Quelle ne fut pas ma surprise ce matin en entendant que Ségolène Royal trouvait anormal que le pouvoir monétaire ne soit pas dévolu à des Etats démocratiquement élus.
Pour la plupart des gens, c’est effectivement le bon sens. Mais tous les « experts » depuis une bonne vingtaine d’années expliquent doctement qu’il est impensable de confier la Monnaie aux mains maladroites des hommes politiques, lesquels pourraient être influencés, quelle horreur, par le suffrage universel. C’est dans cet esprit que la monnaie unique européenne fut pensée et mise en oeuvre dans le Traité de Maastricht, dont une courte majorité des Français accepta la ratification.
Pourtant, pendant cette campagne référendaire qui date de bientôt quinze ans, les partisans du Non, dont j’ai l’honneur d’avoir été, expliquèrent en long, en large et en travers le caractère anti-démocratique de cette disposition. L’indépendance de la banque centrale européenne par rapport au pouvoir politique viole le pacte républicain. Notre héraut d’alors, Philippe Séguin, dit en substance au Président Mitterrand : » le pouvoir qu’on enlève au Peuple, on ne le donne pas à une réunion de Peuples mais à un organe responsable devant personne ». Il ajoutait aussi que les statuts de la BCE ne lui donnaient pour objectif que de lutter contre l’inflation. Pas question, de croissance, ni d’emploi, ni d’autres choses vulgaires aux yeux des idéologues fédéralistes. Cette politique, d’abord de préparation à la monnaie unique puis de la mise en place de l’Euro nous ont coûté un lourt tribut en terme de chômeurs. Mais cela n’interesse pas Monsieur Trichet.
Le problème, c’est qu’en 1992, cela n’intéressait pas beaucoup Madame Royal non plus. Les partisans du Non étaient tellement infréquentables à ses yeux (s’opposer à la construction européenne, quelle horreur..) qu’elle alla jusqu’à boycotter l’élection de Séguin au perchoir l’année suivante. Elle fut d’ailleurs la seule des 577 députés à procéder de la sorte. Qu’elle reprenne aujourd’hui son discours constitue une revanche de l’Histoire.
Mais, pour autant, est-elle sincère ? Remettra t’elle en cause la BCE, l’Euro tel qu’il est géré si elle parvient à la magistrature suprême ? Rien n’est moins sûr. Les idées républicaines ont souvent servi à gagner ces dernières années mais elles ne furent que des promesses sans lendemain. Chirac abandonna son réferendum promis sur l’euro, Lionel Jospin accepta la monnaie unique sans gouvernement économique à Amsterdam.
Pourquoi faire confiance à Ségolène Royal qui reprend sans vergogne l’argumentaire de ceux qu’elle insultait quinze ans plus tôt