Le laissez-faire libéral, ce n’est bon que pour les prolos ?

Entre le fou-rire et la colère, c’est ainsi que nous laisse l’éditorial de Nicolas Demorand paru ce samedi dans Libération. Intitulé “Régulation”, la prose du directeur de Libé, journal dont la santé se fait de plus en plus chancelante, dénonce “la fascination pour le numérique, les miracles qu’il permet, la réalité qu’il façonne, masque la brutalité du capitalisme qui lui a permis de se déployer ; l’inéquité des échanges qu’il suscite; la fragilisation de certains piliers de la démocratie qu’il accélère, du marché régressant à l’âge des monopoles aux journaux incapables, quels que soient leurs investissements, de financer durablement la production d’informations de qualité […]“.

Le rire nous saisit lorsqu’il en appelle à une “souveraineté numérique” et qu’il fustige “les quolibets libertaires”. Voilà donc le journal de la rue Bellanger utilisant la même sémantique qu’un Nicolas Dupont-Aignan, un Henri Guaino ou même une Marine Le Pen. Alors qu’elle n’a eu de cesse de dénoncer ceux qui utilisaient ces termes moisis et partait même à la chasse contre ceux qui, à gauche, devenaient “plus dangereux que le Front National”, en usant de certains termes, la direction de Libé doit être en proie à une terrible inquiétude pour se faire, le temps d’un samedi matin, apôtre du souverainisme et contempteur des libertaires.

Demorand en appelle carrément au protectionnisme pour sauvegarder le secteur qui le nourrit. Mais, et c’est précisément ceci qui nous met en colère, il le réclame sans écrire le mot, utilisant ce cache-sexe sémantique que constitue le mot “régulation”. Lorsqu’il rappelle “l’exception culturelle” obtenue par les Etats européens dans le cadre des négociations du GATT à l’époque où Edouard Balladur occupait Matignon ; lorsqu’il milite pour la mise en place de la “taxe Google”, il en appelle évidemment au protectionnisme, même déguisé. Ce protectionnisme que son journal combat de toutes ses forces lorsque d’autres le souhaitent pour l’industrie, pour défendre les ouvriers, ces beaufs qui ont la trouille de la mondialisation sans frontières. Demander des mesures protectionnistes pour défendre l’industrie nationale, cela demeure nationaliste, frileux et ouvre la porte à la xénophobie. Supplier l’Etat de les mettre en place pour sauver les copains du ciné, et plus encore pour sa propre gamelle, c’est responsable !

On comprend pourquoi plus aucun ouvrier ne lit aujourd’hui Libération sans pleurer de rire et de colère mêlés. Et on demande solennellement au gouvernement que s’il devait -on peut rêver- finir par écouter Arnaud Montebourg et instaurer des barrières au libre-échange, la presse quotidienne qui conchie le protectionnisme industriel soit la dernière à en bénéficier. Libé mais aussi Le Figaro, qui n’est en reste en matière de mondialisation heureuse, doivent enfin être responsabilisés. Après tout, un journaliste indien ou philippin pourrait très bien faire le même travail que Nicolas Demorand pour beaucoup moins cher. Et sans doute mieux, à lire l’édito de ce dernier.

6 commentaires

  1. Nous y voilà enfin!
    J’ai rêvé, Google l’a fait: faire profiter à tous ces journalistes des bienfaits de la mondialisation heureuse.

    Le prolo a perdu son boulot lors d’une délocalisation en Chine? Il n’a plus pain? »Qu’il mange des nêms, alors », répondaient en choeurs ces chantres de la libre-échange, louant la perfection d’une concurrence libre et non faussée.

    C’est d’autant plus farce de la part de Libération que je me rappelle d’un édito ravageur du 30 mai 2005, conchiant les 55% des Français venaient de signifier qu’ils étaient contre les beaux principes laisser-fairistes évoqués plus haut.

    Je ne devrais pas éprouver de joie mauvaise (Schadenfreude en VO), mais là, c’est vraiment jouissif!!!
    Mais au bout de cinq minutes, on se rend compte que c’est tout de même dérisoire, vue la gravité de la situation économique du pays.

  2. « Une information de qualité » ? Mais où ? Dans quel journal ? Sur tous les sujets que je connais un peu, c’est toujours un tissu d’âneries ou un vague recopiage des dossiers de presse fournis par les jolies attachées de com’ en tailleur rose. Albert Londres est mort il y a bien longtemps !

  3. Pour une telle cause, je veux bien donner des cours de français accéléré au journaliste indien ou philippin

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