Celle qui pourfend l’extrême droite a appartenu à une liste d’extrême droite…


La tête de liste LREM-Modem pour les élections européennes Nathalie Loiseau a, selon Minute puis Mediapart, appartenu à une liste d’extrême droite lorsqu’elle était étudiante à Sciences-Po. L’intéressée a d’abord nié les faits avant de plaider l’oubli…


Bien sûr, on pourrait maudire cette époque où l’on fouille votre passé jusqu’à trente-cinq ans en arrière. Bien sûr, on pourrait rétorquer que le passé d’extrême gauche du patron de Mediapart vaut bien la participation à une liste liée au GUD à des élections étudiantes. Bien sûr, on pourrait rappeler que le scoop du site d’Edwy Plenel n’en est pas vraiment un : c’est Minute qui avait levé le lièvre il y a quelques semaines déjà. On pourrait ainsi en conclure qu’il y a bien d’autres motifs pour critiquer Nathalie Loiseau.

Mais ce serait faire preuve de beaucoup de naïveté. La tête de liste de La République en Marche (LREM) et du Modem pour les élections européennes ne s’est pas gênée elle-même pour se servir – avec beaucoup de mauvaise foi – de vieilles déclarations de son homologue LR François-Xavier Bellamy sur l’IVG. Elle a expliqué, le cœur sur la main, que le fil conducteur de toute sa vie politique, c’était la lutte contre l’hydre populiste, fasciste même. Elle avait même été choisie pour ça. Toute la stratégie de LREM, c’était : « Nous les progressistes contre le danger de l’extrême droite », le camp du Bien contre celui du Mal. Nathalie Loiseau avait même mis en scène sa candidature en plein débat face à Marine Le Pen, avec le même naturel que son mentor Alain Juppé avouant à la tribune qu’il « avait la pêche, la super-pêche ».

J’ai la mémoire qui flanche…

Et voilà qu’on apprend qu’en 1984, en pleine émergence du FN dans le paysage politique français, Nathalie Loiseau a fait partie d’une liste estampillée UED (Union des droites de Sciences-Po – liée au fameux GUD) pour des élections étudiantes, rue Saint-Guillaume. Contactée par Mediapart, elle a d’abord nié catégoriquement, accusant les journalistes de faire dans la « fake news », avant de plaider le trou de mémoire puis de reconnaître qu’elle avait bien participé à cette liste. Et c’est là qu’on commence à se fendre la poire.

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Nathalie Loiseau était bien étudiante en sciences politiques dans la plus grande école française desdites sciences. Elle y était même déjà diplômée et y préparait le concours d’entrée à l’ENA. Si encore elle avait été en première année de biologie ou de sports, on aurait pu croire et même être touché par cette tendre naïveté. Mais ne pas connaître le paysage politique étudiant quand on vient tout juste d’être diplômée de Sciences-Po, il y a plus crédible…

Nathalie Loiseau à bonne école

Si on peut se permettre des conseils en communication à Nathalie Loiseau, elle aurait pu trouver meilleure défense. Elle aurait pu dire par exemple, comme l’ont fait beaucoup d’autres avant elle, qu’à cet âge, elle était révoltée contre son milieu, contre sa famille, que c’était sa période punk. Qui sait si cela n’aurait pas cassé son image de technocrate froide ? Elle aurait pu dire que c’était par amour pour un étudiant un peu « bad boy » avec gros biscottos et coupe de cheveux bien dégagée sur les côtés. Il aurait fallu être sans cœur pour le lui reprocher. Elle aurait même pu arguer qu’à l’époque, son mentor Alain Juppé travaillait bien avec le fameux Club de l’Horloge de Jean-Yves Le Gallou et Henry de Lesquen, ce que la presse française, ébahie hier soir, ne nous avait pas rappelé pendant la campagne de la primaire de droite. Bref, on se serait rappelé que chaque personne a son propre parcours et qu’on a après tout bien le droit de changer. Mais non, Madame Loiseau préfère passer pour nunuche. Ou penser que nous sommes nous-mêmes bêtas au point de la croire, ce qui est plus désolant encore.

Comme un boomerang…

Cet épisode distrayant n’en est donc pas moins révélateur. Mettre en scène une campagne « progressistes versus fachos de service », comme on le souhaite à l’Elysée, n’est pas seulement catastrophique pour la vie démocratique du pays, elle est aussi très périlleuse pour ceux qui s’y adonnent. Tel un joueur de boomerang amateur, Emmanuel Macron et sa candidate idéale viennent de prendre l’objet en pleine figure. Et il ne faudrait pas en rire ?