En anglais, « a terrorist incident » est un « acte terroriste », de même que « incidents of violence » correspond à notre expression « des actes de violence ». Une erreur de traduction court donc depuis ce matin dans toute la presse.

Nos journalistes ont, semble-t-il, éprouvé une certaine gêne en entendant la police anglaise parler de « terrorist incident ». Mais comme ils raffolent des anglicismes, renonçant à traduire l’expression, ils se sont contentés d’une francisation minimale et se sont abrités derrière les guillemets :

Je ne pense pas avoir été la seule à tiquer puisque quand on clique sur ces trois articles, on constate que les titres en ont été modifiés.

Titre 1 :

Titres 2 et 3 (disparition de l’article n°2, apparemment) :Si l’on en croit l’horaire de modification des articles, la prise de conscience a eu lieu en milieu de matinée:

Il est vrai que ce n’est pas forcément à 2h45 ou à 5h54 du matin qu’on est le plus lucide.

A 6h, on est plus frais. Pourtant (cf. 0:50)

Certes, la journaliste détache le mot par son intonation pour bien montrer qu’il s’agit d’une citation. C’est aussi la fonction des guillemets ici, par exemple :

La question laisse entendre qu’il y aurait une différence de gravité entre « incident terroriste » (« terrorist incident ») et « attentat suicide » (« suicide bombing »). En anglais, ce n’est pas le cas: un attentat suicide est une attaque terroriste (bonne traduction de « terrorist incident »). Donc cette interrogation n’a aucun sens, elle est totalement à côté de la plaque.

En français, le mot « incident » signifie: événement sans gravité.

En anglais, il peut parfois avoir ce sens mais dans son usage courant, il est très proche de l’étymologie latine (in-cidere) qui exprime l’idée que quelque chose nous arrive, nous « tombe dessus », sans présumer de la gravité de ce quelque chose. Comme me l’indique mon bon vieux Collins, « an incident is something that happens ».

En répétant cet anglicisme porteur d’un oxymore ridicule, les journalistes ont donné une piètre image de la police britannique, qui semblait vouloir ainsi éviter de dramatiser ce qui était, manifestement, une horreur. Et puis, bien sûr, ils nous ont donné une fausse information (fake news?) puisque ces policiers n’ont jamais dit que l’attentat de Manchester constituait un « incident terroriste ». Ils ont dit que c’était un « acte terroriste ». Seulement, comme ils sont anglais, ils l’ont dit en anglais.

Merci de faire parvenir cet article à notre nouveau Ministre de l’Education Nationale afin de lui confirmer (puisque c’est, semble-t-il, sa position) qu’il est urgent, en effet, de renforcer l’enseignement des langues anciennes, des langues étrangères… et du français.

14 commentaires

  1. Que pensez-vous du « jour d’après » au lieu du « lendemain » ?
    Et aussi de « la femme aux cheveux rouges », au lieu de « la rouquine » ou de « la rousse » ?
    Tout comme on traduisait un film déjà ancien dont le titre était « absence of malice » par « absence de malice », alors qu’il fallait dire « sans intention de nuire ».
    Pires que les mots d’anglais introduits tels quels dans notre vocabulaire alors qu’il existe des traductions souvent plus précises en français, ce sont ces anglicismes qui déforment le sens des événements ou des déclarations. Et introduits par ceux qui parlent pour tout le monde: les journalistes…
    Notre langue est en train de devenir un pidgin.

    • Merci beaucoup. Étant d’origine américaine , je trouve tous ces mots en anglais ridicule et comme vous précisez les mots de correspondent pas de tout à ce que veut dire la personne en français. Le français est une langue très riche. Il faut arrêter de chercher en anglais pour l’effet « moderne ». Ce n’est pas de tout « moderne » c’est tout simplement ridicule et ignorant.

    • Bien vu ! « Le jour d’après » s’impose, en effet, dans la langue médiatique à une vitesse terrifiante…

  2. Comme vous, je me bats depuis hier sur les réseaux sociaux et dans les journaux en ligne pour la traduction correcte du mot anglais « incident » qui signifie incident ou évènement suivant le contexte et/ou l’adjectif qui lui est accolé. Ainsi « a terrible incident » ne peut être un terrible incident, ce qui n’aurait aucun sens. Merci pour vos interventions et commentaires, toujours précis et pertinents.

