On dit que l’argent devient une idole à partir du moment où on le désire pour lui-même et non en vue de faire le bien. Ainsi en va-t-il aussi de son proche parent: le pouvoir. Mais ne peut-on pas en dire autant du dialogue?
Depuis l’assassinat de Samuel Paty, les journalistes posent à tout va la question, très légitime, de l’organisation de la rentrée. Éditorialistes, professeurs, politiques, tous rivalisent de circonvolutions pour ne pas dire ce que chacun sait : une minute de silence serait l’occasion d’ajouter du mal au mal. Tous se souviennent de la minute de silence organisée après la tuerie de Charlie et des élèves qui ont refusé d’y participer, quand ils ne se sont pas livrés à des provocations ignobles. Alors, nous dit-on, « il faut préparer et accompagner cette minute de silence ». Mais bien sûr… Et en clair, cela signifie? Interrogé à ce sujet sur France Info deux jours après la décapitation du professeur, Philippe Meirieu répond à cette question et beaucoup d’autres lui emboîtent le pas : il faut « que le dialogue s’instaure« , il faut « encadrer la prise de parole », il faut « engager le débat ». Les jolies formules pleuvent mais se rend-on bien compte des énormités que l’on profère? Ainsi, il faudrait engager le débat pour savoir s’il est admissible de décapiter quelqu’un ? Mais enfin, quel débat? Quel dialogue? Quand aura-t-on la lucidité d’admettre que le dialogue est un signe de faiblesse face à des gens qui n’ont pas la moindre envie de parvenir à un consensus de vie commune et ne conçoivent notre cohabitation que sur le mode de la soumission?
Ce qui va arriver aux collègues pleins de bonne volonté qui tenteront le dialogue, nous le savons bien : peut-être ne perdront-ils pas le contrôle de leur classe, peut-être ne se feront-ils pas malmener, peut-être parviendront-ils à rester maîtres de la situation et à distribuer la parole que leurs élèves, bien courtoisement, demanderont en levant la main. Mais que feront-ils lorsqu’un petit Mohammed exposera son point de vue en disant « je sais que je vais vous choquer, m’sieur et j’vous demande pardon mais sérieux, c’est trop bien fait pour lui ». Le dialogue s’engagera et le charmant bambin concèdera que « d’accord, l’autre, il aurait pas dû photographier sa tête et la balancer sur les réseaux, ça c’est gore et c’est pas sympa ». Rien à redire sur le comportement; la prise de parole est courtoise et l’opinion exposée sans violence. C’est une légitimation de l’horreur, polie et civile, qu’il est impossible de punir, car elle entre parfaitement dans le cadre du dialogue voulu, de la parole qui se libère pour laisser entendre les opinions et permettre le débat. Mais jusqu’à la fin de l’année, le professeur saura qu’il a en face de lui quelqu’un qui l’a par avance condamné à la décapitation s’il ose un propos incompatible avec sa religion.
Je me souviens avoir recueilli, en début de carrière, les témoignages de collègues qui avaient deux ou trois ans de plus que moi et qui avaient connu les « débriefings de stage » avec les formateurs: la petite prof qui s’effondre en larmes parce qu’un élève l’a traitée de grosse pute, et le formateur qui l’invite à se reprendre en lui expliquant qu’elle ne doit pas recevoir cette insulte de manière personnelle car c’est seulement son statut de professeur qui est visé, ajoutant qu’elle aurait dû engager le dialogue avec l’élève pour comprendre les raisons de son mal-être. Dans le contexte où travaillent beaucoup de nos collègues, inviter au dialogue, c’est intimer le silence: souffre et tais-toi. Pire, c’est contraindre le professeur à s’humilier devant l’élève, à reconnaître la validité potentielle de ce qui devrait être uniquement inacceptable. Le deux novembre, jour de la rentrée, les professeurs qui ont entendu M. Meirieu et ses semblables vanter l’idéal démocratique du débat et de la parole encadrée et accueillie, engageront le dialogue en demandant à leurs élèves d’exposer leur sentiment sur l’assassinat de Samuel Paty. Des propos atroces leur seront jetés à la figure, de la légitimation des faits à la menace personnelle, et puis des insultes, des provocations débiles, et des mots en arabe qu’ils ne comprendront pas. Et ils ne diront rien. Ils attendront juste que sonne l’heure de la récréation pour goûter, en salle des profs, le piteux réconfort d’un café sans goût.
