Les Inrocks avaient, il y a quelques mois, consacré leur dossier-phare et leur une à une mission d’envergure : dénoncer -afin de répondre à Valeurs actuelles– les faux-rebelles, Eric Zemmour, Robert Ménard, Alain Finkielkraut, Fabrice Lucchini et, last but not least, la taulière de ces lieux, Elisabeth Lévy. Il n’est pas trop tard pour examiner de près quelle est la ligne politique de cet hebdomadaire qui prend tellement à cœur son statut de rebelle à travers les âges au point qu’il ne peut souffrir de voir étiquetés des adversaires du même glorieux substantif.

La lecture, en ce mercredi neigeux, de deux articles sur leur site internet permet d’identifier en quoi consiste cette ligne[1. Pas de jeux de mots s’il vous plaît ! Même si Laurent Gerra avait défini à sa manière Les Inrockuptibles : un Télérama pour drogués.]. Le premier traite du transfert de Jacques Julliard du Nouvel Obs à Marianne. L’auteur, Jean-Marc Durand, regrette qu’un symbole de la « seconde gauche », anciennement rocardienne, finisse dans les filets de l’hebdomadaire à l’image « populiste de gauche », alors qu’il s’est toujours méfié de la première du nom, républicaine, « étatiste et paternaliste, portée par le chevènementisme des années 70-80». En gros, la première gauche d’aujourd’hui, frileuse et méfiante vis-à-vis de la globalisation, serait en train de bouffer la seconde, moderne et adepte de la mondialisation heureuse. Très drôle ! Comme si le MRC, qu’on ne teste plus dans les sondages, Hamon, porte-parole mais dont le courant est confiné dans un corner au PS, Montebourg, et même Mélenchon constituaient aujourd’hui des forces plus imposantes que celles, pro-européennes et anti-protectionnistes des socio-libéraux de tout poil ! Mais l’essentiel n’est pas là, ce qui nous intéresse ici, ce n’est pas de rire de la manière dont Les Inrocks évaluent le poids des uns et des autres, néo-réacs dans les talk-shows, ou première et seconde gauches. C’est davantage de remarquer à quel point le chevènementisme, fut-il sénateurisé, continue de hanter leurs nuits.

C’est là qu’il faut évoquer le second document publié par l’objet de notre étude, un entretien avec le chanteur Booba et le footballeur Anelka. Evidemment, c’est sur les propos de ce dernier que les autres médias ont rebondi. L’avant-centre légendaire de notre glorieuse équipe à la dernière coupe du monde communie avec l’idéal des Inrocks :  conchier la Marseillaise, dénoncer la stigmatisation dont il serait -lui, le Noir- victime au côté du « musulman Ribéry » alors que les Français, presque tous beaufs et racistes,  préfèreraient Gourcuff. A vrai dire, ce n’est pas la première fois que l’attaquant de Chelsea dit son fait à ses compatriotes. L’an dernier, il les avaient traités d’hypocrites qui en voulaient à son pognon si durement gagné, spoliateurs de sa progéniture avec leurs taux d’imposition de ouf. A cette occasion, on s’était même permis de lui rappeler certaines notions. On avait aussi noté, non sans plaisir, que Jean-Luc Mélenchon, dans son livre « Qu’ils s’en aillent tous ! », reprenait quasiment les mêmes termes que les nôtres pour fustiger celui qui assumait avec ostentation la volonté d’échapper à la solidarité nationale. Mais les Inrocks, cet hebdo soi-disant de gôôôche, ne questionne pas Anelka sur ce thème, ni sur le fait que le footballeur fréquentait les comités de soutien de droite au début des années 2000, ce qui ne devait pas être sans lien avec les projets fiscaux des candidats en présence.

Il faut aller encore plus loin. Et examiner qui dirige aujourd’hui Les Inrockuptibles. Il s’appelle Mathieu Pigasse, associé-gérant de la Banque Lazard et protégé d’Alain Minc. Il s’agit donc ce qu’on appelle pudiquement un « banquier d’affaires ». Les fusions-acquisitions -c’est, paraît-il, sa spécialité chez Lazard- ou prêter aux Etats comme la Grèce à des taux sept ou huit fois supérieurs à ceux dont il dispose au guichet de la BCE, cela fait partie du quotidien de Mathieu Pigasse. Il est de ceux qui, main dans la main avec les agences de notation et  le FMI de DSK[2. Dont il fut membre du cabinet chargé… de la gestion de la dette.], demandent aux Etats de serrer le kiki aux Peuples. Ces derniers se sont assez goinfré, comme disait Etienne Mougeotte au micro de RTL dimanche dernier !