  3. Chère Ingrid,

    Permettez-moi pour une fois d’indiquer mon désaccord avec vous, qui plus est dans votre domaine… Vous écrivez « En français, le mot « incident » signifie: événement sans gravité. »

    Cette définition est fausse. Un incident est un évènement suffisamment important pour être noté.

    Entre « sans » et « de faible » (le Larousse nous donne « évènement de caractère secondaire »), il y a une marge, ténue, certes, mais pas inexistante.

    Je vous souhaite une bien belle journée.

  4. et s’il n’y avait que ça pour illustrer l’inculture crasse de nos journalistes !
    « a platform » est un programme électoral. Et donc est apparu en jargon journaleux la « plate forme électorale ». A pleurer.
    Ministère des finances = department of finances, pour tous ceux qui sont allés au moins en sixième. Mais pas pour les journalistes qui nous parlent de « département des finances ». A hurler !

    et ces interviews faites en anglais à Haïti, pays francophone !
    et ce « migrant » marocain interrogé dans un anglais qu’il comprend et manie parfaitement à 14 ans, alors qu’au Maroc on parle français, pas anglais (bref c’était sans doute un afghan mais nos journalistes ne pouvaient pas savoir, les pauvres. Ils ont fait une école de journalisme, pas une vraie école.)

    et les noms des joueurs de foot : Peter Cech se prononce « Peter Tshek », ce que savent tous les journalistes du monde sauf ceux qui parlent à la télé et la radio en France.

    etc……

  5.  
    Lu dans la presse russe de ce matin :

    Четыре цистерны с мазутом сошли с рельсов под Псковом. […] В результате инцидента никто не пострадал, угрозы экологической безопасности нет.

    Quatre wagons-citernes contenant du mazout ont déraillé près de Pskov. […] On ne déplore finalement aucune victime de cet incident, il n’y a aucune menace écologique.

    https://russian.rt.com/russia/news/394245-chetyre-cisterny-soshli-s-relsov-pskov

    « Incident » est finalement un anglicisme, adopté par la gent pisse-copie du monde entier.

    • « Anglicisme », en l’espèce non, puisqu’ils ont employé le mot dans son sens légitime.

      4 wagons de mazout on déraillé > quantité, rapportée à la consommation journalière mondiale (non comprise la partie « cachée » – comprendre ce que nous, européens, volons à l’Afrique et aux autres), parfaitement anecdotique.

      Et ce n’est pas le prix des 4 wagons, ou celui des quelques rails à refaire, ou le nombre de victimes (en l’espèce zéro) qui mettront l’économie russe sur le tapis!

      Il n’y a aucune menace écologique > A moins que lesdits wagons aient déraillé à proximité d’un point d’eau (auquel cas un étalement est possible), il n’y a absolument aucun impact.

      La terre sera collectée, regroupée sur un bidim, et les bactéries qui s’y trouvent, à plus ou moins long terme, mangeront le pétrole.

      Il s’agit pour le coup d’un véritable incident.

      Et… A supposer même que la terre soit laissée là où elle est, avec le mazout dessus…

      Vu qu’avec 146 millions d’habitants (soit 1,95% de l’humanité) les Russes contrôlent directement ou indirectement plus d’1/7 de la surface du globe (soit 15% de la planète), j’ai tendance à croire que ça va aller pour eux.

  6. J’ai travaille longtemps pour une societe Americaine qui construisait (a l’epoque) des centrales nucleaires. Le mot « incident » (en Anglais) etait utilise dans les rapports de securite afin d’eviter le mot « accident » qui avait, cela va de soi, une connotation trop negative pour les autorites chargees d’analyser la securite des installations. Alors, quel est le mot juste pour la tragedie de Manchester???

    • Contrairement à ce que vous semblez penser, personne n’évite l’usage du mot « accident » dans le domaine du nucléaire (ni dans la gestion du risque).

      Simplement, ce que vous aviez à rapporter relevait du niveau incident, et vous n’avez (heureusement) jamais eu à traiter d’ « accident ».

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