Valls et le préfet du Doubs n’ont fait que respecter la loi

 

Manuel Valls est encore dans le collimateur de ses petits camarades de la majorité présidentielle.  Le ministre de l’Intérieur est coupable. Forcément coupable. Rappelons les faits. Une collégienne de Pontarlier, dans ma chère Franche-Comté, a été reconduite avec sa famille dans son Kosovo natal, après le rejet de ses deux demandes d’asile politique, décision confirmée par un tribunal administratif et une Cour administrative d’appel. Depuis mardi soir, les conditions de l’expulsion de Leonarda Dibrani suscitent l’émotion médiatique,  valant à Manuel Valls et au préfet du Doubs un concert de sifflets. La petite Leonarda a été interceptée par la police le 9 octobre dernier alors que son père avait été reconduit au Kosovo la veille et qu’il était prévu que toute la famille le rejoigne ce jour-là. Constatant qu’un membre de la famille manquait à l’appel, les autorités ont demandé à sa mère de l’appeler sur son téléphone portable pour la faire revenir du bus qui l’emmenait en sortie scolaire. Dans la foulée, le maire de la commune de Levier, où résidait la famille Dibrani, a convaincu le professeur présent sur les lieux de coopérer. Finalement, le bus s’est arrêté sur le parking d’un autre collège à la périphérie de Pontarlier. Selon le secrétaire général de la préfecture, cité par Le Monde, « La jeune fille est descendue volontairement du car, dans lequel aucun policier n’est monté, pour attendre les fonctionnaires chargés de la prendre en charge. L’opération s’est déroulée dans le calme. Il n’y a eu aucun incident et l’embarquement à Lyon s’est effectué sans la moindre difficulté. »

Mais les réactions outrées des politiques ne collent pas vraiment avec le récit de la préfecture. Sandrine Mazetier, la députée de Paris qui avait proposé l’hiver dernier de débaptiser les sexistes écoles maternelles, songe-t-elle à transformer les préfets en « officiers de régularisation » ? C’est bien possible puisque l’élue exige la convocation ainsi que la sanction du préfet de Besançon. Voilà donc une parlementaire qui demande qu’on punisse un fonctionnaire parce qu’il applique la loi qu’elle vote. Tout va bien. Au Parti de gauche et chez les Verts, on n’est guère plus inspiré.  Jean-Luc Mélenchon plastronne sur twitter : « La honte, c’est maintenant ! Rendons #Valls à Le Pen. Vivement la gauche en France ! #Leonarda » tandis que la sénatrice verte Esther Benbassa se fait tout aussi subtile : « Leonarda raflée dans la cour d’une école avec la complicité du maire et expulsée. Certains Francais auraient-ils la mémoire si courte ? » 

Circonstance aggravante qui vaut à Manuel Valls et au préfet ce concours de points Godwin, l’établissement devant lequel la jeune fille est descendue du car porte le nom de la résistante Lucie Aubrac. Rafle, Résistance contre le nazisme, nous y sommes. Voilà donc les flics rhabillés en SS, le Préfet en Maurice Papon et Manuel Valls en René Bousquet. Ces allusions, ce vocabulaire sont mille fois plus scandaleuses que l’hypothèse – fausse en l’occurrence –  d’une interpellation de la jeune fille devant ses camarades de classe.

Convoquer ainsi Lucie Aubrac, qui avait d’ailleurs soutenu en 2002 la candidature de Jean-Pierre Chevènement, lequel ne transigeait pas sur les expulsions d’immigrés illégaux, c’est insulter sa mémoire.

Manuel Valls a rappelé solennellement que les décisions d’éloignement validées par la Justice devaient être appliquées. Cela n’a pas empêché Matignon de demander une enquête administrative sur les circonstances de l’expulsion de Leonarda Dibrani. Nous verrons si cette investigation invalidera la version de la préfecture du Doubs.

Si l’administration lui donnait raison, Manuel Valls en sortirait politiquement renforcé. Dans ce cas-là, ses « amis » du PS, du PG et des Verts lui auraient une nouvelle fois rendu un fier service.

 

Photo : Ville de Pontarlier

8 commentaires

  1. Plus que la loi, ce sont les règlements (décrets, arrêtés, circulaires) qui ont été respectés.

    Après cinq ans de séjour irrégulier et six recours rejetés, il était temps de mettre un terme à cette situation.

  2. D’accord sur le contenu de cet article.

    Concernant les professionnels de l’indignation, DD a cité les inévitables S. Mazetier et E. Benbassa.