Face à la gauche d’inspiration chevènementiste, patriote et républicaine, on assiste donc à l’émergence d’une droite Anelka-Pigasse, laquelle pourrait faire passer Alain Madelin pour un social-démocrate et Nicolas Sarkozy pour un quasi-communiste. Cette droite-là est repeinte aux couleurs de l’anti-racisme mais il ne faut pas s’y tromper : son mépris des vieilles Nations cache sa haine de la redistribution, de la solidarité. Ce n’est pas nouveau mais peut-être faudrait-il commencer par l’appeler par son nom. La quatrième droite est née. C’est la droite Inrock. Bienvenue.

16 commentaires

  1. @ David Desgouilles

    C’est quand l’identitaire religieux ou communautaire rejoint l’identitaire mercantile et capitaliste. Ils ont un même « ennemi » la France Républicaine, la France de la souveraineté populaire et nationale , de son unité et de son indépendance et la France de l’intérêt général.

    Une certaine gauche libertarienne, communautaire, showbizzistique, people et mercantile rejoint une certaine droite libertaienne, communautaier, showbizzistique, people et mercantile.

    Il y a une même détestation de la France républicaine et de son Etat politque et régalien.

    Chez ces gens là…les intérêts particuliers, les intérêts communautaires sont tous et l’intérêt général doit disparaitre. Je le ressens comme cela.

    Les Inrokuptibles, ce magazine branchouilarde, de la pensée destructurée post soixante huitarde vent du papier et un peu sa mauvaise soupe(soap). Même s’il traite de Mélenchon dans l’un des précédentes livraisons. Qu’à été faire Méluche dans ce journal de gôôôche de la pensée unique libertairienne qui consomme le vide sidéral artistique, culturel et laissant quelques parties du cerveau disponibles pour les programmes torchons de TFI ou de M6 ou pour la lecture de Télérama ou de Libération ?

    Bien à toi.

    D-P.

  2. « Il faut aller encore plus loin. Et examiner qui dirige aujourd’hui Les Inrockuptibles. »
    Oui oui, des noms David, l’envers du décor svp, les ressorts.
    Bravo pour ce billet, merci, quelle pêche !
    « leurs taux d’imposition de ouf » et en plus c’est drole.

  3. Quand les Inrocks font la promo de deux millionaires affichant ostensiblement leur goût pour le luxe… Vive la gauche !

  4. La concomitance avec la montée au front du tandem Vals-BHL, assimilant ouvertement Mélenchon à un monstre fascisant, antisémite (voir les références aux années trente dont nous sommes tous censés garder la mémoire) et pis que tout populiste, est-elle un hasard?

  5. Ne s’agit-il pas d’une préparation à la recomposition des partis politiques? PS, UMP et centristes unis dès qu’il auront un adversaire sérieux.

  6. Amusant comme vous ne voyez tous les points commun que vous avez avec ce magazine.

    Le même marxisme approximatif et sa lutte des classes.
    La même conviction que la société est composé de groupes antagonistes que seul l’Etat doit « diriger ».
    Le même sentiment que la Justice n’existe pas, il n’existe que des rapports de force entre groupes antagonistes. Et qu’à ce titre l’Etat peut violer la liberté, la propriété des individus de certains groupes au dépend des autres au nom de la justice sociale, ou raciale, ou identitaire.
    Puisque la Justice ou Droit naturel n’existent pas, tout est possible.

    Vous appartenez à la même famille post moderne avec les Inrocks. Vous divergez juste sur les groupes antagonistes.. Par affinité culturelle.. Mais pas de quoi les exclure de votre famille intellectuelle.. pour les envoyer à droite (?) ou chez les libéraux.

