La stratégie de la peur est contre-productive

 

Le Brexit fait peur. Ou on nous fait peur avec le Brexit. Il y a quelques jours, le journal de France 2 nous concoctait un petit reportage comme il en a le secret. On nous annonçait l’Apocalypse au cas où les sujets de Sa Gracieuse Majesté décidaient de quitter l’Union européenne en juin prochain. L’OCDE, le FMI et tous les cabinets de consultants économiques qui ne se trompent jamais – d’ailleurs, tous ces gens avaient prévu la crise financière de 2008- l’indiquaient avec force : le Brexit serait une catastrophe pour les Britanniques. Chute de la croissance, chômage, sécession de l’Ecosse, marginalisation de la City… La rédaction de France 2 est restée modérée ; elle n’a pas mentionné les invasions de criquets, les rivières de sang, les séismes et l’envahissement par les eaux de toute la surface de la Grande-Bretagne. Nous sommes habitués. En 1992 puis en 2005, alors que nous devions nous prononcer sur le Traité de Maastricht et le TCE, nous mangions de ce genre de reportage matin, midi et soir. Cela ne nous a pas empêchés de maintenir le suspense jusqu’au bout en 1992 et de dire Non massivement en 2005. Ce qui est curieux, c’est que France 2 et les autres tentent de nous convaincre, nous pauvres Français, alors que ce sont les Britanniques qui devront se prononcer. L’habitude, sans doute…

Le week-end dernier, Barack Obama himself est venu faire la leçon à Londres. Voilà que le président américain manifeste son mécontentement devant la tentation du Brexit. Que ses cousins britanniques se le disent ! S’ils quittent l’UE, ils seront désavantagés dans les négociations commerciales du Traité transatlantique. Pourquoi ces menaces ? Les Etats-Unis craignent-ils de perdre leur fameux cheval de Troie au sein de l’Union européenne ? Ou redoutent-ils  la dislocation d’un ensemble qu’ils ont toujours couvé tant il leur paraissait docile ? Les menaces ne viennent d’ailleurs pas que de Barack Obama. L’immense Emmanuel Macron les a aussi menacés. Si les Britanniques votaient le Brexit, nous Français laisserions passer tous les migrants en Angleterre, a-t-il juré. Pourtant, le Royaume-Uni n’est  pas dans l’Europe de Schengen et c’est le traité bilatéral franco-britannique du Touquet qui établit les règles en la matière. Bien entendu, la France pourrait le dénoncer en mesure de rétorsion mais il s’agirait dans ce cas de représailles que notre gouvernement devrait assumer en tant que telles. Pourquoi faire mine de croire que le Brexit annulerait automatiquement les dispositions d’un traité en rien concerné par une sortie d’un des deux pays de l’UE ?

On se demande si ces rodomontades peuvent avoir une influence réelle sur les électeurs. Si elles n’auraient pas au contraire un effet contre-productif. Car enfin, Les Britanniques n’ont qu’à regarder autour d’eux : la Norvège a beau ne pas appartenir à l’UE, cela en fait-il un pays à mi-chemin entre le Venezuela de Maduro et l’Albanie d’Enver Hoxha ? La Suisse est-elle à ce point isolée que son système bancaire est le moins attractif du monde et la place financière de Zurich, complètement marginale ? La récente renonciation de l’Islande à l’adhésion à l’UE lui a-t-elle causé des dommages  économiques ? Les partisans du Brexit ont beau jeu de leur rappeler ces faits incontournables. On explique souvent que les adversaires de l’UE jouent sur les fantasmes. En l’occurrence, à chaque référendum, d’Athènes à Amsterdam et de Paris à Londres, ce sont ses partisans zélés qui usent à l’envi de l’argument de la peur.

Soyons généreux ! Donnons un conseil amical aux défenseurs la sainte construction européenne. Si jamais le Brexit advenait et qu’aucune des prévisions alarmistes ne se réalisait, à l’avenir, changez de tactique en cas de référendum français sur le sujet !

4 commentaires

  1. Cette élite qui nous rabache sans arrêt les mêmes âneries doit vraiment avoir une pauvre opinion de la qualité neuronale du « Bon Peuple » . Tant que cela marche, disait l’autre…

  2. Bonjour David,

    il est souvent raffraîchissant d’aller lire les propos qu’a priori l’on ne partage pas, cela nourrit la réflexion, et permet parfois d’être moins bête. Si tu dénonces avec raison les grosses ficelles des « euro-béats » concernant le BREXIT, je me permet de relativiser ta critique en faisant simplement l’observation du discours souverainiste actuel. S’il existe des euro béats il existe de manière tout aussi sûre des « souveraino-rêveurs » qui injustement baptisé euro-sceptique alors qu’ils sont anti-européens saturent depuis quelques années l’espace médiatique. Si les euro béats ont « sur vendu » le projet européen pendant des années, les « souveraino-rêveurs » font aujourd’hui de même concernant l’Europe des Nations (avec une confusion savamment entretenu entre peuple et nation mais c’est une autre histoire, sans jeu de mot). C’est en quelque sorte une inversion des rôles si l’on regarde les discours au fil des ans : l’apocalypse, la promesse du chaos a changé de camps.

    • Le mouvement que tu décris existe, je le reconnais volontiers. Mais il n’est pas arrivé au point que tu le dis. La saturation, on n’y est pas encore. Pour preuve, le JT de la première chaîne de service public présente encore ce genre de reportage caricatural. L’été dernier, il en était de même pour le référendum grec. Certes, le référendum de 2005 a permis aux grands médias a permis à certains adversaires de la construction européenne (telle qu’est s’est construite) d’avoir accès aux grands médias mais on est encore loin du compte. Très loin.

  3. Vos comparaisons sont assez maigres en réalité.

    On ne peut pas comparer un pays qui refuse l’adhésion en étant à l’extérieur de l’union et un pays majeur de l’union qui décide après 40 ans d’intégration toujours plus poussée de refermer la parenthèse et de reprendre une carrière en solo.

    Nous sommes devant une vaste période inconnue, qui va nourrir les fantasmes de fin du monde d’une partie des analystes.

    En réalité, il va se passer deux choses :

    1. le monde économique va redistribuer les cartes, et il n’y a pas de raison pour que les entreprises du vieux continent ne mettent pas des bâtons dans les roues anglaises si ça leur permet d’éliminer de la concurrence. – l’inverse est vrai mais le petit aura toujours du mal à faire valoir son point de vue contre l’union européenne entière si elle ne se délite pas.

    2. les dirigeants politiques vont redéfinir les accords entre l’union européenne et le royaume uni. Certains pourraient avoir envie de faire payer leur impudence aux anglais. D’autres pourraient préférer tendre la main dans l’espoir de relations mutuellement fructueuses.

    Nous verrons bien… Mais l’expérience Islandaise, suisse ou norvégienne n’a rien à voir et on ne peut établir aucun parallèle entre les situations de ces pays.

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