Cessons d’idolâtrer le dialogue: il n’a de raison d’être qu’entre des personnes qui s’estiment mutuellement et s’accordent sur un objectif commun. Clairement, nous ne sommes pas dans cette configuration. Choisir la voie du dialogue avec des gens qui nous méprisent et nous détestent, ce n’est ni honorable ni digne, c’est minable et lâche. Ce n’est, pour citer le titre de Marianne cette semaine, qu’une manière parmi d’autres de « se coucher ».
J’ai eu des stagiaires du temps où j’enseignais les math. Moi et tous mes collègues disions à nos jeunes profs de faire semblant de croire les bêtises des formateurs IUFM pour valider leur CAPES et ensuite de tout oublier pour faire de vrais cours. Tous nous disaient que le seul moment utile de leur formation était leur travail en situation devant les élèves, le reste ne faisait que les handicaper.
Tout à fait d’accord. Le dialogue n’existe qu’entre égaux. Quand mes élèves faisaient de l’hypercriticisme, je leur intimais de se taire; en leur disant que j’accepterais de discuter avec eux quand ils auraient leur licence. Le reste de la classe riait, et on reprenait le cours…
Il y a les questions légitimes, et il y a la tentative de prise de pouvoir islamiste…
Bonjour madame.
Je vous cite : »Éditorialistes, professeurs, politiques, tous rivalisent de circonvolutions pour ne pas dire ce que chacun sait… »
Voulez vous dire par là qu’ils se font des nœuds au cerveau, ou votre plume a-t-elle dérapé pour passer de circonlocution à circonvolution.
Vous lire est toujours un plaisir.
Circonlocution est un simpole remplacement d’un mot ppar une expression.
Dans circonvolution on comporend la nécessité de l’acrobatie nécessaire pour pratiquer la …circonlocution.
Excellent texte! Aucun dialogue possible avec les élèves de ces classes hétéroclites.
Vous avez tout à fait raison. Ces injonctions au dialogue ou à « l’explication » (qu’y a-t-il à expliquer ?) sont un piège dangereux. Qui peut, lui-même sous le coup de l’émotion, être assuré de tenir un propos à la fois juste, mesuré, compréhensible par des adolescents dont on sait combien ils peuvent mal entendre, mal interpréter ou mal reprendre nos discours ? Comment contenir les paroles d’élèves qui pourraient tout simplement tomber sous le coup de la loi mais seraient entendues par leurs camarades ? Ces « explications » que j’ai engagées après les attentats de Charlie Hebdo et de Nice m’ont laissé un goût amer, et pas seulement en raison des réactions des élèves, mais aussi parce que je ne me suis pas trouvée à la hauteur.
Merci Ingrid. Vous êtes une île de bon sens et de décence dans un océan de stupidités suicidaires bien-pensantes ou règnent ce que GK Chesterton a si justement appelé « des idées Chrétiennes devenues folles ».
Très juste, on ne saurait mieux dire! et bravo à notre collègue Ingrid pour la justesse de ses analyses. Ce cher « dialogue » n’est que l’échappatoire de ceux qui n’osent pas affirmer une position!
Les mêmes tartes à la crème, les mêmes fausses panacées, les mêmes mots creux sont de sortie. Je les prends parmi les citations ci-dessus; il faut:
— «que le DIALOGUE s’instaure»;
— «ENCADRER la prise de parole»;
— «préparer et ACCOMPAGNER cette minute de silence».
Ces mots sont le générique paracétamol de toutes les crises. Si ça ne s’arrange pas, appeler le 15.
Tout cela est bel et bon. Mais feu M. Paty se voulait également homme de dialogue puisqu’il avait participé à une journée de formation à l’institut du monde arabe pour, selon l’institut itself: « offrir à (ses) élèves une meilleure compréhension du monde et des cultures arabes’. Etonnante approche quand M. Paty exhibait par contre des caricatures qui, il devait le savoir, ne pouvaient que déplaire à ce même monde qu’il désirait pourtant comprendre et avec lequel il affirmait vouloir dialoguer. Comme si un prof suivait spécialement des cours de religion catholique au Vatican avant de vanter à ses élèves la beauté du tableau Piss Christ (un crucifix baignant dans l’urine). Mais il est vrai que ces abrutis de calotins ne manient pas le sabre ou l’AK 47. Je ne sais pas si afficher avec un grand bon goût le cul du prophète (comme on le fait actuellement dans les rues des villes de la douce France) soit de nature à faire aimer la France par une frange de la population qui la déteste depuis toujours (ce que la hideuse fachosphère soulignait depuis 40 ans). Cela même si on refuse le dialogue…
M. Paty avait certainement voulu s’informer sur l’islam. Il avait du se rendre compte qu’il n’y a pas de dialogue possible avec les musulmans. Ils ne comprennent le monde que soumis à leur « prophète ». Lisez le coran et les hadiths pour constater que seul le musulman détient la vérité et que judaïsme et chrétienté ont subverti la vérité. Donc ils doivent soit se convertir, soit se soumettre, soit mourir pour défendre leur foi.