  7. tout le monde sait qui tire les ficelles dans le monde entiers,,
    c »est un lobby mondialiste et oui ,,et personne n »ose l »évoquer,il est partout et dans tout
    gauche droite extrême gauche extrême droite,,,
    pars devant,on se tire dessus,pars derrière ,on négocie,tout et surtout
    ces mots,
    liberté égalité fraternité est une belle conneries pour les gogos,,,il faudrait supprimer cela ;;un mensonge républicains
    il faudrait 1789,pour repartir,,et encore,,,
    le pays est sur le déclin depuis longtemps,tout fout le camps et les politiciens qui nous ont ruiner,continuer leurs cirques,,
    quand la France va se réveiller,cela va sûrement faire très mal,,,car la chienlit est partout,
    la valse de certains me font marrer,pour une promotion,un poste,il s »assoie sur leurs idéals,
    la liberté de la presse,quel est sa liberté quand tu vie de l »argent des autres,peut t »on écrire sans retenue,sans se faire taper sur les doigts,,j »en doute
    que veut dire étre de gauche-de droite a notre époque ou le pognons peut tout acheter,méme les consciences
    certes,je ne suis pas un intello,,,mais se que je constate,me dégoûte ,,je reste correct,,

  8. Cher David,

    Qu’attendre de plus de ce torchon qui depuis plus de 20 ans tâche de formater notre vision du rock’n’roll en particulier et de la Kulture plus généralement.

    Ayant définitivement rompu les amarres avec le peu de « vrais gens » qui le lisent, il est devenu un concentré de ce que les années 80 et Mitterrand ont produit : un refuge pour quarantenaires (re)embourgeoisés qui se paluchent en regardant s’ébattre des rebelles logotypés Dior et font leur midlife crisis en enfilant un Perfecto et des Wayfarer (quand ils étaient vraiment jeunes, mathématiquement parlant en tout cas, ils ne pouvaient pas en mettre car c’était interdit à l’école privée).

    Évidemment la fascination de ces gens-là pour le pognon, la banlieue et les « méchants médiatiques » n’est que le simple reflet inversé de leur réelle détestation des pauvres : plus que droite (ils ont élu Delanoë, n’oubliez pas) ils sont les sur-produits de la marchandisation aveugle dans laquelle nous vivons (les sous-produits c’est René La Taupe : remarquez ça tombe bien, ce sont eux qui l’ont créé pour les abrutis de fils de prolos qu’ils exècrent : http://ownimusic.com/2010/08/30/pourquoi-vous-subissez-rene-la-taupe/).

  9. @ Darthé-Payan

    Il y a un concept libertarien qui séduit beaucoup à « gauche », et jusque chez Mélenchon : le « revenu d’existence » (revenu inconditionnel et universel, ou super-RMI, pour faire bref). Cela me frappe – et me navre – de plus en plus. Et il y a un concept qui a beaucoup de mal à s’imposer (ou plutôt à se ré-imposer) à « gauche », y compris dans les dernières propositions du P »G » : le droit au travail. Ce qui me navre encore bien plus. En fait, à « gauche » et même à « gauche de la gauche », on a du mal à comprendre que les deux concepts en question sont difficilement compatibles car ils sont liés à deux visions très différentes du travail et de sa valeur (dans tous les sens du terme), donc de l’économie, de la monnaie, et plus généralement de la société.

  10. @ Joe Liqueur

    Revenu d’existence (sic) Revenu inconditionnel et universel (re sic) tout est dit dans ces deux concepts libertariens. Oui le libertarisme fait des ravages chez Mélenchon et au PG qui sont dans le soupoudage et le compassionnel !

    Le droit au travail, oui, n’est plus la priorité d’aucun parti politique ni de syndicat d’ailleurs. Rappelle-toi que le RSA est plus ou moins issu de la CFDT, avec les inclinaisons de Hirsch.

    Le droit au travai avec tout que cela comporte : rémunération de la force de travail, reconnaissance de la qualification, de l’expérience, des carrières, de la revalorisation du métier exercé et de la formation continue et permanente et bien n’est présente dans aucun parti pas même le PG dont le président JLM a été Ministre de l’Enseignement professionnel et que le programme (les fiches du programme partagé, les propositions, les amendements) sont clairements en rupture avec l’idée de la revalorisation du travail et des métiers cher au Camarade président.

    J’ai participé au congrès du PG au Mans, si le discours de JLM était plutôt bon, il était certes un peu plus ampoulé que d’habitude par contre il était fort vague et timoré sur le plan des propositions par contre le verbe incantatoire et lyrique le parsemé brillament et bruillament ! Je suis resorti du congrès déçu et auss inquiet pour l’avenir.

