L’article que consacre ce matin Gérald Andrieu aux journées parlementaires du PS s’avère fort révélateur de l’impasse dans laquelle l’aile gauche incarnée par le courant « Un monde d’avance » est engagée. Ce dernier, dirigé par le jeune Benoît Hamon et l’ancien Henri Emmanuelli, semble plus isolé que jamais aujourd’hui. Sa stratégie, depuis la clôture du congrès de Reims, y a puissamment contribué.

L’erreur de Benoît Hamon, c’est d’avoir d’abord accepté cette alliance avec Martine Aubry et de devenir son porte-parole. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, prenait acte de la défaite de leurs idées face à celles des socio-libéraux Royal, Aubry et Delanoë. Il créait dans la foulée le Parti de Gauche et initiait une alliance avec le PCF. On sait que Hamon fut membre du cabinet de Martine Aubry au ministère du Travail et qu’il a gardé une certaine tendresse pour son ancienne patronne. Mais lorsqu’on se pique d’incarner le retour aux sources du socialisme, on doit gommer tous les aspects humains et faire de la Politique, de la vraie.

A lire les réactions des élus socialistes aux admonestations protectionnistes d’Emmanuel Todd, on ne sait que trop le superbe isolement dans lequel se trouvent Hamon et Emmanuelli sur la question du libre-échange. Le député landais a beau déclarer solennellement à ses camarades que ce thème s’imposera à eux, on sait dans la coulisse qu’une candidature DSK acterait la défaite de leur stratégie. Mais là où ils demeurent aveuglés, c’est lorsqu’ils pensent qu’une candidature Aubry en consacrerait la victoire. Aubry n’est nullement plus favorable au protectionnisme que DSK. Lorsqu’ils se basent sur l’introduction de la notion de « juste échange » dans le programme du PS pour annoncer l’amorce de leur victoire idéologique, ils font preuve d’une naïveté confondante. Pour trois raisons.

La première, c’est que, comme le dit Todd à tous ceux qui n’aiment pas le terme de « protectionnisme » et préfèrent une sémantique « cache-sexe », « avoir peur du mot, c’est avoir peur de la chose ».

La seconde, c’est que l’auteur du programme du PS, et donc l’introducteur du concept de juste-échange, se trouve être Pierre Moscovici, dont la proximité avec Pascal Lamy, directeur de l’organisation mondiale du commerce, est connue de tous, au moins au PS. Lorsqu’on prononce le mot « protectionnisme » devant le député du Doubs, il sort systématiquement son révolver. Dès lors, l’introduction du « juste-échange » ne peut pas s’interpréter autrement  que comme un su-sucre de Martine Aubry à son porte-parole.

La troisième, c’est que le protectionnisme pouvait encore être, en novembre 2008, le sujet n°1 que décrivent Henri Emmanuelli et Emmanuel Todd, dont c’est la marotte. Sauf, qu’il est devancé aujourd’hui par la Monnaie en général et la sortie de la zone euro en particulier. La crise grecque est passée par là. Là encore, Mélenchon bénéficie de davantage de liberté pour aborder le sujet. Au PS de la fille de Jacques Delors, cela tient de la plaisanterie. En fait, la seule capable de briser ce tabou reste Ségolène Royal –c’est d’ailleurs l’ultime solution qui lui reste pour s’imposer– et Mélenchon l’a bien compris en se rendant à sa fête de la Fraternité dimanche.

