Vers une victoire à la Pyrrhus

Et si Nicolas Sarkozy avait un peu changé ? Franchement, depuis qu’il s’est lancé dans la course à la présidence de l’UMP, ce moteur si bien huilé connaît quelques ratés. Et ça, c’est quand même nouveau. Il y a eu ces différents changements de scénographie dans les meetings : d’abord le discours au pupitre, ensuite le dialogue avec les militants, puis retour au pupitre avec un texte d’Henri Guaino. Ce genre de tâtonnement ne lui ressemble pas. Et puis, il y a eu samedi. Pierre Jovanovic nous a livré un récit exhaustif de cette journée organisée par le collectif « Sens commun » issu de la Manif pour tous. Mais dès le soir-même, nous avions les images. Etait-ce un rêve ? Sarkozy qui se fait imposer un mot par la salle ; Sarkozy qui prononce un mot qu’il ne voulait pas prononcer ; Sarkozy qui se fait retourner par une salle, alors que la marque des grands orateurs, dont il fait incontestablement partie depuis une grosse dizaine d’années, c’est plutôt de retourner soi-même ladite salle. Les militants de « Sens commun » se sont même payés le luxe de scander ensuite : « Il l’a dit, il l’a dit », à la manière de supporteurs qui chambrent l’équipe adverse dans un stade de foot.

Mais ce n’est pas tout. Comment s’est-il mis dans cette situation ? Il a été piégé par Hervé Mariton. Le candidat libéral-conservateur à la présidence de l’UMP, meilleur orateur de l’UMP pendant les débats parlementaires sur le mariage pour tous, avait quelques accointances avec la puissance invitante. Il y a été reçu comme une rock-star, alors que Le Maire et Sarkozy étaient respectivement accueillis avec hostilité et méfiance. Mariton avait défié ses concurrents et il a bien fait. Le Maire s’en est sorti habilement, en faisant face à la foule et en ne cédant rien. Et Sarkozy s’est pris les pieds dans le tapis. Si on vous avait dit que l’Ex serait un jour piégé par Hervé Mariton, vous auriez crié au fou, non ? En tout cas, moi, j’aurais crié. Mais Sarkozy en est là.

Et pourtant Nicolas Sarkozy va gagner cette élection. Il va battre Le Maire et Mariton. On guettera le score, s’il est inférieur ou non à celui qu’il avait obtenu en 2004 lors de sa première accession à la présidence de l’UMP. Le problème, pour lui, c’est que sa replongée dans la vie d’un parti risque fort bien de ressembler à ce samedi de novembre en continu. Comme l’avait prévu Henri Guaino, cette campagne interne dé-présidentialise Nicolas Sarkozy, et la gestion du parti achèvera cette dé-présidentialisation. Comme diraient Laureline Dupont et Philippe Cohen « c’était pas le plan ». Nicolas Sarkozy devait arriver en sauveur et il est aujourd’hui, et il sera demain, le jouet de toutes les tendances de l’UMP, obligé de trancher dès maintenant dans tous les débats, écartelé par les fractures idéologiques alors qu’il devait se nourrir des premiers afin de réduire les secondes, en déclarant sa candidature douze à dix-huit mois avant l’élection présidentielle.

Quelle mouche a donc piqué Nicolas Sarkozy en se lançant dans cette bataille qu’il n’avait pas prévue ? Quand Copé a été débarqué de la direction du parti au lendemain des révélations de Jérôme Lavrilleux sur l’affaire Bygmalion, il a décidé de changer de fusil d’épaule. Funeste erreur. Laisser aller Estrosi contre Le Maire était suicidaire, arguaient alors les partisans de la nouvelle stratégie. Mais qui dit qu’Estrosi aurait été le seul candidat ? Nicolas Sarkozy aurait pu susciter en douce la candidature de Laurent Wauquiez (ou d’Henri Guaino). On aurait pu alors assister à un véritable débat idéologique aussi bien sociétal que sur les sujets économiques et européens. Et Nicolas Sarkozy de demeurer silencieux, d’encourager ses partisans à choisir Le Maire ou Wauquiez selon leurs inclinations, se nourrir de ce débat, poursuivre sa réflexion afin de peaufiner son projet futur. Alain Juppé observe aussi de loin, il poursuit une stratégie de séduction des médias et de la partie de la gauche qui, effrayée par la perspective d’un second tour Le Pen-Sarkozy, pourrait décider de participer en masse à la primaire de la droite. Cette stratégie peut rater – être le candidat des médias n’a jamais vraiment porté chance- mais il n’en a pas changée depuis des mois, fidèle à sa ligne de conduite. Face à lui, Sarkozy devait  impérativement ne pas bousculer son calendrier initial, qui était le bon. Une bataille Wauquiez-Le Maire aurait sans doute été serrée. Mais comme elle aurait eu lieu sur le terrain des idées, cette lutte n’aurait pas été sanglante comme le duel Fillon-Copé qui était une guerre de clans.

C’est la faute de Nicolas Sarkozy de ne pas avoir voulu de ce débat. Un débat qui était nécessaire à son camp, à son parti. Un débat qui aurait pu lui être profitable à terme. Une faute contre son parti, une faute contre son camp, une faute contre lui-même. Triple faute. Fatale ?

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