Gaspard Proust ? On vous en a déjà parlé ici, et pour cause ! Le gaillard tient une chronique déton(n)ante dans l’émission d’Ardisson, Salut les Terriens. Ses saillies y provoquent même souvent, chez les invités du jour, malaise ou accablement.
Il fallait voir la tête d’Edwy Plenel, le samedi où notre humoriste s’est lancé dans un plaidoyer improbable en faveur de Léonarda et sa famille, avant de conclure sur cette envolée lyrique : « Nous, le pays de Victor Hugo, nous refuserions d’accueillir les petits Thénardier ? »
Grâce à de savoureux plans de coupe, on pouvait voir en temps réel le patron de Mediapart plisser les yeux jusqu’à n’en avoir plus, et se figer dans son fameux rictus qui fait peur aux enfants.
Si je vous reparle de ce Proust, c’est qu’il a une actu. Son premier spectacle, Gaspard Proust tapine, est diffusé ces jours-ci à la télé, et pas n’importe laquelle : Canal plus, qui en produit aussi le DVD. Les affaires sont les affaires, voyez-vous, et Gaspard doit en être une bonne ! Parce que sinon, sur le fond, rien de plus éloigné de ce qu’on appelle l’ « esprit Canal » que l’esprit proustien : un dandysme d’anar de droite genre néo-muscadin.
Sur scène, ce je-m’en-foutiste cultivé nous épargne à la fois le redoutable « rire citoyen » à la Guillon-Bedos-Ribes et l’humour décérébré à base de sexe et de smartphones. Mine de rien, une heure quarante durant, il nous parle littérature, histoire, religion, société… Et si l’on ne s’endort pas, c’est aussi que l’artiste sait faire son Fregoli – changeant sans cesse de sujet, de point de vue et même de personnalité.
Au bout du compte on s’y retrouve quand même, ne serait-ce que grâce à sa fameuse démonstration : « Nous sommes tous de droite ! Vous connaissez des gens de gauche qui, à la chute du Mur de Berlin, se sont enfuis à l’Est ? »
Réac, le Proust ? Peut être, mais sans les œillères qu’on porte ordinairement en face, dans le camp du Bien. Lui sait se moquer aussi des intégristes du « C’était mieux avant » : « Les gens d’autrefois étaient beaucoup plus cultivés ! La preuve, sous Jules César, les esclaves parlaient latin. »
Ce drôle-là, vous dis-je, n’a pas de concurrent vivant. Même Coluche et Desproges, c’était bien pour l’époque, mais Proust va plus loin : il rit de tout et avec tout le monde – du moment que les gens payent leur place.
Il a raison, d’ailleurs : en général ceux qui ne payent pas, ne comprennent pas non plus, comme en psychanalyse. Il y a deux ans déjà, Guy Bedos avait quitté bruyamment sa place gratuite au bout d’une demi-heure de spectacle, n’y tenant plus. Et à la même époque Le Monde (16/11/11) n’hésitait pas à titrer sa critique : « Gaspard Proust, l’Éric Zemmour de l’humour. »
Tout ça pour vous inciter à faire un effort ! Exceptionnellement, allez voir Canal plus chez vos voisins bobos. Au début ils seront surpris, et à la fin ils seront bien attrapés.
(Publié dans Valeurs actuelles, 20 janvier 2014)