Le mythe du candidat herculéen ne tient pas
Le célèbre commentateur de football aujourd’hui disparu, Thierry Roland, avait l’habitude d’utiliser une expression imagée lorsque la physionomie d’un match changeait : « Les mouches ont changé d’âne. » C’est un peu le message que souhaitent faire passer d’autres commentateurs, cette-fois ci dans le domaine politique. En un été, tout aurait changé. Juppé hier au firmament des pronostics serait démonétisé et Nicolas Sarkozy, qui était aux fraises, serait aujourd’hui le favori.
Par quel miracle ce retournement a-t-il été possible ? Les fameux « observateurs » souvent vilipendés par Nicolas Sarkozy lui-même, auraient-ils un besoin urgent de maintenir du suspense dans la primaire ? On répondra d’autant plus positivement à cette dernière question qu’on ne voit vraiment aucun élément factuel pour valider ce retournement.
Les premiers sondages qui sont tombés au moment de l’annonce de la candidature de l’ex-président montrent d’ailleurs une baisse spectaculaire de sa popularité, y compris dans l’électorat du parti dont il était président jusqu’à mardi. On argue que Nicolas Sarkozy est meilleur en campagne qu’Alain Juppé. On n’en disconviendra pas (enfin, pas totalement car après tout il a réussi à perdre face à François Hollande dans une France à droite…). Seulement cet incroyable talent de bête de campagne ne date pas de cet été et on ne faisait pas valoir cet argument lorsque le maire de Bordeaux avait les faveurs du pronostic. Ensuite, on explique Juppé aurait eu une mauvaise gestion des attentats de l’été contrairement à son rival. Là encore, rien ne permet de valider cette thèse. L’ancien Premier ministre a en effet étonné en étant le premier à critiquer le gouvernement le lendemain de l’attentat de Nice. On ne voit pas pourquoi l’opinion, et en particulier celle des électeurs potentiels à la primaire de la droite, lui en tiendraient rigueur. Bien au contraire.
Reste l’argument selon lequel les sujets régaliens seraient aujourd’hui les seules préoccupations des Français reléguant l’économie au second plan, ce qui aiderait davantage l’ex-président de la République. Là encore, rien ne permet d’affirmer que Juppé souhaite délaisser ces thèmes. Il leur a d’ailleurs déjà consacré un ouvrage l’hiver dernier, qui comporte un échange avec Natacha Polony, laquelle n’est pas particulièrement connue pour faire preuve de faiblesse en la matière. On peut légitimement penser que notre consœur n’avait pas été choisi par hasard.
Certes Nicolas Sarkozy ne perd pas une occasion de fustiger « l’identité heureuse » prônée par son rival mais on oublie trop souvent qu’il ne s’agit aucunement d’un constat mais d’un objectif, sur lequel tout le monde y compris Nicolas Sarkozy peut s’accorder. Est-ce que quelqu’un a pour objectif de faire vivre à son pays une identité malheureuse ? Les moyens d’y arriver, en revanche, constituent un véritable débat. L’auteur de Tout pour la Francedénonce les « accommodements raisonnables » que Juppé accepterait pour y parvenir alors qu’il prône lui-même une assimilation plus ambitieuse. Certes, mais pourquoi se précipiter alors pour faire de Gérald Darmanin son coordinateur de campagne, alors que le maire de Tourcoing est connu, surtout par les lecteurs de Causeur, pour se comporter en « Justin Trudeau du Nord-Pas-De-Calais » ?
Sur le plan économique, en revanche, les observateurs sont moins diserts sur une différence que Nicolas Sarkozy fait valoir par rapport à ses principaux concurrents : il refuse l’étiquette de « libéral » et dit croire aux vertus de la régulation. Si j’étais lui, je m’appuierais davantage sur ce clivage en rappelant les initiatives prises au moment de la crise financière, plutôt que de croire en une supériorité hypothétique sur le terrain régalien où ses multiples revirements et incohérences (double-peine, discrimination positive, droit de la nationalité) ne constituent pas une assurance tous risques, loin de là. Mais il ne m’écoute jamais.
Mais ce qu’il ne faut surtout pas oublier, dans l’optique de la primaire, c’est l’immense avantage d’Alain Juppé sur ses rivaux, Nicolas Sarkozy en tête : la promesse de François Bayrou de ne pas être candidat si c’est le maire de Bordeaux qui est désigné par ce scrutin constitue une force de frappe trop sous-estimée surtout ces derniers jours. Qu’on le veuille ou non, la première motivation des électeurs d’une primaire est la suivante : « Qui a le plus de chances de faire gagner notre camp ? » Dans ce cadre, les sondages ont une importance prépondérante. Or, avec Bayrou candidat, le candidat désigné par le primaire (Sarkozy, Fillon ou un autre) sort à 21 ou 22, et sans lui, Juppé sort à 30, devant Marine Le Pen. Ces études, qui ne manqueront pas de jalonner la primaire jusqu’au 20 novembre prochain, influenceront les futurs participants à ce scrutin davantage que toute autre considération. Comme en mai 2012, Nicolas Sarkozy pourra à nouveau maudire son ennemi juré du Béarn. Sans participer à ce scrutin, ce dernier devrait être la clef de son résultat final.
Petite correction, c’est Pierre Salviac, je crois, qui le premier usa de la fameuse phrase et non Thierry Rolland
Bonjour, ni l’un ni l’autre, mais le commentateur de rugby
Roger Couderc !
Tout faux messieurs, c’est Pierre Albaladejo.
Encore perdu, c’est le mahatma Gandhi quand les Anglais ont commencé à négocier.