La nuit des seconds couteaux a commencé depuis des années
Laurent Wauquiez parti, Les Républicains (LR) ne semblent pas se résoudre à débattre en interne de la ligne politique. Ni à planifier d’urgence quelque congrès! Le transparent Christian Jacob, président du groupe parlementaire, fait figure de candidat crédible à la succession de Wauquiez. Pas fulgurant… Analyse.
Comme prévu, Laurent Wauquiez n’a pu éviter de quitter la tête de son parti. Il lui était impossible de s’exonérer de la responsabilité du crash industriel subi par la liste LR aux européennes. Il n’était pas opportun de faire cornaquer François-Xavier Bellamy par le directeur de campagne Geoffroy Didier; il n’était pas plus heureux de s’imposer dans les meetings et sur le matériel électoral après avoir eu l’excellente idée de désigner le philosophe, comme s’il venait au secours de bons sondages ; il n’était pas plus utile de prendre la place de Bellamy au dernier débat télévisé sur France 2. Laurent Wauquiez était conscient du soupçon d’insincérité qui pesait sur lui, en particulier depuis l’épisode de l’école de commerce lyonnaise. Ces élections européennes n’ont donc pas été l’occasion de le faire disparaître, malgré la fraîcheur dégagée par François-Xavier Bellamy. Peut-être cette dernière l’a-t-elle faire apparaître davantage au contraire, par comparaison.
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Pour autant, il faut le répéter encore : la droite française doit surtout sa lourde humiliation à une situation structurelle, et un autre dirigeant ne l’aurait sans doute pas évitée. Valérie Pécresse a beau fustiger la ligne politique de LR, ne proposait-elle pas finalement la même en miroir ? Quand Wauquiez semblait adopter en vain une ligne plus identitaire pour disputer au Rassemblement national des électeurs éventuellement déçus par l’entre-deux-tours de Marine Le Pen, ne proposait-elle pas quant à elle une ligne libérale-européiste semblable à celle de LREM, qui n’aurait eu d’autre destin que celle de l’UDI de Jean-Christophe Lagarde ?
Retour en arrière
En fait, il n’y a plus vraiment de ligne politique dans ce parti depuis longtemps. Elle n’a pas été débattue par ses adhérents depuis bien longtemps. Remontons un peu le temps. En 2017, l’élection du président de LR n’a pas donné lieu à un véritable débat, Wauquiez affrontant Maël de Calan, représentant un juppéisme déjà installé à Matignon, et Florence Portelli en prête-nom de Pécresse, laquelle n’avait pas souhaité livrer bataille. De surcroît, il faisait tandem avec Virginie Calmels qui cochait les cases libérales et européennes du macronisme. En 2014, Bruno Le Maire avait affronté Nicolas Sarkozy, non sur la ligne politique mais sur le renouvellement des générations. En 2012 enfin, la guerre Copé-Fillon de sinistre mémoire avait été chaudement disputée – c’est le moins qu’on puisse dire – mais on défie le lecteur de nous expliquer les contours idéologiques de cette opposition.
Cela fait donc sept ans – au moins – qu’on ne sait plus vraiment ce que ce parti pense voire qu’il le sache lui-même. Sept ans – au moins – que sa ligne politique n’a plus été débattue par ses adhérents. Le seul moment où elle l’a plus ou moins été, c’était à l’occasion de la primaire, alors que les militants étaient noyés dans un corps électoral vingt fois plus large. Et cette compétition électorale, mise en scène comme un spectacle sportif par les chaînes info, a abouti à sélectionner un candidat qu’il était alors impossible de débarquer, malgré des circonstances sur lesquelles nous ne reviendrons pas, par charité.
Un nouveau chef à l’automne
Tombés à 8% aux européennes, avec un Wauquiez démissionnaire et une Pécresse partie, on pourrait alors s’attendre à ce que l’élection du nouveau président des LR soit l’occasion rêvée pour organiser ce débat sur la ligne politique tant de fois repoussé. Malheureusement, cela n’en prend pas le chemin. Toute une partie des hiérarques a commencé par prôner soit une direction collégiale, comme Eric Woerth, ou de supprimer le poste de président, comme Nadine Morano. Mais les statuts étant ce qu’ils sont, et faits pour être respectés, il a bien fallu se résoudre à organiser ce scrutin à l’automne. Mais ceux qui craignent le débat sur la ligne politique, à force de ne pas y participer depuis des années, n’ont pas désarmé pour autant. Les voilà à pousser la candidature de Christian Jacob, dont les talents pour ménager la chèvre et le chou à la présidence de groupe à l’Assemblée nationale sont effectivement incontestables, mais dont la ligne politique est encore plus difficilement identifiable que ses éventuels prédécesseurs, ce qui ne constitue pas un mince exploit. A cette possible candidature de consensus qui ne ferait de peine à personne, s’ajoute une innovation du bureau politique de mardi soir, celle de demander aux éventuels candidats à la présidence de LR de s’engager à ne pas être candidats à la prochaine présidentielle. Pas de primaire – fût-elle fermée – avant l’heure ! Pourtant, à trois ans du scrutin le plus important, il n’aurait pas été incongru que chaque tenant des différents courants idéologiques de ce parti représente ses idées devant un congrès et que les adhérents tranchent à la fois sur leur chef et sur leur ligne politique. Mais de cela on ne veut décidément pas. De cela, on est effrayé. Et si l’on s’apercevait qu’on n’a plus rien en commun ? Et si on s’apercevait à cette occasion que les élites de LR sont coupées de la base ? Pourtant cet exercice est nécessaire. S’ils n’ont plus rien en commun, que ces gens se séparent. S’ils arrivent malgré tout à organiser ce débat et que la minorité se plie à la décision de la majorité, LR aurait alors un chef et une ligne identifiables pour tous, c’est-à-dire le minimum vital.
Il semble bien que tel n’est pas le chemin choisi. Pour le plus grand bonheur de LREM et du RN.