A Paris, Lyon et Besançon, la campagne des municipales 2020 est mal engagée pour la République en marche. Les candidatures dissidentes et les couacs se multiplient.


Il y a presque deux mois, nous évoquions la candidature dissidente Villani aux municipales de Paris et nous en tirions quelques conclusions sur l’uberisation de la vie politique que LREM avait promue et dont elle devenait la victime en boomerang.

Paris, un casse-tête pour Macron

Paris est en effet une ville symbolique, non seulement parce que c’est la capitale, mais aussi car – antre du progressisme à trottinette – Emmanuel Macron et LREM y ont réalisé leurs meilleurs scores, de la présidentielle aux européennes en passant par les élections législatives. Rater l’occasion de prendre Paris à Anne Hidalgo serait ressenti comme un échec cuisant. La candidature Villani, à la fois symptôme et cause supplémentaire des difficultés à s’imposer de Benjamin Griveaux, pourrait permettre à Anne Hidalgo de rester en place, alors que sa popularité n’y est pas écrasante, loin s’en faut. François Bayrou s’en est ému dimanche dernier et a glissé un joli tacle par derrière au candidat officiel, plaidant pour un plan B, comme Borloo ou Buzyn, qui réconcilierait tout le monde Villani compris.

Marigot lyonnais

Mais Paris n’est pas la seule à inquiéter la majorité présidentielle. A Lyon, Emmanuel Macron a dû se déplacer lui-même pour arbitrer entre Gérard Collomb et David Kimefeld. Le marigot lyonnais est moins romantique que la relation entre les personnages joués par Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier dans le formidable Alice et le maire.

En capitale des Gaules, le vieux crocodile n’a pas apprécié que le dauphin prenne de l’assurance et veuille conserver la métropole qu’il lui avait confiée lors de sa nomination au ministère de l’Intérieur. Son départ de la Place Beauvau l’an dernier était notamment motivé par le souci de ne pas perdre toute influence à Lyon. Aussitôt Macron entré dans la danse, chacun aurait sans doute souhaité que l’autre prenne la municipalité et ses emmerdes, se gardant les énormes pouvoirs de la métropole. Evidemment, il ne pouvait y avoir que blocage. Notons aussi le rôle non négligeable dans cette histoire de Caroline Collomb, épouse de Gérard, évincée cet été de son poste de référente LREM du Rhône, qui ne s’était pas fait que des amis dans le parti, localement et nationalement.

Bref, Emmanuel Macron, comme à Paris, a échoué à établir à Lyon une paix des braves. Voilà Collomb et Kimefeld lancés tous les deux à l’assaut à la fois de la ville et de la métropole. Un sondage récent indiquerait un avantage certain au plus ancien des deux. Mais on sait comme une candidature dissidente peut être dévastatrice au fur et à mesure que la campagne avance. Les coups pleuvent bas et ne profitent qu’aux autres adversaires. En l’occurrence, les candidats EELV et LR se frottent les mains, alors que le PS a complètement disparu de la circulation entre Rhône et Saône. Ne pas remporter Lyon serait d’autant plus dommageable pour Emmanuel Macron que Lyon est pour l’heure la seule très grande ville à être tenue par LREM.

Eric Alauzet investi par LREM à Besançon

Il est une autre ville, certes moins importante, où un maire LREM est en place. Il s’agit de Besançon, dans la périphérie de laquelle vit votre serviteur. Jean-Louis Fousseret a deux points communs avec Gérard Collomb : ils ont le même âge (six mois d’écart) et ils ont tous les deux quitté le PS en 2016 pour rejoindre Emmanuel Macron. Mais ils ont aussi une différence. Jean-Louis Fousseret, maire depuis 2001, n’est pas candidat à sa propre succession et il aurait bien vu sa jeune protégée Alexandra Cordier, référente LREM du Doubs, membre de son cabinet et attachée de presse de la Ville, reprendre le flambeau.

Mais le député Eric Alauzet, ex-EELV aujourd’hui à LREM, membre de l’équipe municipale Fousseret depuis des années, voyait aussi son heure venue. Plus connu des Bisontins qu’Alexandra Cordier, il a annoncé sa candidature dès décembre dernier. Adoubé par une accolade ostensible par Emmanuel Macron lors des commémorations de Gustave Courbet au printemps, et renforcé par les résultats des élections européennes sur la ville qui donnaient un score canon à la liste écologiste, la commission d’investiture a fini par trancher en sa faveur, alors que Jean-Louis Fousseret continuait de croire en l’étoile de sa candidate favorite. Jusqu’au bout, ils ont tenté de faire pencher la balance de leur côté, jouant même la carte de la jeune femme du nouveau monde contre le vieux mâle blanc hétérosexuel, embarquant avec eux le soutien de Marlène Schiappa, comme l’indiquait un hilarant article du Parisien début juillet. Peine perdue. La commission tranchait pour Alauzet. Mais le duo Fousseret-Cordier n’a pas flanché pour autant. Alors que l’automne a rafraîchi notre belle cité comtoise, voilà que l’étoile d’Eric Alauzet, plutôt en bonne forme cet été, commence à pâlir. D’abord parce que la gauche, qui tient la mairie depuis 66 ans, vient de se réunir, du PS à au PCF en passant par Génération.s et EELV. Ensuite et surtout, parce que, comme à Paris et à Lyon, Alexandra Cordier semble bien décidée à faire dissidence également, sans doute encouragée par le maire sortant. Non seulement, elle fait des œillades fort appuyées – et semble-t-il appréciées – au candidat LR Ludovic Fagaut, mais elle se met en scène sur Facebook au restaurant avec l’ambitieux et médiatique avocat Randall Schwerdorffer, dont les propos rapportés dans son portrait publié par Libé au plus fort de l’affaire Jonathann Daval, dont il assure la défense, avait fait sursauter toute la France féministe, Marlène Schiappa en tête. Schwerdorffer n’a jamais caché qu’il avait des envies urgentes de s’investir dans la vie municipale, et avait laissé entendre que ça ne se ferait pas avec Eric Alauzet. Que Cordier s’affiche avec lui avec le mot-dièse #Afterwork (Tellement « Nouveau monde » !), c’est quasiment faire acte de candidature. D’ici à ce qu’elle embarque avec elle « Agir » et l’UDI, les signes mutuels envoyés avec le candidat LR pourraient préfigurer une alliance entre les deux tours, si leurs scores respectifs le permettent. Et comme à Lyon et à Paris, c’est un troisième larron qui pourrait en profiter.

Paris, Lyon, et Besançon constituent donc des affaires très mal embarquées pour LREM. Promis, votre serviteur vous tiendra au courant de la suite !