    Le programme économique du PG, je le cherche et même avec un microscope je ne le trouver point. On est tombé dans la facilité « gauchiste  » verbeuse et on s’interdit tout programme économique, industriel, agricole volontariste de reconquête du marché intérieur, de dynamisme à l’exportation, de protections et aussi de création d’emploi.

    J’ai bien peur que la Révolution citoyenne reste en fait du verbe dur contrebalancé par un programme mou. Regarde ce que dit « Méluche » sur la question européenne !

    Le PG pratique le molletisme gauchard !

    Salut et Fraternité.

  11. @ Darthé-Payan

    Sur la question de l’UE, Mélenchon évolue plus lentement que sûrement, mais il évolue. Les dernières propositions du P“G” l’attestent. Je regarde ça de très près, vu que je suis adhérent UPR après avoir été sympathisant P »G » et surtout après avoir lu quelques textes du M’PEP… lesquels m’ont convaincu qu’on ne pouvait rien faire sans sortir tout d’abord, et unilatéralement, de l’UE – et non pas seulement de l’euro. Comme disait Jacques Sapir, qui de mon point de vue ne tire pas toutes les conclusions de cet excellent aphorisme, “on peut avoir la souveraineté sans la démocratie, mais l’inverse n’est pas possible”. Donc il s’agit de restaurer la démocratie en France, à défaut de pouvoir l’instaurer dès aujourd’hui sur la Terre entière. Il s’agit d’arrêter de reculer, de recommencer à avancer.

    Sur le droit au travail, pour moi il est clair que l’instauration effective d’un tel droit devrait aller de pair avec la suppression de tout “revenu d’existence” inconditionnel et universel – sauf bien sûr pour les retraités, et bien sûr pour les personnes affectées d’un handicap empêchant toute activité professionnelle.

    En gros, voici comment je vois les choses (on s’éloigne un peu du sujet sans doute, mes excuses à David Desgouilles, mais quand il s’agit de droit au travail je suis intarissable) :

    Tout demandeur d’emploi, français ou étranger, pourrait obtenir de droit, et immédiatement, un emploi public auprès de n’importe quelle mairie. Les citoyens français obtiendraient un poste de fonctionnaire à temps plein, les étrangers un contrat en CDI à temps plein. En revanche, les demandeurs d’emploi ne percevraient aucun revenu de l’Etat – je dis bien aucun. Un salaire minimum d’Etat serait fixé, dont le montant se situerait aux alentours du SMIC actuel, en revanche le SMIC proprement dit serait supprimé (on n’en aurait plus besoin !).

    En gros, l’idée est la suivante : pour percevoir un revenu, il faut travailler, il faut produire quelque chose. MAIS le travail doit être un droit effectif, et non pas seulement “opposable” (dans le même genre on voit bien ce que donne le trop fameux DALO : c’est de l’enfumage en règle, pour reprendre une des expressions favorites de Mélenchon…).

  12. Dans « Inrockuptibles », il y a « rock » ! Et ça, c’est insupportable ! Ce genre musical apparu dans les années 1950 et mort dans les années 1950 est nul à chier depuis le début des années 1960. Cela a été le cheval de Troie de l’américanolâtrie qui embue le cerveau de nos castes dirigeantes et, à partir de là celui de tout le populo, puisque le poisson pourrit toujours par la tête, depuis 50 ans ! Il y en a marre ! Coupez le son (comme dirait la Comtesse) ! Et écoutez de la vraie musique envoyant chier les Z’inroques : Marie Dubas, Sotiria Bellou, Markos Vamavkaris et autres Farid el-Atrache ou Sheikha Remitti !
    Musique binaire = pensée binaire !

  13. Mathieu Pigasse se dit de Gôche…c’est plus hype que de se dire de droite !!!
    Vous avez oublié de préciser qu’il fait parti, avec Pierre Bergé et Xavier Niel, du triumvirat qui s’est emparé du journal Le Monde.
    La Presse souvent accusée d’être pro-sarko, n’a jamais commenté cet évènement. Que n’aurait-on dit si le nouvel actionnaire du journal soit disant de référence eût été un méchant de droite….

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