Un prof de SES mon lycée, Alain Beitone, avait été désigné (par Gaudemar ?) pour donner un avis compétent sur l’aspect SES des programmes de lycée. À ce titre, il avait adressé une lettre ouverte à Michel Pébereau et Thibault Lanxade pour rectifier l’image de ces Sciences (le sont-elles ?) malmenées par la réforme du lycée qui se mettait en place. On la trouvera sur http://www.meirieu.com/FORUM/beitone_pebereau_lanxade.pdf
Pendant ce temps, les Sociétés savantes françaises réagissaient à ladite réforme. Voir en particulier, pour les mathématiques, l’article de Rudolf Bkouche (http://people.math.jussieu.fr/~guitart/ecole/rbreformelycees08.pdf). Voir ci-dessous la lettre de ces sociétés savantes — et leurs diverses identités : elle représentent sans doute ce que les Sciences, exactes ou humaines, font de mieux en France.
Mon distingué collègue vient de réagir à cette missive assez équilibrée. Je vous livre son texte, brut de décoffrage.
Tout commentaire est superflu.
JPB
Lettre ouverte des sociétés savantes au Ministre de l’Education nationale (12 mars 2009)
Paris, le jeudi 12 mars 2009
À Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale
Monsieur le Ministre,
Nous nous adressons solennellement à vous en tant que responsables élus et porte-parole de 30 sociétés savantes. Ces sociétés qui nous ont mandés pour vous écrire réunissent notamment une grande partie des universitaires spécialistes des principales matières enseignées dans les établissements dont vous avez la haute responsabilité. Toutes disciplines confondues, toutes tendances politiques confondues, nous voulons attirer votre attention sur les effets pervers de ce projet de réforme de formation des maîtres et des concours de recrutement qu’au mépris de tous les avertissements, vous voulez mettre en œuvre dès l’an prochain.
En dépit des propos que vous avez tenus le 12 février, dont nous voulons croire qu’ils n’étaient qu’un « dérapage », vous avez absolument besoin d’entendre les préparateurs à « vos » concours et de discuter avec eux pour mettre fin à la crise déjà trop longue qui secoue actuellement nos universités. Si vous craignez les « discussions sibyllines », soyez assuré que nous nous efforcerons d’être clairs.
Précisons d’abord que les enseignants, les préparateurs que nous représentons ne refusent pas toute réforme par principe. Bien au contraire, nous pensons nécessaire la réforme des concours et nous sommes favorables au principe de leur « mastérisation ». Aujourd’hui déjà la formation des professeurs s’effectue en 5 ans ; il est légitime que cette formation soit sanctionnée par un master. Une réforme plus ample du dispositif peut être envisagée, mais doit reposer sur un accord de la communauté scientifique, respecter les principes démocratiques qui sont les nôtres, et ne pas déboucher sur un affaiblissement du niveau des étudiants, un tarissement de la recherche et une mise en concurrence des universités. De surcroît, comment ne pas craindre, au vu de l’actuel projet, le risque que s’instaure à l’avenir un double régime entre les enseignants qui auront réussi le concours et seront donc « titulaires de plein droit », et ceux qui, n’ayant pas obtenu le concours mais étant néanmoins reçus au master, pourront être recrutés avec un statut différent ?
Nous réclamons depuis le printemps dernier une véritable concertation sur ce dossier. Des principes et des propositions ont été formulés par nos sociétés auprès de vous-même et de Mme la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Au lieu du débat constructif que nous espérions, vous avez tenté de nous imposer une réforme précipitée dont toute la communauté scientifique s’accorde à dénoncer les conséquences désastreuses pour l’enseignement et la recherche. Même la Conférence des Présidents d’Universités, dont on connaît la modération, reconnaît que « la question de la mastérisation (…) est aujourd’hui le principal point d’achoppement pour le rétablissement de la sérénité dans les universités. (…) Les présidents estiment toujours que les délais actuels de mise en oeuvre de la réforme sont incompatibles avec un travail de qualité et que le mieux serait de reporter d’un an l’organisation du nouveau concours. »
A notre tour, Monsieur le Ministre, nous vous lançons un appel solennel pour que vous débloquiez la situation, et que s’ouvre enfin la négociation que nous demandons. Voici sur quelles bases nous sommes prêts à collaborer et à préparer des « maquettes ».
