L’attitude méprisante de François Hollande n’a rien à envier à celle de son prédécesseur

 

Cher Henri Guaino,

Nous nous connaissons et ce n’est pas la première fois que je vous écris. Avant-hier soir, en revenant du Stade Bonal où mes protégés ont malheureusement fait match nul, j’ai découvert que vous faisiez l’objet de toutes les attentions sur le réseau twitter. Vous aviez été l’invité de l’émission politique de BFMTV et beaucoup se scandalisaient de vos propos. Hier matin, le directeur d’un grand journal regrettait publiquement d’avoir naguère pris votre défense lorsque vous fûtes mis au chômage par Lionel Jospin en 1997 et le ministre de l’Intérieur lui-même vous traitait de« factieux ». J’ai donc regardé l’émission sur le site de BFMTV pour me faire une idée. Qu’aviez-vous dit pour qu’on vous considère comme une personnalité infréquentable, quelque part entre les généraux Tapioca et Boulanger ?
À vrai dire, au visionnage de l’émission, je n’ai rien entendu de choquant. Vous y disiez que nous n’avions pas de président et que si François Hollande ne se décidait pas à présider, partir serait la meilleure solution. Ma mémoire regorge de souvenirs de parlementaires d’opposition appelant à la démission du président de la République. De Charles De Gaulle à Nicolas Sarkozy, tous les chefs de l’Etat ont fait l’objet d’appels similaires. Vous avez aussi argué que la légitimité d’une décision du peuple par référendum était supérieure à celle du Parlement. Cette conception, qui était également celle du fondateur de la Ve République, me scandalise d’autant moins que je la partage entièrement. En l’occurrence, rien n’oblige le Président à user de cette prérogative mais en s’en privant, il perd l’occasion de donner davantage de légitimité à cette loi porteuse  d’un « changement de civilisation », d’après les mots mêmes de la ministre. Vous avez enfin fustigé le mépris du pouvoir envers les manifestants, forcément homophobes, forcément « radicalisés », forcément ringards. Là encore, on vous suivra volontiers. Evidemment, vous avez énoncé ceci avec la passion, la conviction et la maladresse qui vous animent le plus souvent, ce qui a permis à vos détracteurs de se déchaîner. Pour ma part,  je verrai plutôt l’excès chez Manuel Valls, qui vous a dépeint en quasi-putschiste.
Au stade de cette missive, vous serez sans doute satisfait d’avoir trouvé un rare avocat dans un océan de procureurs. Mais voyez-vous, cher Henri Guaino, quelque chose me chiffonne. Quelque chose qui me fait hésiter entre l’amusement, l’incrédulité et la colère. Quelque chose qui me renvoie cinq années plus tôt, à Versailles, le 4 février 2008. Ce jour-là, Henri Guaino, une grande majorité de parlementaires effaçait, à la demande du président de la République dont le bureau jouxtait alors le vôtre, la décision du Peuple souverain prise trois ans plus tôt. Beaucoup vous ont questionné à ce sujet et vous avez toujours nié. Vous avez nié que le traité de Lisbonne fût la copie du traité constitutionnel européen rejeté en mai 2005, parce que, disiez-vous « ce n’était pas une constitution ». Pourtant, l’auteur du TCE, Valéry Giscard d’Estaing, avait lui-même reconnu son petit, fût-il maquillé comme une voiture volée. Vous avez nié que ce traité nécessitait la convocation du Peuple, expliquant que Nicolas Sarkozy avait clairement annoncé aux Français pendant la campagne présidentielle qu’il ferait voter un « nouveau » traité et que celui-ci serait approuvé par le Parlement. François Hollande ne fait pas autre chose avec ce projet de loi. Vous me rétorquerez que le traité de Lisbonne n’avait pas mobilisé autant de Français dans la rue. Je vous le concède. Mais cela change-t-il quelque chose sur le plan de la légitimité ?  À l’hiver 2007-2008, lorsque sur les marchés, je faisais signer une pétition réclamant un référendum sur le traité de Lisbonne, j’avais rencontré chez les anciens électeurs du Non de la lucidité et du fatalisme. Ils avaient conscience qu’on censurait leur décision, qu’on leur volait leur victoire. Mais ils n’avaient pas la force de se rebeller, victimes d’un fatalisme qui m’avait frappé, comme un coup de poing dans l’estomac. Les dés étaient jetés. Nicolas Sarkozy avait trouvé un allié de circonstance, François Hollande. Grâce à son complice, point de grandes manifs. Point d’insurrection populaire qui, pourtant, aurait été fort légitime. Nicolas Sarkozy l’avait lui-même expliqué six mois plus tôt : si on interrogeait à nouveau les Français sur un traité européen, ils répondraient Non à nouveau. Et c’était justement pour cette raison qu’il convenait de ne pas les interroger. Il est là le scandale démocratique du traité de Lisbonne. Il est là, le déni de démocratie dont vous vous êtes rendu complice à l’époque. Quant à la question du mépris, cher Henri Guaino, vous souvenez-vous des mots si blessants, employés par celui que vous conseilliez, à propos de ceux qui préconisaient – et préconisent toujours – un démontage de l’euro ? Des imbéciles au mieux, de dangereux irresponsables au pire. Alors qu’un quart à un tiers des Français se disent favorables à cette  option, cette attitude était-elle respectueuse ? Favorisait-elle l’unité nationale ? Bien sûr que non. Il vous faut voir la vérité en face : à bien des égards, l’attitude méprisante de François Hollande, que vous dénoncez avec force et raison, n’a absolument rien à envier à celle de son prédécesseur.
Le jour, cher Henri Guaino, où vous ferez votre mea culpa sur ce qui s’est passé le 4 février 2008, et sur le mépris qui a été signifié à vos anciens camarades de combat maastrichtien, ce jour-là, j’irai manifester à vos côtés pour demander un référendum. Pas avant !