    Quant à Mélenchon, il s’enfonce.
    Il aurait pu être « le nouveau Chevènement ». Mais, en excluant d’entrée ceux qui, tout en étant sur une ligne proche sur l’Union Européenne, ne sont pas de gauche (comme NDA), il ne lui restait plus qu’à se mettre à la remorque de l’extrême-gauche.
    Et maintenant, en raison de ses difficultés avec le PCF, il cherche à rallier les verts « en délicatesse » avec C. Duflot (E. Joly, N. Mamère,…).
    Ce n’est pas ainsi qu’il gagnera les voix ouvrières et populaires qu’avait autrefois le PCF mais qu’il n’a pas retrouvées en 2012.

    Ajoutons Peillon, l’homme qui a mis la pagaille à l’école primaire avec ses activités obligatoires ou facultatives, gratuites ou payantes au lieu de s’attaquer à la violence scolaire et au fait que trop d’élèves ne savent pas lire en 6e.

    Ceci étant, l’ancien PCF que j’étais cite aussi Pierre Laurent.

    Sur le fond, concernant l’affaire Léonarda, il tient le même discours bien pensant que les gens cités ci-dessus.
    Il est vrai, comme le disait André Gerin, que le PCF est devenu un parti de « bobos ». En 1920, on ne les appelait pas encore « bobos », mais, Lénine (dans « la maladie infantile du communisme ») les avait « habillés pour l’hiver » : « instabilité, stérilité, vaine fantaisie, engouement enragé pour toutes les tendances bourgeoises à la mode… ».

    Sur la forme, Laurent « exige » du président Hollande que les expulsions cessent.
    Ouh, là là ! Ça barde.
    Mais, si Hollande ne répond pas à cette « exigence » que va faire le PCF ? La logique voudrait qu’il ne s’allie pas à « ce maudit PS » aux municipales.
    Chiche, Pierre Laurent !

    Aujourd’hui, quand le PCF « exige », il me rappelle un sketch de Raymond Devos (dont j’ai oublié le titre).
    Devos est recruté pour un spectacle et ils doivent discuter des émoluments.

    Devos dit :
    – J’ai discuté sec les conditions.
    – Il me dit : 500 francs (1).
    – Je lui dis : 1000 francs.
    – Quoi, 1000 francs ?
    – Euh, 1000 francs éventuellement.
    – Ce sera 500 francs, pas un centime de plus.
    – Je lui ai dit « d’accord » et on s’est arrangé à l’amiable.

    (1) Les nombres que je donne (500 et 1000) ne sont sans doute pas les bons, mais l’idée reste.

  3. Jean Marc Ayrault demande une enquête pour mieux enterrer « l’affaire », si affaire il y a.
    Technique connue mais très opérante, surtout aujourd’hui, pour calmer les médias qui, de toute façon, sont déjà passés à autre chose. L’information à la vitesse d’un tweet ou un emballement chasse l’autre sans aucune hiérarchie de valeur : le dernier délire capillaire de Lady Gaga au même niveau d’analyse journalistique que le licenciement de 3 500 personnes dans l’agro-alimentaire breton.
    A ce titre, cherchez les réactions de Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent, Olivier Besancenot et consorts, pourtant grands pourfendeurs de l’ultra capitalisme mondialisé. Bon courage … Et ils s’étonnent, encore, de leurs scores faméliques aux différentes élections. Vaste blague, non !!!

  4. Ces jours-ci, on dit dans les médias que les gens du Kosovo n’ont pas d’avenir dans leur pays.

    Si c’est vrai, quel échec du « devoir d’ingérence » !

    Rappelons que le Kosovo était une province serbe.
    En 1999, l’OTAN a bombardé la Serbie pour soutenir les indépendantistes kosovars.
    Parmi les interventionnistes :
    – L’Allemagne alors dirigée par le social-démocrate Schroeder et son ministre des affaires étrangères, le vert Joschka Fischer.
    – La France du président RPR Chirac et du premier ministre PS Jospin. Et parmi les ultra-interventionnistes, on trouvait (déjà) les verts qualifiés parfois de « verts-kaki ».

    On sait que les verts se disent antimilitaristes au point de détester le défilé militaire du 14 juillet (É. Joly et Xavier Cantat). Mais, si on n’aime pas l’Armée sur les Champs-Élysées, on aime la voir intervenir en Libye (Éva Joly pensait que l’aviation ne suffisait pas, il fallait envoyer l’armée de terre à Tripoli) ou en Syrie (cf Pompili et les autres dirigeants EELV).

    La situation au Kosovo montre donc l’échec de l’intervention de 1999.
    Mais aussi l’échec du « proconsul » désigné après cette intervention par l’ONU : Bernard Kouchner, chargé de préparer l’independance de cette province.

  5. Le ministère de l’Intérieur a mis en ligne sur son site le « Rapport sur les modalités d’éloignement de Leonarda Dibrani ». Il rétablit de nombreuses vérités et contredit bien des mensonges.

