Mes universités

En ce retour de dépaysement sur la côte atlantique, pas question d’aborder le sujet des Roms. Franchement, j’ai l’impression d’avoir tout écrit avant de partir en évoquant le grand gesticulateur. Comme les propositions de déchéance de nationalité, ces expulsions ne relèvent ni du fascisme ni d’un gouvernement courageux luttant contre une gauche milliardaire et bien-pensante. Elles ne sont que gesticulations d’un Président non pas aux abois mais plutôt aux fraises, ce qui n’est pas moins inquiétant pour le pays.

Alors que les écologistes viennent d’organiser leurs universités d’été à Nantes, que les socialistes préparent les leurs à La Rochelle, que tous les autres mouvements politiques vont faire de même, pourquoi ne pas rassembler ici nos souvenirs en la matière ?

1989 Saint-Cyprien (66) -RPR

Un an après sa grosse volée aux présidentielles, Chirac est présent avec un joli costume en lin. Je n’ai même pas 18 ans et on me place à la table de Michel Giraud, dont j’apprendrai plus tard qu’il était une des chevilles ouvrières du financement marron du RPR. Si Maman avait su cela… Quant à Michelle Alliot-Marie, elle nous confie dans le hall d’entrée qu’elle a mis une heure pour venir en voiture depuis Montpellier. Preuve qu’elle était plus proche à cette époque de devenir ministre des sports que de l’Intérieur ou de la Justice.

1990 Saint -Raphaël (83) -RPR

Un semestre après la rébellion Pasqua-Séguin, il ne fait pas bon, cet été là, afficher son soutien aux deux trublions. Kamikaze à mes heures, je ne suis pourtant pas en reste. Cela me conduit à me rapprocher des jeunes de la fédération des Vosges. Je fais notamment la connaissance de l’un d’entre eux, dix-sept ans à peine. Il sait déjà qu’il sera agrégé de philosophie. Dix-huit ans plus tard, c’est lui qui m’attirera à Causeur. Il s’appelle François Miclo.

1991 Périgueux (24) -RPR

Un journaliste de la Cinq de Berlusconi, caméra à l’épaule, cherche à piéger les jeunes en leur demandant vers qui va leur préférence entre Tapie et Le Pen. A part ça, pas grand chose à signaler. A part peut-être que le Palais des Congrès est moche, comme partout.

1992 Port-Marly (78) -RPR

Les Universités d’été ont été reportées fin septembre afin que le débat sur Maastricht ne pollue pas notre belle unité. De fait, il ne sera surtout pas question de parler d’Europe. A six mois des élections législatives, il vaut mieux évoquer des sujets qui fâchent moins. Par exemple, critiquer la nouvelle chaîne culturelle ARTE en compagnie de l’invité-surprise Jean-Claude Bourret.

1993 Strasbourg (67) -RPR

Séguin se met à poil devant Chirac. C’est à lui, nous hurle t-il, de montrer le chemin. L’autre, le lendemain, lui en sait gré : il salue Alain Juppé, « le meilleur d’entre nous ». Séguin, paraît-il, en pleurera. Cela dit, Juppé ne se relèvera jamais de cette phrase non plus.

1994 Bordeaux (33) – RPR

Juppé, qui souhaite devenir maire de la capitale girondine, y a organisé l’évènement. Il chouchoute Séguin et lui tend la main. Ce dernier prononce un petit bijou de discours sur ce que doit être un Président de la République française. A relire[1. Figure dans « Discours encore et toujours républicains » Denoël 1994, p 331]. A l’Elysée, surtout !

1996 Troyes (10) – RPR

Ambiance anti-fonctionnaire, quelques mois après les grandes manifs de l’hiver 1995. Je viens quant à moi de devenir fonctionnaire depuis quelques jours et j’interviens pour signaler à mes compagnons que le fait de servir l’Etat et d’être gaulliste sont autant de situations qui n’ont rien d’incompatibles. D’ailleurs, ajouté-je avec gravité, Michel Debré, décédé un mois plus tôt, avait naguère encouragé les jeunes gaullistes à embrasser le Service Public[2. Ce que j’avais totalement inventé. En fait, C’est Pierre Mazeaud, qui fut l’élève de Debré, qui l’avait fait en 1991 à Périgueux.]. Guy Sorman[3. A l’époque, conseiller de Juppé à Matignon.] m’approuve. Il se dit choqué par la chasse aux fonctionnaires venant de gaullistes, alors que lui, libéral, n’en est même pas à ce point. « N’oubliez pas ce que vous êtes et d’où vous venez », conseille t-il. Sur le cul de bénéficier d’un tel soutien, je n’ose boire du petit lait.

1998 Toulouse (31) – RPR

Ambiante foot, foot, foot. Séguin a pris le RPR. Mais il a déjà perdu la guerre avec Chirac. On met en sourdine les sujets qui fâchent et on ne parle que de ballon rond. On y joue, même. L’équipe dirigeante du RPR a formé une équipe. Sarkozy, Lellouche, Baroin et Dupont-Aignan, notamment, la composent. Le soir, il y a Allemagne-Croatie sur grand écran. Les Croates l’emportent 3 à 0 ce qui ravit les jeunes militants. Un ami précieux, non dépourvu de quelques ancêtres serbes, me confie alors : »Qu’ils sont cons ! Les Croates, ce sont des Boches à damier ».

1998 Arles (13) Demain La France

Le club de Charles Pasqua m’a convié à participer à ses universités d’été. L’ancien ministre de l’Intérieur sait déjà qu’il mènera une liste aux européennes l’année suivante. Il s’inquiète auprès des militants MDC présents de l’état de santé de Chevènement, dans le coma depuis quelques jours suite à un accident d’anesthésie. J’y croise Couteaux, Garaud, Guaino. Nous savons tous que Séguin va faire sa mue européenne pour complaire à Chirac. Ma décision est prise : je vais quitter le RPR.

Pour finir, je me permets un petit cadeau pour les quelques nostalgiques qui peuvent flâner ici :