Contrairement à ce que pensent Hamon et Emmanuelli, la candidature de DSK leur serait beaucoup plus profitable. Elle les forcerait, non à participer à cette pantalonnade de primaires, mais à opter pour une candidature Mélenchon et quitter de facto le Parti Socialiste. Tout cela rendrait davantage service à leurs idées que de devenir les cocus inévitables d’une candidature Aubry et de dragouiller Besancenot notamment dans le but d’affaiblir Mélenchon. Ce dernier demeure bien, en effet, le symbole personnifié de leur faute originelle de novembre 2008. Ils le voient en concurrent alors qu’il reste la seule planche de salut pour faire progresser leurs idées. Le rejoindre maintenant n’est pas seulement une bonne idée, c’est la seule. Et cela pourrait même rendre aussi service à Mélenchon malgré lui puisque ce dernier a vu, depuis deux ans, des écolos-libertaires prendre un poids de plus en plus important dans son parti. Il suffit d’aller se rendre sur son blog pour s’en apercevoir. Les Jacobins, semble t-il, n’y sont plus les bienvenus, ce qui tranche avec les prises de parole efficaces du Chef.

Mieux vaut tard que jamais, finalement. Il ne tient qu’à Hamon et Emmanuelli de ne pas devenir les Mariani-Myard du Parti socialiste. Même si -on l’aura compris- il s’agit de toute évidence du destin qu’ils ont choisi, jetant des pelletées de terre supplémentaires sur leur idéal.

15 commentaires

  1. Juste une précision sur le concept de « juste échange » développé par le PS dans ses denriers textes. C’est effectivement tout sauf du protectionnisme, puisqu’il s’agit de moraliser la mondialisation en intégrant dans les règles de l’OMC des normes ethiques issue notamment de l’OIT, cela dans le but d’assurer un meilleur développement des pays pauvres.

    Pour le PS le libre échange globalisé est toujours perçu comme le vecteur le plus efficace du développement des pays émergents. On reconnaît du bout des lèvres qu’il a quelque impact sur les pays développés, notamment la désindustrialisation, mais jamais on n’envisage de corriger cela, surtout pas en se protégeant ». L’idée même de défendre l’intérêt d’une nation ou d’une économie est clairement « stigmatisée » en étant présentée comme une forme d’égoïsme national absolument condamnable.

    Donc Todd perd son temps à vouloir convaincre le PS de son « protectionnisme européen » par ailleurs complètement dépassé comme tu le dis très clairement. Mais ça on le savait déjà …

  2. Je trouve que E. Todd a aussi des scrupules de jeune fille à rajouter l’adjectif « européen » à son subsantif « protectionnisme ». On est complètement dans l’oxymore. De 2 choses l’une : soit il est pro-européen, et a sa propre vision de l’europe qui s’incarne dans le concept sus-nommé, et dans ce cans il a doit être dans le coma depuis 18 ans, ou bien il cherche à échapper aux risques d’accusation de nationalisme (ou plutot il anticipe en s’auto-stigmatisant de crypto-nationaliste) en forme de reniement de son passé communiste et de ses racines juives autrichiennes.

  3. Il est clair que le PS n’a pas qu’un problème avec le protectionnisme, il a un problème avec la nation c’est encore plus grave. Mais cela n’empêche pas Todd de dire qu’il votera PS de toute manière voila de quoi le discréditer complètement à mes yeux, à un moment donné il faut mettre sa parole en acte. Si Todd est à ce point désabusé par le PS, il devrait soutenir un autre parti ou alors appeler à ne pas voter ou à voter blanc.

    Mais critiquer le PS sur des sujets aussi important pour ensuite dire qu’il continuera quand même à voter pour lui, c’est de la schizophrénie. Comme quoi il ne devrait pas uniquement s’inquiéter de la santé mentale de notre président. D’ailleurs je me rappel bien de la discussion incroyable qu’il avait eu à une émission de  » Ce soir ou jamais  » il me semble, avec Hollande, où ce dernier affirmait qu’il n’était pas là uniquement pour défendre l’intérêt des français en récusant le protectionnisme. Pour moi ce type de discours suffisent à me convaincre du danger que représente la gauche socialiste pour la France. Un dirigeant de parti qui affirme ouvertement et en public ne pas vouloir défendre l’intérêt national devrait devenir inéligible, il fut un temps où on appelait ça de la haute trahison purement et simplement.