Rien compris , M. Roba : le prof ne voulait pas dialoguer mais instruire, justement. Le contraire du dialogue justement.
Bref, M. Paty s’est rendu à l’institut de M. Jack Lang pour s’instruire sur l’islam. Il lui aurait pourtant suffi de lire l’ouvrage (paru en 2003!) de Mme Delcambre ‘L’islam des interdits’ pour apprendre que les musulmans ne rigiolent pas (euphémisme!) avec Mahomet. Nonobstant cette découverte dérangeante (mais tardive) et les précédents sanglants, il a voulu à son tour instruire ses élèves en leur exhibant un supposé cul du Prophète…
Peut-on rappeler que le père Hamel fut égorgé dans son église et un de ses fidèles quasi tué par deux musulmans? Or, ce curé n’avait pourtant pas placardé des affiches dans son église montrant le derrière du Prophète et n’avait pas plus cherché à dialoguer ou à instruire les musulmans. Et tout le monde s’en est tapé. Ce curaillon n’était pas un de ces ‘hussards noirs’ de la République si prompts à faire sortir leurs élèves en 2002 pour faire barrage au vieux facho Le Pen anti-immigrationiste (ces bons Tchétchènes!). Et pour Hamel, pas d’hommage national ou de Légion d’horreur…
Je loue régulièrement votre lucidité. Je continue. Merci, Ingrid.
@Bouysou
Il avait ‘certainement’ voulu s’informer… Quelle certitude! Etiez-vous proche? Si tel était le cas, savez-vous me tuyauter sur un point? En 2002, M. Paty avait 30 ans. Etait-il prof à l’époque? Et fut-il de ceux qui, comme la plupart des membres du corps professoral, imposèrent à leurs classes de sécher les cours pour sortir dans la rue manifester contre la présence de JM Le Pen au 2e tour des élections?
Oderint dum metuant ! Le seul dialogue possible, hélas, ce sont la maison de correction, la prison ferme, voire le rétablissement de la peine de mort.
Joli programme mais les tribunaux sont encombrés et les prisons pleines. De plus, la Ligue des Droits de l’Homme et les instances européennes vous traiteraient de barbares et vous sanctionneraient. La Hongrie et la Pologne sont les seuls pays à s’en contreficher.
Quant à la peine de mort… Toute la France a adoubé Badinter que l’on honore régulièrement pour cette abolition. Mais voilà que maintenant sa Dame, une des ‘consciences de la gauche’, prend le mors aux dents et prône désormais la répression. Fameux couple! Badinter-Dupont-Moretti… Les avocats gardes des sceaux sont parfois bien désastreux…
Je n’avais pas prévu de commentaire, je suis absolument en phase avec ce que vous avez écrit.
J’ai acheté vos deux livres sur les « médias » je ne le regrette pas, bravo Ingrid, excusez cette familiarité. Une simple observation: j’ai pris connaissance à chaque fois du nom des criminels qui ont fait de si nombreuses victimes en France (entre autre) : je n’ai pas mémoire d’un seul nom qui ne soit celui d’un immigré de la seconde ou troisième génération ou d’un réfugié ou bien simplement d’un clandestin !!!!!
A Dresde, un Allemand a été tué à coups de couteau et un autre grièvement blessé par un réfugié syrien à peine sorti de prison.
Les bonnes âmes antifachottes qui ont déversé des tombereaux d’injures sur Pegida ou AfD se taisent comme il se doit (car ce que l’on ne sait pas…).
Ces deux gars n’avaient pourtant pas montré le cul du prophète pour ‘instruire’ des gosses totalement immatures.
Mais quel journal français a évoqué cet ‘incident’ – comme le dirait Macrotte Ier?