Quinze matches très politiques

 

Ceux qui regardent l’émission de Zemmour et Naulleau sur Paris Première (Chaque vendredi soir, puis rediffusée vers minuit le dimanche qui suit sur M6) l’ont peut-être découvert début février. Ceux qui lisent le magazine SoFoot le connaissent en revanche depuis plus longtemps. Chérif Ghemmour a aussi parfois collaboré avec Europe 1, RMC et Eurosport. Chez les deux Eric, il était venu présenter son livre, Terrain miné, sous-titré « Quand la politique s’immisce dans le football ». Arborant le maillot orange de Maître Johan Cruyff -pour faire plaisir à Zemmour, dont c’est l’idole ?- il a eu un dialogue complice avec les maîtres des lieux pour lesquels, on le sait, politique et football constituent des passions communes. Alors, quand elles se mêlent ainsi, c’est du bonus.

C’est dans le même état d’esprit que je me suis jeté sur l’ouvrage. Quinze matches. Quinze matches et leur contexte, racontés par Ghemmour, et qui ont compté dans l’histoire du football mais aussi dans la marche du monde. L’auteur nous emmène à Séville pour le mythique France-Allemagne, pardon RFA-France, de juillet 1982, à Madrid pour un Real-Barça où le club barcelonais emmené par Cruyff, ranima le sentiment national catalan, mais aussi à Mexico où se joua Honduras-Salvador qui déclencha la fameuse « guerre du football ». C’est dans cette même ville qu’eut lieu aussi Argentine-Angleterre, quart de finale de la coupe du monde 1986, là où Maradona, survolté par son talent et son patriotisme, marqua deux buts en trois minutes, le premier de la main – « j’avais l’impression d’avoir volé son porte-feuilles à un Anglais »– et le second, au bout d’un slalom fou au milieu de joueurs britanniques impuissants, et sans doute assommés par la main de Dieu intervenue juste avant. Quelques années après la guerre des Malouines, Maradona se vengeait symboliquement de la Dame de Fer.

L’un de ces quinze récits a pour théâtre le Stade de France à Saint-Denis le 6 octobre 2001. France-Algérie a été arrêté à la 76e minute à cause de l’envahissement du terrain. Chérif Ghemmour était dans les tribunes avec une partie de sa famille. Comme ceux qui sifflent Zidane ce soir là, il a aussi des ascendances algériennes et il assiste impuissant à la catastrophe. « De l’art d’accommoder les Bleus à toutes les sauces », écrit-il, en regrettant les excès d’enthousiasme black-blanc-beur intervenus trois ans plus tôt, écran de fumée devant le malaise identitaire d’une partie de la jeunesse française, citant le sociologue Stéphane Beaud, qui désigne la victime de ce match : Lionel Jospin, doublé six mois plus tard par Jean-Marie Le Pen lors de l’élection présidentielle.[1. Qu’on me permette une anecdote. Contrairement à Chérif Ghemmour, je n’étais pas au Stade de France ce soir là mais regardais le match dans une chambre d’hôtel dans la Drôme avec quelques amis, à l’occasion d’un colloque. Bien avant Beaud, l’un d’entre nous a  prophétisé la présence du président du Front National au second tour de l’élection présidentielle, lequel, trois ans après la scission mégrétiste, ne se portait pourtant pas comme un charme dans les sondages d’opinion. Que Philippe Cohen- puisque c’est de lui qu’il s’agit- soit ici salué pour sa lucidité.].

Evidemment, Chérif Ghemmour a un parti pris sur chaque match et on ne saurait -surtout ici- l’en blâmer. Mais qu’on les partage ou non, on est emporté par ses récits, qui fourmillent de témoignages exclusifs dont celui de l’une des mes idoles du Stade Bonal, Faruk Hadzibegic[2. C’est au moment où Faruk dirigeait la défense du FC Sochaux, dans mes années étudiantes, que j’ai commencé à fréquenter assez régulièrement le Stade Bonal. Sa propension à remonter le terrain balle au pied me laissent un souvenir clair. Grâce à ses multiples feintes, qu’on ne distinguait pas à l’oeil nu depuis les tribunes, les adversaires s’écartaient sur le passage du Beckenbauer yougo, ainsi que je l’avais surnommé, lui ouvrant une avenue dans l’axe du terrain.], intéressent ceux qui se piquent de politique, ceux qui adorent le foot. Ceux qui, comme moi, Naulleau et Zemmour, sont passionnés par les deux à la fois ne peuvent que le remercier de son ouvrage. Et le conseiller à d’autres.

Terrain miné – Editions Hugo Sport – Février 2013 – 17,50 €

4 commentaires

  1. Bonjour Mr Desgouilles,

    et oui on peut aimer le football, la politique, la litterature et autres arts en meme temps.
    Voyons Nicko Hornby, Franco Zeffirelli, Pier Paolo Pasolini, Albert Camus et vous David.
    Je lirai ce livre des que je serai en France en Avril j’irai l’acheter.

    Bien a vous David.

    ps : Pourquoi le FCSM a t’il perdu contre l’ASNL et a vaincu le PSG de mon coeur (meme qatarise) ?

  2. Parle-t-il de la finale de la Coupe de Yougoslavie, Hajduk Split/Etoile Rouge de Belgrade qui a marqué l’avant-propos de la guerre civile en 91 ?

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