Cordialement.

15 commentaires

  1. David Desgouilles a écrit LA lettre qu’il fallait écrire à Henri Guaino, pour le mttre face à ses contradictions, sur le ton professionnel et fraternel qu’il sied. Cela dit, quand je vais à la manif pour tous, je ne vais pas manifester aux côtés d’Henri Guaino: c’est lui qui manifeste à mes côtés. Les enjeux doivent se placer au-dessus des contingences humaines net de la versatilité des politiques.

  2. Ce n’est pas parce que Sarkozy a fait un déni de démocratie (ce qui fait qu’il a perdu ma voix en 2012 à l’instar de beaucoup d’autres) qu’il faut accepter que Hollande en fasse un autre (en niant l’opposition, en faisant pression sur les parlementaires, en désinformant via des medias complaisants et en biaisant le débat). Gaino se prend un retour de manivelle mais cela n’excuse pas la méthode actuelle du gouvernement.
    J’ai regretté qu’il n’y ait pas eu une manif monstre contre le déni du referendum mais il n’y avait personne susceptible de fédérer la France du NON (qui n’était ni de droite ni de gauche mais simplement -comme pour la « manifpourtous »- de tous horizons et attachés à leurs racines, leur pays et civilisation).

  3. Très bon article.
    Je pense tout de même que Guaino vaut mieux que ceux d’en face pour une raison simple, ridicule même selon les critères actuels, il aime son pays et possède des valeurs.
    Il a servi un mauvais maître, mais celui qui occupe le château aujourd’hui est un monsieur Homais revanchard et se révèle le pire de tous.
    Hollande a soutenu Sarko sur le traité, ce qui était une forfaiture et il montre maintenant que l’humanité a bien besoin d’être réformée, ce à quoi il s’emploie avec entrain.
    Laissez-nous Guaino qui peut nous aider à éviter le camp de redressement moral! En Haute-Corrèze, bien sur.

  4. Les arguments de Guaino sont souvent justes.
    Signalons aussi qu’il a été un des 4 députés UMP à voter contre la loi sur « la sécurisation de l’emploi ».