  4. il me font tous marrer tout ces irresponsables,qui vont nous promettre la lune,
    d »abord ,en 2012 ,dans quel état seront les finances de la france,,,promettre un magnifique programme,cela peut faire plaisir a certains,il faut flatter pour gagner, l »élection,mais la dette,et ses intérêts, sont la? partout,nous somme dans le rouge,, pars ,manque de financement,
    il faut plutôt dire la vérité avant les élections ,si les caisses sont vides,nous serons obliger d »adapter notre programme,,
    le point de vue de Hollande se défend,c »est l »Europe et c »est Bruxelles qui impose sa loi,beaucoup de gens semble, l »oublier,défendre l »intérêt français,,quel intérêts,puisque nous vivons a crédit,,
    désormais,la france n »a plus de poids,tout lui est dicter,,,et elle est obliger de respecter les décisions de Bruxelles,,sinon les sanctions pleuvent,,
    avec cette Europe la,,,c »est la décadence dans toute sa splendeur,,,merci a tout les politiciens,,,,,qui nous on couyonner en beauté

  5. encore faut-il que le PS y soit au 2nd tour. Je pense qu’il parlait du 1er. Je pense aussi qu’il s’agit de voter utile. Le PS de toute façon nous rejouera le sermon du vote utile, très pratique pour éviter le débat d’idée. Cependant, au fur et à mesure que s’éloigne le souvenir de 2002, pas sur que le chantage du vote utile fonctionne aussi bien qu’en 2007

  6. et si l’on avait Bayrou -Marine au second tour ?
    melenchon et le PS vont s’annihiler
    Sarko de villepin voire NDA font ramener les scores a 15/18%
    Tous dans un mouchoir
    a pleurer de rire !!!!

  7. @ David Desgouilles

    Très bonne analyse sur l’aile gauche du PS qui se retrouve stérile. Un peu le baiser de la mort que lui a donné Aubry lorsqu’elle a soutenue cette dernière lors du fameux congrès socialisme de Reims.

    Sur l’Europe, Hamon et Emmanuelli ont soutenu le non en 2005 depuis plus rien ne sort de leur bouche contre cette UE et le traité de Lisbonne. Je ne parle même du GMT que l’ensemble des socialistes (comme les Verts, le Modem et l’UMP) ont voté dans le dos des citoyens.

    Est-ce que Emmanuelli ou Hamon effectueront le sursaut ou l’acte vertueux de remettre en cause leur confort (quoique que Hamon malgré l’allégence à dame Martine et la mise au placard de ses critiques n’a pas été réélu député européen. La chose est « dramatique » pour le porte parole du PS.

    La candidature d’un DSK aiderait-elle l’aile gauche a rompre les amares socio-libéraux et européistes fédérastes ? J’en doute. Maroquin ministériel et place de député font beaucoup réfléchir avent de ruer, de lancer et de franchir le Rubicon.

    Pour ce qui est du blog du camarade « Méluche », je poste des commentaires jamais publié ou alors si publiés supprimés après. Bref, les jacobins, les républicains socialistes et laïque et les partisans du retour de la souveraineté populaire sont exclus, tricards. Un comble vu que l’Hôte se dit républicain socialiste jacobin laïque et crtique fortement l’UE y compris sur la dernière sortie du Commissaire Reeding qui est inaceptable pour lui ocmme pour moi.

    Voilà David mon commentaire contributif à ton billet.

    Salut et Fraterntié

    D-P.

  8. @ steed59 22.09.10 à 12:20 : Non, rien n’est plus intéressant que le glorieux FCSM.

    L’aile gauche du PS se retrouve dans une impasse politique. Depuis son échec aux Européennes, Hamon n’a qu’un objectif devenir député de Trappes et se faire valoir dans les médias et sur les différents vecteurs de communication.