    Page 15 : « La décision d’éloigner la famille Dibrani est justifiée en droit ; aucun des recours de M. Dibrani n’a été jugé recevable par la justice administrative (CNDA, TA, CAA), ni par la justice judicaire (cour d’appel). »

    Plus loin, « M. Dibrani n’a jamais donné suite aux propositions d’embauche qui lui étaient faites, et il ne cachait pas attendre le versement des prestations familiales qui suivraient sa régularisation pour assurer un revenu à sa famille ;

    – il n’a jamais présenté de permis de conduire alors qu’il se prétendait chauffeur de poids lourd ;

    – il a donné trois versions différentes des raisons pour lesquelles il ne pouvait pas produire de pièce d’identité » (page 17).

    Leonarda séchait très souvent l’école.

    Encore plus, il est même précisé que « l’un des élus, conseiller général, qui a suivi cinq familles de déboutés du droit d’asile, dont deux kosovares, a signalé que la famille Dibrani était la seule qui ne s’était pas engagée dans un processus d’intégration, que l’ensemble des efforts fournis pour lui venir en aide avaient en définitive échoué. Il a également souligné l’absentéisme de certains enfants ».

    La description de Leonarda comme une lycéenne modèle, studieuse à l’école, relève également de la fable.

    « Selon les données recueillies par la mission, les absences de Leonarda au collège sont de 66 demi-journées en 6e, 31 demi-journées en 5e, 78 demi-journées en 4e, et 21 demi-journées depuis le début de l’année scolaire actuelle. »

    Il est aussi précisé que « la jeune fille découchait régulièrement » (page 9), souvent pour aller chez son copain à Pontarlier.

    http://www.lepoint.fr/societe/affaire-leonarda-ce-que-dit-vraiment-le-rapport-19-10-2013-1745766_23.php

  6. Quelques précisions historiques et factuelles :
    Les « Roms du Kosovo » sont des Evgits, soit des Roms albanophones et majoritairement musulmans. Durant la période yougoslave, y compris sous Milosevic, ils ont toujours été plutôt « pro-serbes » : du côté du manche, en gros.
    Comme les « Roms » de Bosnie – ceux décrits par Kusturica dans Le Temps des Gitans – ils ne sont pas nomades, ni semi-nomades mais sédentaires.
    En Albanie, ils ont leurs activités préférentielles et n’émigrent pas plus que les Albanais proprement dits.
    Au Kosovo, ils ont fui en 1999 vers la Serbie où ils sont mal vus.
    Mais quand on regarde l’histoire de la famille Dibrani, il y a des choses qui clochent. Le père -Reshat ou Redzep selon les articles – est né au Kosovo et est allé en Italie en 1991, soit avec la grande vague migratoire albanaise et non avec celle des Roms kosovars. Sa femme, Dzemaïli ainsi que ses enfants – dont Leonarda, qui a un prénom italien et non albanais musulman – y seraient nés.
    Là-bas, ils auraient vécu d’expédients. Arrivés en France clandestinement en 2008, ils ont argué d’une ascendance kosovare car ils savent bien que celle-ci est compréhensible par les Français (d’accord avec l’analyse de « l’indépendance » du Kosovo qui est un non sens à tout point de vue). Selon, une habitude bien ancrée et pour contourner une administration française tatillonne, ils ont « truqué » leur histoire.
    Renvoyé vers le Kosovë (orthographe albanaise correcte, car « Kosovo » est le nom de la région en serbe !), à Prishtinë,ils ont refusé – et pour cause ! Ils auraient subi un mauvais sort de la part les Kosovars (terminaison également albanaise). C’est pour cela qu’ils ont été conduits à Mitrovica, enclave serbe au nord du Kosovë. Dans quel quartier précisément ? Avec les Serbes, auquel cas, il est normal que Léonarda ne comprenne rien à ce qu’ils disent) ou côté albanais au sud du fleuve ? Car, elle dit ne pas comprendre l’albanais alors qu’on l’entend distinctement lors d’une interview sur France 24, répondre à sa mère dans cette langue.
    En fait, nos « politiques » se sont fait avoir comme des bleus par des gens qui apparaissent comme des escrocs à la petite semaine. Et pendant ce temps-là, on refuse le droit d’asile à des gens qui remplissent toutes les conditions et qui ne demandent qu’à travailler honnêtement (voir le reportage de France 2 sur la Villeneuve de Grenoble, où on nous montrait une vraie famille evgit, parfaitement honnête et sérieuse !
    Peut-être nos dirigeants devraient-ils étudier un peu la réalité des peuples qui demandent l’asile chez nous !
    Dans notre prochain épisode : les Hazaras d’Afghanistan et les melkites de Syrie.
    Imagine-t-on le général de Gaulle se faire piéger par une gamine élevée à la triche ? Ceci dit, que la famille revienne en France ou soit expulsée définitivement, n’a aucune espèce d’importance, puisqu’elle reviendra sous un autre nom… A la barbe de Frontex et compagnie !

Laisser un commentaire

Please enter your comment!
Please enter your name here