1. En finir avec la précipitation
Vous devez maintenir en l’état pour 2010 tous les concours de recrutement de l’enseignement primaire et secondaire. En effet, le report de la réforme est désormais la seule solution permettant une remise à plat du dossier et une véritable concertation (quant au contenu du concours, dans un premier temps, puis quant à l’organisation des futurs masters dans un second temps). Aujourd’hui, la première étape du processus est loin d’être accomplie : sur les épreuves et les programmes des nouveaux concours, on en est encore au stade de « documents de travail » officieux, dont on ne sait au juste par qui et comment ils ont été élaborés, et qui ne tiennent aucun compte de nos demandes. Ils ne nous permettent pas d’élaborer des « maquettes » précises conformes à la vision que nous avons de notre mission.
2. Associer la communauté scientifique au débat
En tant que responsables élus des sociétés savantes, représentatives de la communauté scientifique dans toutes les disciplines du savoir, nous demandons à être partie prenante de véritables négociations. En raison de notre légitimité scientifique, de notre expérience pédagogique et de notre représentativité dans le monde universitaire, il est nécessaire que nous soyons des interlocuteurs à part entière, que nous soyons informés du calendrier, des étapes et des acteurs de la réforme, que nous participions en tant que spécialistes aux commissions qui auront à prendre les décisions. Nous souhaitons aussi rencontrer conjointement des interlocuteurs des deux ministères dans les réunions, afin de n’être pas ballottés de l’un à l’autre.
3. Maintenir de vrais concours pluridisciplinaires débouchant sur la titularisation
Nous demandons des concours nationaux, qui fondent la sélection des candidats sur leurs connaissances disciplinaires, évaluées par des spécialistes universitaires et des enseignants des disciplines concernées. L’allongement de la phase de préparation du concours doit être l’occasion d’un renforcement des exigences disciplinaires et non de leur affaiblissement ou d’une restriction du champ des matières étudiées.
Une épreuve de « connaissance du système éducatif », portant sur un contenu purement administratif, initiation aux arcanes de la bureaucratie du Ministère de l’Education Nationale, ne nous paraît pas nécessaire.
La formation proprement pédagogique doit intervenir en aval, dans une année de stage pratique en alternance, dont on ne saurait faire l’économie. Il faut aussi écarter explicitement le spectre d’un concours de recrutement établissant des listes d’aptitude, donc ne garantissant pas le recrutement et la titularisation en tant que fonctionnaires des candidats reçus au concours.
4. Maintenir l’année de stage pratique rémunéré
La pédagogie ne s’apprend ni dans les livres, ni en restant « en observation » au fond de la classe… Nous exigeons le maintien de l’année de stage rémunéré, permettant au professeur stagiaire encadré par un tuteur de prendre 8 heures par semaine la responsabilité d’une classe, tout en suivant l’indispensable formation d’accompagnement. C’est au cours de ce stage que pourra être approfondie et vérifiée si besoin la « connaissance du système éducatif ». C’est à l’issue de ce stage que seront titularisés les professeurs ayant fait la preuve de leur aptitude à l’enseignement.
La suppression du stage rémunéré pose en outre un grave problème social : en retardant d’un an le recrutement, la réforme annoncée pénalise les étudiants dont les moyens financiers sont fragiles ; elle aboutit à une sélection sociale des candidats ; elle entraînera aussi la baisse du nombre de candidats, et partant la baisse du niveau de recrutement.
5. Ne pas dissocier les « maquettes » des nouveaux masters et les concours
Selon les promoteurs de la réforme, les épreuves des concours ne sauraient influer sur les programmes des masters : ce seraient les masters, indépendants et complémentaires des concours, qui garantiraient la compétence disciplinaire des candidats. Nous récusons cette vision irréaliste, qui vide les concours de leur substance, comme s’il s’agissait, à terme, de les faire disparaître purement et simplement. Il nous paraît inacceptable et dangereux de séparer ainsi la délivrance d’un master qui atteste d’une compétence, et la question du recrutement. Au contraire, c’est sur la base de concours nationaux, aux exigences disciplinaires larges et clairement établies (par un programme spécifique plus exigeant que celui du baccalauréat ou de la licence), que pourra être rédigé le cahier des charges précis qui permettra ensuite à chaque université de préparer les « maquettes » du master enseignement, et au ministère de les valider. Il est indispensable d’articuler (et non de dissocier) la réflexion sur le contenu du concours (nombre d’épreuves, nature et programmes de celles-ci) et la réflexion portant sur le contenu des masters d’enseignement. C’est là la seule garantie du niveau national des compétences requises. Par ailleurs, comment concevoir, pour les mêmes étudiants, la maquette d’un master, sans être fixé sur le contenu précis du concours qu’ils prépareront ?