    Lorsque je le vois polémiquer avec des tweeters pour des motifs très futiles et qu’il a été incapable de contacter le mandataire de la motion UMA de mon département, je le trouve pathétique.

    Mais combien reste-t-il d’authentiques socialistes au PS ? La motion UMA avait fait 20%, mais des cartés PS avaient voté Hamon pour sa jeunesse.

    La situation de Méluche n’est guère plus enviable. Le PG m’apparait comme le PSU des années 2000 ce qui en contradiction avec les prises de parole médiatique du Chef.

    Le PC en est conscient et apparait réticent à s’investir pleinement dans le Front de Gauche. Où est l’intérêt du PCF : soutenir la candidature de Méluche à la Présidentielle ou sauver ses députés grâce à l’aide du PS ?

    Le courage en politique est rare.

  9. Pour ma part je ne comprends pas trop l’engouement de ce blog pour Mélenchon. Je me rappelle très bien qu’à ses débuts, le sénateur de l’Essonne s’affirmait comme un fédéraliste convaincu. Je crois qu’on a affaire à un classique politicard qui va dans le sens du vent. Chevenement a toujours été constant dans ses idées, contrairement à ce triste sire

  10. @ Lejeun,

    Je connais bien la 11ème circonscription des Yvelines, j’en suis originaire. Je pense que Hamon aura fort à faire face au maire d’Elancourt qui est bien implanté dans le coin. Faudra faire le plein des voix à Trappes. ça sous-entend discours communautariste, multi-culturaliste. Bref, il sera plus près de D. Voynet et d’Aimé Césaire, que de H. Emmanuelli et de Karl Marx

  11. @ steed59 : T’inquiète la porte, au communautarisme et au multi-culturalisme, était déjà bien ouverte dans notre motion lors du dernier congrès. Le partie société était catastrophique selon moi.

    En ce qui concerne Chevènement, étant originaire de sa circonscription et de sa ville, je peux te dire qu’il sait faire part d’une certaine souplesse localement au niveau de ses idées.

  12. @Darthé-Payan

    Vous dites à propose de Méluche et son blog :
    « Bref, les jacobins, les républicains socialistes et laïque et les partisans du retour de la souveraineté populaire sont exclus, tricards. »

    Je dis non. Pourquoi ?
    Chez Méluche et au Parti de Gauche les partisans du souveraineté populaire sont bienvenus au contraire. Mais attention la « souveraineté populaire » n’a rien à voir avec la « souveraineté nationale » (voir wikipédia à ce sujet). La souveraineté populaire suppose que les décisions soient prises par le peuple, on peut supposer par référendum et en cela elle s’oppose à la démocartie représentative de notre Vème République où des élus se voient confier des mandats par les électeurs.
    Autrement dit le PG se déclare partisan de la souveraineté populaire dans ses statuts mais cela ne l’engage en rien vis à vis d’une rupture par rapport à l’UE. Ensuite, Méluche fait des déclarations contre l’UE mais la stratégie du PG c’est de rester dans l’UE et de la faire évoluer de l’intérieur (lorsque la gauche anti productiviste sera majoritaire ?). Lorsque on connait la composition de l’assemblée européenne c’est tout simplement impossible. En conclusion, Méluche est un politicard du même bois que Sarkozy qui d’ailleurs est assez convaincant lorsqu’il débat avec ses adversaires politiques.

  13. Concernant Mélenchon, j’ai souvent apprécié certaines de ses positions, tout en constatant ses ambiguïtés permanentes par complaisance envers les bobos libertaires de gauche.

    Mais, le 18 août, dans les GG de RMC, il a fortement baissé dans mon estime.
    Sa « leçon de morale » envers la conductrice du bus, incendié à Marseille en 2006 et où Mama Galledou avait été brûlée, me « reste en travers de la gorge ».

    Si mon lien est correct, on pourra retrouver cette prestation en cliquant sur mon pseudo.

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