Dans le Var, le candidat frontiste a évité la diabolisation… ou presque

 

Laurent Lopezle candidat du Front National, a remporté l’élection cantonale de Brignoles (Var) avec 53,9% des suffrages exprimés. Certes, ce département est historiquement l’un des berceaux électoraux du parti frontiste. Certes, par le passé, ce canton avait déjà eu un élu FN. Mais le jeune candidat choisi par Marine Le Pen l’emporte dans un contexte particulier : l’enjeu a été tellement dramatisé par les états-majors des partis que les caméras ont littéralement assiégé la bourgade du Centre-Var. De surcroît, la gauche éliminée dès le premier tour, Lopez a remporté la partie face au candidat de l’UMP, alors que les deux dernières élections partielles (OiseLot-et-Garonne) ayant opposé la droite au FN avaient abouti à la défaite, certes honorables, des poulains frontistes.

Hier soir, Le Figaro.fr a été peu inspiré de sous-titrer : « Laurent Lopez a recueilli 53,9% des suffrages en dépit d’une hausse de 12 points de la participation » Pourquoi, ce « en dépit » ? Dans le grand quotidien conservateur, on écrit un peu vite sans regarder les chiffres. Le candidat du FN ne bénéficiait d’aucun désistement de la part des autres impétrants en lice au premier tour. Pourtant, il passe de 40,4 % à 53,9 %. On peut certes penser que le candidat du Parti de la France de Carl Lang, qui n’est autre qu’une ancienne figure locale du FN beaucoup plus connu dans le canton que Laurent Lopez, n’a pas été suivi par tous ses électeurs alors qu’il leur demandait de voter UMP. En ce cas, Lopez aurait gagné de cinq à dix points entre les deux tours. Ce surplus de voix provient soit du surcroît de participation, soit du report des voix UDI, EELV ou PCF, voire d’une  savante combinaison des deux.  Autrement dit,  Le Figaro et tous les autres se plantaient lorsqu’ils attribuaient l’excellent score FN du premier tour à la très faible participation. Au contraire, la base sociologique frontiste, issue des couches populaires (ouvriers, employés, chômeurs), est la frange de la population qui s’abstient le plus. Dans une élection cantonale partielle, le FN s’avère forcément plus handicapé que l’UMP ou le PS qui bénéficient d’électorats plus assidus dans les isoloirs. C’est le premier enseignement de cette élection.

La seconde leçon, que François Fillon n’a pas tardé à tirer, façon “j’vous l’avais bien dit”, c’est que le front républicain a du plomb dans l’aile. Manifestement, l’isolement du FN n’empêche plus l’élection de ses candidats. Dans l’Oise, le Lot-et-Garonne et le Var, trois départements aux réalités sociologiques différentes les unes des autres, des électeurs de gauche ont apporté leurs suffrages au candidat frontiste. Vincent Peillon, interrogé en direct sur BFM TV, répond qu’il n’y a pas d’alternative à la stratégie du front républicain, prétendant que sans lui, le résultat aurait été encore pire. Et si le ministre de l’Education Nationale se trompait ? Si, au contraire, ce fameux front incarnait justement l’antienne répétée par Marine Le Pen, le fameux UMPS, faisant le meilleur des cadeaux au parti qu’il entend combattre ?

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : l’électeur de gauche se fiche désormais des consignes de vote comme de son premier bulletin. D’ailleurs, les partis seraient bien en peine de discipliner leurs sympathisants, alors qu’ils multiplient les primaires ouvertes pour désigner leurs candidats. Comment peut-on prétendre donner des consignes de vote au second tour alors qu’on n’est pas fichu de leur imposer un candidat au premier, notamment dans l’élection reine ? Il y a là une contradiction que le PS et l’UMP doivent trancher au plus vite. Seul Fillon, dont beaucoup se gaussent en ce moment, semble l’avoir compris.

Mais Marine Le Pen a du pain sur la planche, notamment autour de la formation de ses candidats. Laurent Lopez n’a en effet rien trouvé de mieux que de fêter sa victoire en évoquant une « divine surprise ». Soit le nouveau conseiller général du canton de Brignoles manque singulièrement de culture historique. Soit il a sciemment salué sa victoire comme naguère Maurras s’était félicité de l’avènement de la « Révolution nationale ». Dans cette hypothèse, la dédiabolisation en prendrait un sale coup. Comme quoi, il y a des défaites dans certaines victoires. Et vice-versa.