6. Articuler les différents masters d’une discipline
Un étudiant ne saurait préparer un concours exigeant à visée généraliste, et se consacrer dans le même temps à des stages de pratique pédagogique. Qui trop embrasse mal étreint. Un master défini comme un « parcours professionnalisant » vers les métiers de l’enseignement ne saurait en même temps « préparer les étudiants au doctorat ». Les étudiants devront-ils choisir dès la fin de leur licence, entre des cursus exclusifs les uns des autres, dirigés l’un vers la recherche, l’autre vers l’agrégation, et le troisième vers le CAPES ? Beaucoup de candidats à l’agrégation préparent en même temps et par sécurité le CAPES. Les moyens doivent être trouvés de maintenir cette possibilité, sous peine de voir s’effondrer le nombre de candidats au concours le plus difficile et aussi le nombre de futurs doctorants, donc de futurs chercheurs. De nombreux établissements ne pourront pas ouvrir deux ou trois masters dans un même domaine, le projet actuel aurait ainsi pour effet pervers que la plupart des universités se verraient rapidement privées de master recherche. Les répercussions se feraient sentir dès la licence, avec la fermeture induite de nombreuses filières en dehors des grands centres. Il est indispensable, pour l’avenir de la recherche et de chaque université, d’offrir aux meilleurs étudiants, aux futurs enseignants-chercheurs, l’occasion de s’initier réellement à une recherche approfondie sans pour autant se couper de la profession enseignante. Dans cette perspective, le statut du « master recherche » préalable à l’agrégation reste à préciser. De nombreux agrégés visant le doctorat préparaient d’autre part un M2 recherche après la réussite au concours. Quelle formation sera appropriée pour ce type de projet avec la nouvelle donne ?
La question des passerelles entre enseignement et recherche reste donc à repenser, de même que celle de l’itinéraire pédagogique entre l’obtention de la licence et la préparation de l’agrégation.
Il faut, Monsieur le Ministre, pour dissiper nos craintes légitimes et celles de nos étudiants, retirer le projet actuel, réaffirmer que le succès au concours donne accès à une titularisation et non à une liste d’aptitude, rétablir l’année de stage pratique en alternance rémunéré et pris en compte dans la carrière, et enfin décréter un moratoire d’une année afin de laisser à une commission représentative le temps de décider du contenu scientifique des concours, de la nature des épreuves disciplinaires, des conditions de préparation et des moyens matériels et humains qui soient à la hauteur des ambitions légitimes en matière d’enseignement et de recherche proclamées publiquement par vous-même et par les plus hautes autorités de l’Etat.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous assurons, Monsieur le Ministre, de notre dévouement au service public de l’Education.
Premières sociétés signataires :
0.Association des Etudes grecques
0.Association Française d’Etudes Américaines
0.Association Française de Mécanique
0.Association Guillaume Budé
0.Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur
0.Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur
0.Association des Historiens Modernistes des Universités françaises
0.Association des Professeurs d’Archéologie et d’Histoire de l’Art de l’Université
0.Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur
0.Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public
0.Association des Professeurs de Musique et Musicologie de l’Enseignement Supérieur
0.Association des Sciences du Langage
0.Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques
0.Femmes et Mathématiques
0.Société Chimique de France
0.Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
0.Société d’Étude du Dix-septième Siècle
0.Société d’Étude de la Littérature Française du XXe siècle
0.Société des Etudes Latines
0.Société d’Etudes médio et néo-latines
0.Société des Études Romantiques et Dix-neuviémistes
0.Société des Hispanistes Français
0.Société Française d’Étude du Dix-huitième Siècle
0.Société Française d’Étude du Seizième Siècle
0.Société Française d’Histoire du Sport
0.Société Française de Littérature Générale et Comparée
0.Société Française de Physique
0.Société Française de Statistique
0.Société Francophone de Biologie Théorique
0.Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
0.Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur
0.Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl
0.Société Mathématique de France
0.Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France
0.Société des Professeurs d’Histoire Ancienne des Universités
0.Union des Professeurs de Physique et de Chimie
Pour voir l’ensemble des sociétés qui ont signé depuis publication cette lettre.
