Marketing, c’est celle qui dit qui y est

Elle n’est pas contente, Christiane Taubira. Ce sont les quatre journalistes de Libération qui le disent, la décrivant claquer son cahier et hésiter à quitter la salle après avoir répondu à une question qu’elle juge déplaisante. Il faut dire qu’ils exagèrent, nos confrères de Libé ! Demander à l’ex-garde des sceaux si par hasard, elle ne serait pas responsable -un tout petit peu- de l’image qu’elle a renvoyé dans les médias pendant près de quatre ans, c’est osé. Alors, elle plastronne, elle se compare à la femme violée qui serait responsable à cause de sa mini-jupe. Si on comprend bien la métaphore filée par notre twitteuse de luxe, les violeurs, c’est la droite et les journalistes du Figaro –ces malades, qu’elle ne peut pas guérir- et les complices qui regardent le viol sans rien faire, ce sont les autres médias, journalistes de Libération compris.

On aurait aimé assister à cette scène d’interview. Voir la tête –amusée ? déconfite ?- des confrères, pendant que Christiane Taubira leur jouait son numéro, quelque part entre Feydeau et Caliméro.
Il est un mot intéressant dans cette réponse indignée. Taubira évoque le « marketing » de la droite. C’est une habitude en politique comme ailleurs, de voir chez l’adversaire ses propres turpitudes et lui renvoyer à la figure. Car, du marketing politique, l’ex-garde des sceaux sait en faire, et c’est même ce qu’elle fait pendant toute la durée de l’entretien. A part le fait qu’elle sait se montrer une oratrice talentueuse et redoutable mais aussi une twitteuse pathétique, que sait-on vraiment des idées de Christiane Taubira, que sait-on du fond de sa pensée ? Pas grand-chose à vrai dire, et son parcours politique pour le moins sinueux ne nous aide guère. Voilà quelqu’un qui commence sa vie militante dans la mouvance indépendantiste guyanaise, devient députée et dont le premier acte politique au Palais-Bourbon consiste à voter la confiance à Edouard Balladur, avant d’être repérée par Bernard Tapie dans le groupe technique auquel elle appartient[1. Le groupe « République et Libertés » regroupait des députés de toutes nuances qui, sans cette création, auraient été contraints d’être non-inscrits et donc d’avoir moins de moyens d’actions au Parlement. C’est Philippe Séguin, président de l’Assemblée nationale, qui leur avait soufflé l’idée.]. C’est ainsi qu’elle se retrouve dans le mouvement radical de gauche à l’époque dominé par l’ex-président de l’OM. Au sein de ce parti, elle contribue à tuer politiquement Michel Rocard (européennes de 1994) puis est candidate à la présidentielle de 2002, épisode rappelé aussi par Libération ce qui ne l’a pas rempli d’aise, au moment de son couplet sur la gauche unie. 1994, 2002 : les cauchemars de la gauche social-démocrate et humaniste que Christiane Taubira voudrait volontiers incarner. A chaque fois, elle tenait l’un des couteaux. On comprend d’autant plus son souhait de le faire oublier.

Car notre poétesse en 140 signes fait bien du marketing et sa part de marché est toute trouvée. Il faut désormais coller à François Hollande et à la stratégie du visiteur du soir Julien Dray, face au « bloc réactionnaire ». Montebourg, Hamon, Lienemann, la gauche qui se préoccupe du pouvoir d’achat, de Florange, d’Alstom et qui combat la loi El-Khomri, cela ne l’intéresse pas. Ce qu’elle veut, c’est cogner la méchante droite qui surfe « sur les peurs, les angoisses ». Il est cocasse de voir le couple Hollande-Taubira se reconstituer -au moins dans l’idée de stratégie- après l’épisode tragicomique de la déchéance de nationalité. A cet égard, la ministre avait démissionné bien tard. Avant de constater quelques petites semaines après sa démission que la cause de son départ n’existait plus, le président ayant jeté l’éponge. Christiane Taubira se positionne-t-elle dorénavant comme l’une des combattantes en première ligne, au service de la stratégie Hollande-Dray ? Ou parie-t-elle comme son meilleur ennemi Manuel Valls sur la non-candidature du président avant de se présenter en recours, mi-décembre ? Ces deux-là, après avoir fustigé les aventures individuelles qui divisent la gauche, ne rêvent-ils pas de s’affronter dans une primaire sanglante cet hiver ? La gauche Taubira contre la gauche Valls ! La laïcité, l’ordre public, la République, au centre du débat ! Pour le coup, un tel duel obligerait l’ancienne garde des sceaux à croire à ce qu’elle raconte. Car, en face, on ne doute pas que ce soit le cas.

