂ©toire. Il suffirait souvent de la prĂ©sence des plaideurs pour la rĂ©soudre plus rapidement, car ils ont bien souvent dĂ©jĂ  fait part Ă  leurs avocats respectifs de toutes les questions et rĂ©ponses, mais bizarrement (sĂ©rĂ©nitĂ© oblige) l’on s’en garde bien. Pour ne pas perdre en se prĂ©cipitant, les arguments principaux ne seront distillĂ© de part et d’autre qu’avec une lenteur pusillanime. Surtout des deux cĂ´tĂ©s, l’on dĂ©conseille la prĂ©sence du plaideur, cela risquerai de compromettre la lenteur du procĂ©sus de renard mis au point. Car voyez-vous la « sĂ©rĂ©nitĂ© de la justice » exige cette lenteur…
    Qu’elle soit coĂ»teuse tant pour la justice que pour les plaideurs n’est qu’accessoire. Chutt!!! Que voulez vous mon bon monsieur, il faut bien vivre…
    Si Sarko a fait des stages, cette rĂ©alitĂ© n’a put lui Ă©chapper…

  5. A propos de plaideurs : si on relisait la pièce de Racine ? Peut-ĂŞtre nous apercevrions-nous qu’il n’y a pas grand’chose de neuf sous le ciel des robins.
    Le PrĂ©sident de la RĂ©publique a Ă©tĂ© grotesque et grossier comme d’habitude, comme avant lui l’ont Ă©tĂ© Madame Royal, Messieurs Allègre, Jospin et Bartolone Ă  l’encontre de la piĂ©taille professorale rechignant Ă  qualifier de gĂ©niales leurs grandioses innovations pĂ©dagogiques.
    Lorsque cette estimable cohorte de fonctionnaires a Ă©tĂ© salie par ses ministres de tutelle, a-t-on entendu Monsieur Sarkozy avec le ban et l’arrière ban de la future U.M.P., ainsi que les syndicats de magistrats prendre sa dĂ©fense ? Ont-ils jamais soutenu les profs essayant de faire leur boulot malgrĂ© les dĂ©sastres ministĂ©riels ?
    Jamais !
    On voit oĂą en est l’Ă©ducation nationale aujourd’hui ! Alors, cher PrĂ©sident et chers magistrats, bon courage pour l’avenir de la justice en France !
    Bon, c’est pas tout, mais qui peut me dire quel est le pays d’Europe en dehors de la bureaucratie de Bruxelles, qui accepterait un pauvre rĂ©fugiĂ© politique ? J’hĂ©site entre l’Albanie et le Montenegro. Y en a-t-il d’autres ?

  6. Un grand bravo pour cet article : comme vous je renvoie dos Ă  dos ce prĂ©sident qui s’indigne ou fait semblant de s’indigner d’un fait divers extrĂŞmement tragique …mais bien peu reprĂ©sentatif des vrais gros dysfonctionnements de la justice.

    On aimerait pourtant qu’il s’indignât quand les magistrats, la main dans la main avec les politiques, « étouffent » les grandes affaires « sensibles de la Veme RĂ©publique: a-t-on entendu jamais entendu Sarkozy s’indigner que la justice ne passe pas dans les affaires des disparues de l’Yonne, du Temple Solaire, l’affaire Alègre oĂą on essaie de nous faire croire que tout se rĂ©sume au malheurs mĂ©diatiques de notables jamais mis en examen, (dont un s’est lui-mĂŞme passĂ© la corde au cou avec ses mensonges et approximations en particulier sur les complots aussi illusoires que fantasmĂ©s …), des 169 morts de l’avion d’UTA du fait des magouilles du trio Chirac – Pasqua – Marchaini, etc…

    Sarkozy s’indigne-t-il des incroyables magouilles de l’institution judiciaire dans ce dossier comme dans celui d’Alègre du Temple Solaire des Disparues de l’Yonn, de l’assassinat de Ben Barka ou de Boulin, etc. ?

    Que nenni, bien au contraire il couvre les »vérités officielles » ?

    Actuellement, les mĂ©dias nous prĂ©sentent depuis 3 semaines un Fabienne Boulin qui se bat depuis 31 ans pour que la vĂ©ritĂ© soit faite sur l’assassinat de son père.

    Le PrĂ©sident Sarkozy s’indigne-til des incroyables magouilles de l’institution judiciraie dans ce dossier ?

    De leurs cĂ´tĂ©, les magistrats s’indignent-ils de la lâchetĂ© et du suivisme de certains de leurs confrère qui dans ces dossiers, aux ordres de politiques, « couvrent » et « étouffent » ?

    Jamais on ne les a entendu protester contre ces violations Ă©videntes de l’Ă©tat de droit…sauf quand il s’est agi d’un de leurs confrères, le juge Borrel.

    Donc, il s’agit une fois de plus d’une pantomime assez pathĂ©tique qui ne trompe que les naĂ®fs. RĂ©veillez-vous naĂŻfs et idiots utiles et constatez qu’une fois de plus magistrats et politiques sont des alliĂ©s objectifs mĂŞme s’ils font semblant de s’opposer.

    Certes ce dossier Laetitia est tragique mais l’indignation feinte de Sarkozy et la rĂ©action outragĂ©e des magistrats ne sert qu’Ă  passer sous le tapis des affaires infiniment plus graves pour la dĂ©mocratie.

    Un fois de plus le citoyen est pris pour un imbécile par les politiques et les magistrats.

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