Merci d’adresser toute correspondance à :
Société Mathématique de France, IHP, 11 rue Pierre et Marie Curie, 75231 Paris cedex 05, Tél : 01 44 27 67 96 – Fax : 01 40 4690 96 – email : smf@dma.ens.fr
Réponse d’Alain Beitone :
« Ainsi donc Trente « sociétés savantes » s’adressent au Ministre de l’Education nationale à propos de la formation des maîtres ! Pourquoi pas ! Dans un espace public démocratique chacun a le droit d’argumenter.
« Le texte en question comporte trois aspects avec lesquels je suis d’accord :
– La méthode adoptée par le ministère pour conduire les réformes est désastreuse. Absence de véritable dialogue, propos provocateurs du Ministre voire du Président, incapacité à poser clairement les enjeux avec l’ensemble des acteurs concernés et incapacité à s’appuyer sur ceux qui seraient les plus favorables à des évolutions positives.
– La question du financement des études conduisant à l’enseignement et les conséquences sociales de la suppression de l’année de stage rémunérée nécessitent des réponses de la part du ministère.
– La nécessité de résister à la précarisation du corps enseignant (à condition de se souvenir que cette précarisation est déjà une réalité et que les Rectorats recrutent aujourd’hui des précaires au niveau de la licence, ce n’est donc pas la mastérisation qui produit la précarité).
« Mais pour le reste, ce texte exprime un point de vue résolument conservateur. Ce qui est significatif, en premier lieu, c’est ce qui n’y figure pas : ni le terme IUFM, ni celui de didactique ne sont cités. Pour les auteurs de cette lettre au ministre, la loi de 1989 n’a jamais existé et les efforts considérables réalisés au sein des IUFM pour concevoir et améliorer la formation des maîtres sont totalement ignorés. Dans leurs têtes (et sans doute dans leurs pratiques) les signataires en sont encore au bon vieux temps des Centres Pédagogiques Régionaux au sein desquels quelques demi-journées de « conférences pédagogiques » tenaient lieu de formation professionnelle.
« Le métier de professeur (des écoles, des collèges et des lycées) serait donc le seul métier où il n’y a rien à apprendre sinon des savoirs académiques ? Comment organiser le travail des élèves ? Comment l’évaluer ? Comment gérer l’hétérogénéité des classes ? Comment aider les élèves à s’orienter ? Comment dialoguer avec les familles ? Comment faire face à des classes agitées ? Comment contribuer dans la classe et dans l’établissement à la démocratisation de l’accès aux savoirs ? Comment prendre en compte les difficultés sociales et psychologiques de certains élèves ? Comment permettre à chacun d’eux de donner le meilleur de lui-même ? … Autant de questions qui ne se posent pas sans doute ou qui sont considérées comme trop vulgaires par les membres éminents des « sociétés savantes » !
« Il est absurde d’opposer l’exigence d’un haut niveau de compétence disciplinaire et l’exigence d’une formation solide pour faire face aux autres dimensions de la pratique du métier.
« Mais les auteurs de la lettre au ministre ont un projet. Il ne faut recruter les futurs enseignants que sur la base de connaissances académiques, coupées de toute réflexion didactique, de toute pratique professionnelle de l’enseignement et, « en aval » du concours, ils proposent une formation « pratique » qui se limite à des stages sous la conduite de tuteurs expérimentés. Au passage, il faut noter qu’ils reprennent là une idée du ministre et une vieille idée de tous les conservatismes éducatifs : le métier de professeur ne s’apprendrait que sur le tas. Oserait-on dire la même chose à propos d’un chirurgien ou d’un pilote d’avion ?
