La répression par le Pouvoir chinois au Tibet pose à chacun de nous, encore une fois, la difficile question de nos relations avec le pays le plus peuplé de la planète. Elle la pose avec d’autant plus d’acuité à ceux qui, comme moi, ont placé depuis des années la Souveraineté Nationale comme condition première d’un monde multipolaire harmonieux.
Le Genéral de Gaulle avait été le premier chef d’Etat du « Monde Libre » ainsi qu’il le qualifiait lui-même à reconnaître la Chine Populaire. Il avait d’autre part refusé, lors du putsch des colonels, de changer sa politique diplomatique vis à vis de la Grèce pour la bonne et simple raison que : »La France ne reconnaît que les Etats, pas les régimes ». Ce principe de base a, peu ou prou, été respecté en France. Et la diplomatie française a bien eu des mérites de de le faire, tant les apôtres de l’ingérence colonisaient les lieux de pouvoir. Le Président de la République qui avait fait campagne sur la rupture avec ce principe – ce qui avait conduit André Glucksmann dans son comité de soutien et Bernard Kouchner dans son gouvernement- a été rattrapé par la Realpolitik lors de l’affaire Kadhafi et dans ses relations avec la Russie. Le journaliste Eric Zemmour parla à l’époque de « dépucelage diplomatique » de Nicolas Sarkozy. Cette métaphore légère était d’autant plus conforme à la réalité que cette conversion se produisit avec excès (j’allais dire « comme d’habitude », s’agissant du Président de la République).
Comment, dès lors, concilier notre attachement à la Souveraineté des Nations, nécessaire à l’équilibre et la stabilité du Monde et notre attachement aux Droits de l’Homme, tant il est vrai que nous ne pouvons pas être indifférents aux méthodes employées par le Pouvoir chinois ? La réponse est plus simple qu’il n’y paraît : en défendant nos intérêts. Et cela passe par l’ardente obligation de regarder en face la situation : la Chine profite de son absence de droits démocratiques, sociaux et syndicaux pour nous tailler des croupières et démanteler nos industries. L’utilisation de centaines de milliers de quasi-esclaves constitue une concurrence déloyale intolérable. Plutôt que de braquer la Chine en leur tenant des discours qu’ils considèrent comme inacceptables au regard de leur Souveraineté, agissons. Créons des barrières douanières qui ne diminueront que dans la mesure des améliorations progressives des droits démocratiques, sociaux et syndicaux des salariés chinois. De même, le respect de l’environnement peut faire l’objet de ce nouveau protectionnisme que j’appelle de mes voeux. Cela rendra grand service aux organisations écologistes chinoises qui font aussi l’objet de répression.
Toutes ces solutions, pour peu qu’on rompe avec l’idéologie de la mondialisation heureuse, seraient bien plus efficaces que certaines palinodies et notamment la tentation du boycott des JO. Certains éditorialistes comme Monsieur Apathie sont allés jusqu’à affirmer que le boycott des Olympiades de 1980 à Moscou avait précipité l’avènement de Gorbatchev. J’en ris encore. Non, il faut aller à Pékin avec nos sportifs et nos journalistes. En humiliant la Chine nous ne ferons qu’exaspérer ses dirigeants et les encourager dans leur politique. En leur parlant de Puissance à Puissance, en rompant avec la naïveté économique à son égard, nous ferons progresser là-bas la Démocratie, la Liberté et la feuille de paie des Chinois.
Mais j’ai peur que les Gouvernements, et le nôtre en particulier, adhèrent difficilement à ces idées iconoclastes, lesquelles tranchent avec l’idée -pourtant folle- que le libre-échangisme produit la Liberté des Hommes. Difficile effort de conviction mais nous nous y attelons.