god is a woman

God is a woman (Ariana Grande)

Il n’y a rien à ajouter au cri du cœur qu’a inspiré à Nicolas Lévine la récente resucée du Manifeste des 343 exigeant l’allongement des délais légaux d’accès à l’IVG. Il faut peut-être en nuancer la conclusion : certes, au nom de l’égalité entre les sexes, un certain pan du féminisme aspire à l’abolition de la fertilité (c’est le fantasme des « enfants conçus dans les laboratoires » qu’il évoque). Mais en l’état actuel des mentalités progressistes (et des possibilités techniques), on rêve avant tout d’un monde où aucun être humain ne vienne sur terre qui n’ait été voulu, programmé, planifié par une femme. Derrière le droit à disposer de son corps, derrière l’obsession de la planification des naissances qui rend indésirables les « enfants du hasard », il y a la déification de la femme : non pas la femme qui m’a porté et accueilli ; non, plus, bien plus encore ; la femme par la volonté de qui j’existe ; la femme qui m’a voulu parce qu’elle voulait avoir un enfant, au sens fort du terme, le posséder ; la femme qui jusqu’à l’instant de ma naissance avait droit de vie et de mort sur moi. N’ayant pu faire que Dieu soit une femme, on a fait en sorte que la femme devînt Dieu.

Il serait urgent – mais qui percevra cette urgence ? – d’en finir avec l’idéalisation du « désir d’enfant ». Dans combien de commentaires réagissant à des articles sur l’IVG le seul fait d’avoir été désiré est-il présenté comme une garantie du bonheur de l’enfant ! Comme si ce désir ne s’évanouissait pas le plus souvent avec celui qu’on éprouve pour le géniteur, laissant des enfants qui n’ont plus de raison d’être au sens le plus rigoureux du terme, l’amour qui les a engendrés n’existant plus. Si ce désir s’évanouit à temps, l’enfant finira dans la poubelle des déchets biologiques; si c’est quelques années après, il sera sommé de vouloir « que maman soit heureuse » et de se taire, mort symbolique que beaucoup, heureusement, refusent.

Eloge du désir d’enfant, comme s’il n’y avait pas mille mauvaises raisons de vouloir un enfant, témoins ces enfants-cartes postales, souvenirs d’une « belle rencontre avec quelqu’un d’exceptionnel », lui-même parfois laissé dans l’ignorance de sa paternité, parfois manipulé par la promesse d’une vie commune, parfois même consentant à cet abandon de sa progéniture à une relation de passage.

Qu’il est bon, à l’inverse – et quel sentiment de liberté, quelle force vitale on puise en cette contingence – d’avoir surgi dans un monde qui ne vous attendait pas et de ne devoir sa vie à la volonté planificatrice de personne !

En outre, on a vu et on n’en finit pas de découvrir à quels genres de situations originales ce désir est censé conférer une légitimité. Au moins tout cela est-il cohérent et logique ; il est, dès lors, amusant de voir les militants de bonne foi et de la première heure, totalement déboussolés, glisser vers des attitudes réprobatrices du type « non, là, ce n’est plus possible, cela va trop loin ». Deux papas ou deux mamans, ils pouvaient le concevoir, ils se sont même réjouis que cela devienne légalement possible. « Mais trois papas, non là, c’est trop ». Mais quels arguments ont-ils contre cette configuration familiale ? A partir du moment où le schéma reproductif mâle-femelle ne sert plus de référence pour définir la parentalité, pourquoi continuer à la limiter à deux personnes ? Bien sûr, on tient ici un cas où l’enfant n’existe pas par le désir d’une femme ; il a fallu rémunérer son consentement. Le dispositif n’est pas encore au point puisque ce sont des femmes pauvres, contraintes par leur misère, qui louent leur corps pour porter les enfants des autres.

Toutefois, on voit se dessiner ici les combats futurs entre deux féminismes qui s’affrontent déjà : celui qui veut libérer la femme de la grossesse en concevant les enfants en laboratoire pour satisfaire tous les désirs d’enfants ; et celui qui considère le don de la vie comme l’apanage de la femme, son pouvoir suprême sur toute humanité, et qui ne le délaissera pour rien, cautionnant jusqu’à la pratique des mères porteuses pourvu que l’on fasse des offrandes à la femme-Dieu qui offre ce service.

6 commentaires

  1. «Toutefois, on voit se dessiner ici les combats futurs entre deux féminismes qui s’affrontent déjà.»

    Les deux camps peuvent s’affronter à coups d’arguments, ils ne décideront de rien. Le futur est décidé en haut lieu et en dehors d’eux.

  2. On nous a dit « mariage pour tous », par souci d’égalité entre les gens qui s’aiment, alors que le mariage est fait pour la famille et non pour l’amour. On nous a dit « ne craignez-rien, on n’ira pas plus loin » et on a eu la PMA sans père, toujours au nom de l’égalité, mais entre entre les femmes seulement. On nous a dit « n’ayez pas peur, il n’est pas question de la GPA avec mère porteuse ». Et on aura la GPA, encore au nom de l’égalité entre les deux sexes. Quand les électeurs comprendront-ils que c’est le lobby LGBT qui fait la loi ? Peut-être quand on leur mettra sous le nez des familles avec trois ou quatre pères, ou mères. Ils verront alors, comme le dit Ingrid Riocreux, que « papa » ou « maman » n’aura plus aucun sens… même pour les enfants.

  3. Ah oui ! La « situation originale » montre un « trouple » ayant adopté un enfant. Selon l’article (fiabilité de la source ?) cela se passe aux Etats-Unis. Il s’agit apparemment de trois hommes homosexuels qui ont adopté un enfant. Au passage, je remarque, puisqu’on est aux Etats-Unis, que ces trois papas sont blancs et qu’ils n’en n’ont même pas profité pour adopté un(e) petit(e) noir(e)..Quel dommage, puisqu’ils avaient le choix….! En tout cas, il est clair que le « mariage homosexuel » ouvre la porte aux trouples, aux quadrouples, ou quintouples de toutes les sortes. Et dire que certains, en France, sont encore contre la polygamie !

  4. Derrière la figure de La Femme en Majesté trône en vérité, comme la Reine de la nuit chez Mozart, la Mère absolue, avec son cortège de Furies…

    L’homo-parentalité, particulièrement masculine, communie dans l’amour de cette Femme à majuscule, l’Intouchable… C’est d’ailleurs pour cela que ces chères hystériques, elles mêmes structurées sur un mode homosexuel sur cette figure de La Femme, aiment tellement ces chers garçons…

    Et Derrida dans son dernier entretien, je crois si je me souviens bien donné au nouvel obs, évoquait pour s’en féliciter, les configurations infinies à venir des nouvelles « familles »… Tout cela dans la plus parfaite complaisance du monde intellectuel « progressisste » et de l’immense majorité des psychanalystes….

    Mais j’ajoute : cette économie là de la représentation (des identifications inconscientes) était déjà là avant, recouverte sous tant de manifestations hypocrites du vieux familialisme catholique, qui lui aussi avait sa propre propension homosexuelle, et tout aussi bien disjoint le plaisir (l’érotisme) de la reproduction…

    Une dernière note, qui me vient : si Georges Bataille fait dire à Mme Edwarda, dans son roman du même Nom, que Dieu est une prostituée, ce blasphème ne visait il pas justement à déboulonner la déification déjà là de La Femme ?…

  5. Cet article me fait penser à un film de Fellini :  » La cité des femmes » où l ‘on se surprend à avoir peur des femmes quand on voit l ‘image de l ‘ombre gigantesque d ‘une mante religieuse se reflétant sur le mur d’une grotte….

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