Cher Compagnon,

Nous avons mené bien des combats ensemble. En 1992, alors que je militais ardemment pour le NON au Traité de Maastricht, c’est vous qui dirigiez la campagne de Philippe Séguin. Nous avons failli emporter la victoire. La face du monde en aurait été changée. En 1998, nous nous rencontrâmes à Besançon. Je vous accueillis afin que vous animiez une conférence à la Faculté de Droit et une réunion publique à Planoise. Vous veniez d’être remercié du commissariat au Plan par Lionel Jospin et Charles Pasqua et son club « Demain la France » vous permettaient de porter la bonne parole à travers la France. Vous dénonciez cet « étrange renoncement «  (1) qui guettait les élites de notre pays face à la crise nationale qu’il avait à subir. Un peu plus tard, vous vous lançâmes dans la campagne de Charles Pasqua. Vous y rédigeâtes, je m’en souviens fort bien, des tracts de belles factures. Mais la droitisation ne tarda point avec la venue de Villiers et vous vous éloignâtes rapidement. Vous aviez raison. Même si je participai jusqu’au bout à cette campagne qui nous vit dépasser la liste RPR-DL, ce tandem ne promettait pas de durer. De fait, il ne dura point. Nous nous vîmes pour la dernière fois à Valence en 2001 lors de l’université d’été de la Fondation du 2 mars. Alors que j’interpellais Jean-Pierre Chevènement sur la nécessité de rétablir constitutionnellement la prééminence de la loi nationale postérieure sur la réglementation européenne, vous étiez venu me voir pour me dire que j’avais touché le point essentiel. Jean-Pierre Chevènement ne m’avait pas répondu et vous me le fîtes remarquer. Je fis malgré tout campagne pour le maire de Belfort. Pas vous. Vous rejoignâtes……Jacques Chirac. C’est à partir de ce moment que je ne saisis plus votre parcours.

Car aujourd’hui, on me dit que vous êtes la plus belle plume de Nicolas Sarkozy. Ce dernier fait partie des hommes politiques qui ont un grand besoin de « nègres ». Pour la rédaction de leurs discours mais aussi pour celle de biographie de personnage historique, exercice censé donner de l’épaisseur au personnage. Vous auriez donc écrit les discours « sociaux » d’Agen, de Périgueux. J’ai cru reconnaître également votre style inimitable dans celui de la Porte de Versailles l’autre jour. Mais celui qui me met le plus en colère, c’est celui que vous avez écrit en mai dernier pour la réunion de Nîmes. Ce discours sur la Nation et le Patriotisme était de toute beauté. Comment osez vous mettre de si belles paroles dans cette bouche là ? Comment osez vous faire vanter le patriotisme par celui qui en a bafoué les règles les plus élémentaires le 12 septembre dernier à New-York ? Vous auriez dit: »A force de lire les discours, il finira peut-être par croire en leur message ». Vous êtes trop intelligent pour rêver à de telles sottises. Il s’agit donc d’un calcul. A moins que ce ne soit un jeu. Si vous aimez jouer à mettre des discours dans des bouches inattendues, je pourrais vous conseiller quelques défis nouveaux. Pourquoi ne pas en écrire un sur la Fraternité pour Jean-Marie LePen ? ou sur la Culture à Ségolène Royal ? Honnêtement, serait-ce davantage ambitieux ?

(1) L’étrange renoncement, Henri Guaino, Albin Michel 1998

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