8 commentaires

  1. La reine Christiane ?
    C’est beaucoup d’honneur… mais pour de l’humour au deuxième degré.
    Reine de la mélasse serait plus proche de la réalité !

  2. Dame Taubira a été la caution black du gouvernement Hollande et le produit de la promotion « parité ». En cela, elle fut moins choisie pour son talent que parce qu’elle incarnait une bonne partie de l’électorat socialiste, et symbolisait la vache sacrée dont il ne fallait jamais remettre en cause les initiatives contestables (« Attention, machisme, suis une faible femme ! Attention, racisme, je suis une descendante d’esclave !) En cela, elle avait un clone au pouvoir : la désastreuse Najat Nalleau Belcacem qui pouvait toujours prétexter que ses idées fumeuses et les tollés légitimes qu’elle provoquait n’étaient que le fait d’un mauvais procès. Taubira restera comme la politicienne cynique qui a attendu bien longtemps pour démissionner en raison des avantages que lui offrait une place de ministre, et ce en se réfugiant derrière sa bonne conscience de gauche, mais en n’abusant que son fan-club sur la sincérité de sa démarche. Posons que ce fan-club des hémiplégiques de gauche lui est toujours acquis et nombreux, puisqu’elle continue d’incarner jusqu’à la caricature la « vraie gauche » en guerre perpétuelle contre l’hydre de droite, en nous ressortant les vieilles recettes réchauffées jusqu’à l’indigeste : dénoncer l’exploitation par cette dernière des peurs et angoisses du peuple, la gauche (pas si) morale que ça, la Louise Michel chaussant du 34 fillette. La tache la plus indélébile qu’elle aura laissé derrière elle sera sa proposition de libérer les délinquants pour désengorger les prisons, évoquant le fait que cela se faisait aux États-Unis, un pays dont on n’est pas habitué à le voir citer en référence. L’idée contraire de créer de nouveaux centres de détention lui avait évidemment totalement échappé. Les juges lui paraissaient encore trop sévères. Alors non à la double peine, autorisons les violeurs à rééditer leurs méfaits -de préférence aux dépens de la victime précédente. Sacrée défenseur de la cause féminine. De femme, Dame Taubira n’en a que l’apparence, une embobineuse avec un cerveau de tarentule.

  3. « Dame Taubira, la caution black du gouvernement Hollande » ? Et si c’était plutôt que François Hollande voulait éviter qu’elle lui fasse, en 2017, le même coup qu’elle avait fait, en 2002, à Jospin? Puisque, cette année-là, elle n’espérait pas être élue, mais juste nuire… Vous vous dites peut-être « ce n’est pas possible, Hollande ne peut pas construire sa politique en s’inspirant des scénaristes d’Hollywood, genre Al Pacino disant que ses amis, il faut les garder près de soi, et les ennemis, encore plus près »? Pourtant, rappelez-vous Ségolène Royal, encore fraiche ex-candidate à la présidence, qui, au nom de la France, présentait des excuses aux pays africains d’où étaient partis tant d’esclaves. Dans cette période, elle avait aussi envoyé ses félicitations à Christina Kirchner, vous en rappelez-vous ? Les journalistes n’avaient pas trop relayé cela, se demandant surtout à quel titre elle pouvait représenter la France. Ils avaient oublié de se demander quelle admiration Ségolène pouvait avoir pour Christina. Deux raisons : elles sont femmes toutes deux et, surtout, Christina est péroniste, et Hollywood a présenté Eva Peron comme une quasi-socialiste, très soucieuse des pauvres, etc. Vous avez donc, d’une part, Christiane Taubira bâtissant sa culture historique par la lecture assidue des œuvres de Malcom X qui, parce qu’il avait été bien reçu en Arabie Saoudite, était persuadé que la traite des noirs n’avait pu être effectuée que par des blancs chrétiens, et d’autre part Hollande et Royal qui élaborent leurs stratégies en visionnant des films hollywoodiens. Je suis impatient de lire vos réactions à ces remarques, et j’aimerais que l’on puisse me contredire, parce que, pour tout Français, ce que j’ai écrit ci-dessus est trop consternant.

    • Consternant sans aucun doute…

      Mais… Pourquoi devrais-je vous « contredire » ?

      Votre commentaire est parfaitement juste.

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