    Il s’agissait uniquement de la ratification de l’accord MEDEF/CFDT/CFTC/CGC.
    Une fois de plus, on transformait les députés en chambre d’enregistrement : je n’ai rien contre les négociations professionnelles, mais ce qui relève de la loi est de la responsabilité des parlementaires, pas des « partenaires sociaux ».

    Guaino a voté « contre », comme les députés du Front de Gauche et aussi Dupont-Aignan, Bompard, Collard et Maréchal-Le Pen.

    Bien sûr, le problème de Guaino, c’est que, pendant 5 ans, il a « avalé des anacondas » (selon l’expression de Natacha Polony), le pire étant le traité de Lisbonne.
    Ce qui le décrédibilise concernant la demande d’un référendum.

    Sur le traité de Lisbonne, le principal responsable est, bien sûr, Sarkozy.

    Mais, Hollande fut son « complice » selon le mot de DD.
    Et pas seulement parce que lui et la grande majorité du groupe PS avait ratifié ce traité.

    Aussi parce que le ministre des affaires européennes de Sarkozy était un nommé Jean-Pierre Jouyet, un proche de Hollande.

    Jouyet n’était pas ce que les socialistes appelaient « un traitre » comme E. Besson ou Bockel.
    La preuve ?
    Hollande, devenu président, l’a récompensé en le nommant à la tête de la Chambre des Dépôts et Consignations puis de la Banque d’Investissement.

    Jouyet était donc en service commandé par le PS pour aider Sarkozy à trahir le vote des Français.

  5. guaino est un menteur , il a prétendu, entre autres mensonges, que les gazaouis n’avaient pas le droit de se rendre à la plage ! énorme mensonge pour tous ceux qui connaissent Gaza ! il y a plein de monde à la plage: beaucoup d’enfants avec des cerfs-volants , des surfeurs et hélas aussi beaucoup de femmes bâchées

  6. Excellent article. Tout est dit, sauf, peut-être que la mobilisation contre le « mariage pour tous » révèle l’étendue de la médiocrité de nos concitoyens, lorsque l’on songe que le déni de démocratie de 2008 n’a pas soulevé les foules.
    Le système est en train de s’effondrer, comme Constantinople le 29 mai 1453 quand le saint-Synode discutait du sexe des anges pendant que les troupes de Mehmet II mettait la ville à sac.
    On en est resté au sexe des anges : gay ! gay ! marions-nous ! c’est plus mobilisateur que zut ! zut ! la démocratie est finie !

  7. Bon « papier ». Juste une petite remarque corollaire pour vous dire que moi aussi ma mémoire regorge d’appels à la démission du Président.
    Or, quand Nicolas Domenach a twitté que c’était la première fois, je lui ai fait remarquer qu’il se trompait, en lui rappelant notamment l’appel à la « votation citoyenne » lancé dans ce sens par le collectif Attac en 2010, et très largement par les media. Il était « demandeur d’infos » disait-il…

    Mais, du haut des certitudes partisanes, N.D. n’a pas daigné réagir.
    Dur d’avoir une discussion honnête…

    • Vous auriez aussi pu lui parler de François Mitterrand en mai 68, constatant une « vacance du pouvoir », et se disant « prêt à assumer les pouvoirs de la République »…

  8. Merci David pour cette belle lettre qui rappelle à M.Henri Guaino quelques bonnes vérités ! Plume de Pasqua avant-hier,au service de Sarkozy hier, en démonstration permanente dans le cadre de la manifpourtous et sur les plateaux médiatiques depuis plusieurs semaines, il a dû en décevoir plus d’un hier en se trompant de bouton lors du vote à l’ Assemblée nationale sur le projet de loi Taubira !!

  9. Bonjour David et Bravo,

    vous savez je partage votre point de vue. Le non respect du peuple souverain lors du referendum du 29/05/2005 est catastrophique pour notre Democratie.
    On en voit les consequences. Je suis d’autant plus chagrine que Guaino etait a mes yeux un des rares politiciens avec Chevenement, Seguin et NDA a sortir du lot.

    PS : Bonnne chance pour le FCSM mais avc le reveil de l’ANL cela va etre dure.

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