5 commentaires

  1. Juste analyse de DD sur les abstentionnistes et le FN.
    Il est aberrant (et cela montre leur niveau) que la quasi unanimité des médias prétende le contraire.

    En raison d’un électorat populaire, le FN est généralement victime de l’abstention massive.

    On peut constater depuis 30 ans que l’élection la plus favorable à ce parti est la présidentielle : celle où on s’abstient le moins.

    Les plus défavorables sont les cantonales et a fortiori les cantonales partielles.

    Certes, le FN est devenu un parti important lors d’une élection européenne en 1984 (11%). Il est vrai qu’il avait aussi récupéré des voix « bourgeoises » hostiles à la tête de liste UDF-RPR de Simone Veil, voix que le FN ne retrouverait plus.
    Mais, depuis, le FN n’a jamais atteint 12% aux européennes fortement abstentionnistes.
    En 2009, il n’avait que 6,3% dans ce type de scrutin.

    C’est pourquoi les dirigeants du FN devraient garder « la tête froide » concernant les résultats des européennes de 2014.

    Attention au « syndrome Mélenchon ».
    En 2012, le candidat du Front de Gauche a fait un résultat honorable, bien que n’ayant pas vraiment percé chez les ouvriers contrairement au PCF d’autrefois, bien que « l’essai n’ait pas été transformé » aux législatives.
    Mais, Mélenchon s’était auto-intoxiqué à cause de sondages qui le voyaient dépasser Marine Le Pen.
    Et malgré son bon score, sa déception était visible.

    Cette à cette aune qu’il faudra analyser les résultats du FN aux européennes.
    – S’il a 15%, ce sera présenté comme un échec par les médias. Or, ce sera son meilleur score à ce type de scrutin.
    – S’il a 18%, on dira qu’il stagne alors qu’il aura fait autant que le meilleur score de sa meilleure élection : la présidentielle.

    Il est logique que Marine Le Pen, Philippot et autres visent haut. On n’engage pas un combat politique en ayant des objectifs modestes.
    Mais, que dans leur fors intérieur ils soient prudents : je ne crois pas aux 24% que leur donnent les sondages.

  2. La faute de gout est peut être dans la moquerie de l’inculture ; faisons un sondage à l’assemblée nationale sur quelques faits, la bataille de Gergovie, Philippe le Bel et la Goldman Sachs de l’époque, la retraite de Russie, les américains et la grande guerre, croyez-vous que nous allons obtenir des résultats mirobolants ?
    Notre pimpante carnassière verdatre ne situe-t-elle pas le Japon dans l’hémisphère sud ?
    Vous même chez David, la prochaine fois que nous nous voyons je vous interroge sur les Samnites, ou sur Bernini, d’accord ?
    Le FN est entraint de faire voir le passé porche et l’avenir différemment à nos concitoyens, faut-il s’en plaindre ?

  3. La base sociologique du Front est naturellement attirée par l’abstention, considérée comme un rejet du système,
    A partir du moment où le vote FN peut être un vote gagnant, on risque de voir l’abstention reculer de façon nette, même dans les électrions locales.

    • @ Gavroche64,
      La base sociologique du FN « ETAIT » naturellement attirée par l’abstention. Depuis, les choses évoluent à la vitesse Grand V car on est passé du vote de protestation à un vote sanction voire, aujourd’hui pour certains et de plus en plus nombreux, à un vote d’espérance. Les laissés pour compte de la société moderne urbaine – forcément urbaine ( les ouvriers et les employés, les ruraux et les péri-urbains selon la classification de Christophe Guilly ), lâchement abandonnés par le PS et le PC se retournent contre ceux qui prétendaient les protéger.
      Et je crois que le mouvement en faveur de MLP est d’autant bien engagé que les médias, qui affirment pourtant la combattre, en font l’alpha et l’oméga de la planète politique française. En la plaçant au centre de toutes les analyses et prospectives, ils lui déroulent le « tapis rouge ».
      Quand on voit le degré de satisfaction des français envers François Hollande ( 24 % pour l’ensemble des français et seulement 50 % chez les sympathisants de gauche ), on peut craindre, en effet, une explosion des scores du FN aux municipales et aux régionales surtout au regard de ce qui se passe en Bretagne et dans l’Ouest de la France en termes d’emploi ou plutôt de dé-emploi. Cette base électorale essentielle pour le PS – peu concernée par les problématiques de l’immigration ou de l’insécurité – risque de se rejoindre la cohorte hétéroclite des déçus du Hollandisme.

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