« Tout aussi révélateur est le refus des signataires de l’idée même d’une épreuve de connaissance du système éducatif qui se résumerait selon eux à une « initiation aux arcanes de la bureaucratie du Ministère de l’Education Nationale ». Nos défenseurs des savoirs se montrent ici particulièrement ignorants. Il n’y aurait donc aucun savoir à acquérir du côté de la sociologie de l’éducation, de l’histoire de l’éducation, de la psychologie cognitive ? Serait-il indigne qu’un futur professeur ait quelques lueurs sur le fonctionnement de l’établissement dans lequel il va exercer ? Qu’un fonctionnaire de la République connaisse quelques éléments simples relatifs à la laïcité ou au statut de la fonction publique ?
« Mais ce qui inquiète les auteurs de la lettre c’est la perspective de voir fondre les effectifs des masters « recherche » (les seuls « vrais » masters à leurs yeux sans doute). Cela relève d’une vision clairement malthusienne : il y aurait un nombre constant d’étudiants et il faudrait se les disputer pour justifier l’existence des masters (et les services d’enseignement qui vont avec). L’idée ne semble pas effleurer nos savants que l’on pourrait aussi (après 10 ans d’interruption) reprendre la démocratisation de l’accès au baccalauréat et accroître les effectifs étudiants. Plus significatif encore, les auteurs de la lettre s’inquiètent de l’existence de masters d’enseignement. Mais ils ne s’inquiètent pas, curieusement, des autres masters professionnels que toutes les universités ont multipliés dans les métiers du livre, de la communication, des loisirs, de la gestion, du droit, de l’informatique, des sciences de l’ingénieur, des langues appliquées, etc. Que certains étudiants en anglais ou en italien, par exemple, préparent l’agrégation dans la perspective d’un doctorat, alors que d’autres se forment à la traduction de documents commerciaux ou juridiques, chacun s’en réjouit. Mais que certains étudiants se forment pour enseigner l’anglais ou l’italien à des élèves de sixième et le scandale éclate. C’est que nos sociétés savantes n’ont toujours pas compris que la rédaction d’une thèse sur tel aspect de l’œuvre de Dante ou sur la grammaire de la langue d’Oil au moyen-âge n’est pas nécessairement la meilleure voie pour se préparer à enseigner devant les collégiens tels qu’ils existent réellement aujourd’hui.
« Il y a pourtant un scénario très simple à mettre en place :
– Faire des IUFM, désormais intégrés aux universités, de véritables « facultés d’éducation » formant les futurs enseignants des écoles, des collèges et des lycées à tous les aspects de l’exercice de leur futur métier (la connaissance disciplinaire de la ou des discipline(s) qu’ils auront à enseigner, mais aussi les autres connaissances nécessaires à l’exercice de leur métier) et préparant donc les concours de recrutement correspondants ;
– Permettre aux universités de continuer à préparer l’agrégation, en articulant cette préparation à des études doctorales (chacun sait que la vocation des agrégés est d’enseigner dans les classes post-bac et dans les universités) et leur permettre surtout d’accomplir leur mission de production et de diffusion des savoirs, mais aussi d’insertion professionnelle.
– Favoriser, comme c’est déjà le cas actuellement, les passerelles entre les divers types de formation (il est fréquent aujourd’hui qu’un étudiant titulaire d’un master recherche s’inscrive en IUFM pour préparer le CAPES).
« Mais évidemment, la clé de tout cela est la reconnaissance que le métier d’enseignant est un vrai métier, susceptible d’un apprentissage dans un cursus universitaire professionnel.
La lettre au ministre n’exprime pas autre chose que la nostalgie d’une époque où 10% seulement des enfants atteignaient le baccalauréat et où l’on pouvait s’illusionner quant à la possibilité d’enseigner sans formation (peut-être les « Dix-neuviémistes» pourraient-ils parler de Jules Vallès à leurs collègues !).
« Si les sociétés savantes, au lieu de se complaire dans la nostalgie et le discours de restauration, acceptaient de regarder en face le fonctionnement réel du système éducatif, un dialogue fructueux pourrait sans doute s’ouvrir. Mais nous sommes malheureusement loin du compte. »
Alain Beitone
Agrégé de sciences sociales
Professeur de chaire supérieure en khâgne BL au lycée Thiers (Marseille)
Formateur à l’IUFM d’Aix-Marseille
18 mars 2009
Continuez dans cette direction, c’est un veritable bonheur de vous lire.
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