Pour lui, c’est la compétition de tous les dangers
Il rêvait d’en faire sa piste de décollage vers une candidature à sa propre succession. Le championnat d’Europe des nations, comme on l’appelait du temps où les compétitions sportives ne portaient pas le nom d’une monnaie, a lieu en France et François Hollande comptait beaucoup dessus.
Il est vrai que les deux fois où notre pays a organisé une compétition de football, l’équipe nationale a pu brandir la coupe à la fin. Ce fut le cas en 1984, alors que Michel Platini était le meilleur joueur du monde, survolant le championnat d’Europe de toute sa classe. Ce fut encore le cas en 1998, avec l’équipe menée par Aimé Jacquet.
Cette année 1984 fut formidable pour le sport français : victoire française au foot, donc, mais aussi le dernier doublé français au Tour de France (Fignon 1er, Hinault 2e) et des JO plutôt réussis, notamment avec le football dont la sélection française ramena la médaille d’or.
On ne se souvient pas que François Mitterrand ait particulièrement surfé sur ces excellents résultats. Au contraire, l’été 1984 reste comme celui où il dut concéder son recul le plus marquant, lors de la guerre scolaire. Mitterrand fut contraint de sacrifier Alain Savary et Pierre Mauroy et n’a pas eu l’occasion de se glorifier de ces palmarès français dans les compétitions sportives.
En 1998, nous étions en période de cohabitation. Jacques Chirac et Lionel Jospin entrèrent également en rivalité dans le soutien à l’équipe de France. On se souvient de l’expression de Platini, cette fois-ci maître-organisateur de la compétition : « Jospin aime le sport, Chirac aime les sportifs ». Les deux têtes de l’exécutif profitèrent dans les sondages de la victoire française même si, effectivement, c’est Chirac, affaibli un an auparavant par sa dissolution-gag, qui en avait le plus besoin.
Du rêve de 1998 au cauchemar de 2016 ?
C’est donc le modèle 98 dont François Hollande voudrait s’inspirer. Qu’elle serait belle cette victoire qui permettrait de réunir autour de lui et dans la joie, un peuple enfin soudé ! Seulement voilà, cette espérance pourrait bien se transformer en cauchemar.
En cauchemar d’abord, parce que, tout à fait prosaïquement, notre équipe n’est pas favorite et qu’elle l’est beaucoup moins depuis deux jours alors que sa ligne défensive qui était déjà son point faible a perdu son élément le plus solide et le plus talentueux, Raphaël Varane, après avoir perdu son élément le plus combatif, Mamadou Sakho.
En cauchemar ensuite, parce que la France est aujourd’hui paralysée par les grèves. La CGT sait fort bien que le championnat d’Europe débute le 10 juin et que la pression est énorme sur le gouvernement. François Hollande peut-il se permettre de montrer à l’Europe entière le spectacle d’un pays bloqué alors qu’il organise une des plus grandes compétitions sportives mondiales ? Peut-il se le permettre alors que Paris est aussi candidate à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 et que le CIO sera très attentif au bon déroulement de l’Euro de football ? Peut-il dans le même temps se permettre de reculer, au risque de voir son Premier ministre démissionner et subir aussi une crise politique, un peu comme Mitterrand en 1984, mais en pire ?
En cauchemar enfin –et c’est bien le plus important de tous, parce que les djihadistes rôdent autour de la compétition. La finale de la Coupe de France a montré que la sécurité des stades était encore loin d’être au point, puisque des spectateurs ont pu faire entrer bombes agricoles ou fumigènes dans le stade de France sans aucune difficulté. A partir du 10 juin et pour un mois, ce n’est pas un stade par jour qu’il faudra contrôler mais souvent deux ou trois. Avec une police épuisée par l’état d’urgence, et le maintien de l’ordre éprouvant de manifestations nombreuses et parfois violentes, qui pourraient de surcroît se poursuivre pendant la compétition. Il faut ajouter à cela la sécurisation des « fan-zones », ces lieux de rassemblement dans les villes devant écrans géants, dont plusieurs personnalités de l’opposition (Nicolas Sarkozy, Florian Philippot) plaident l’interdiction. L’attitude de ces dernières laisse penser qu’une union sacrée ne serait pas automatique en cas de nouveau malheur.
A deux semaines du match d’ouverture, cette compétition sur laquelle François Hollande comptait tant est devenue un piège terrible : un simple loupé, un fiasco politique ou pire encore.
Si effectivement, il se produit un grave attentat, par suite de l’èpuisement et de la dispersion des forces de l’ordre, j’espère que la CGT en tirera les conséquences et s’auto-sabordera. Espérons qu’elle mesure tous les effets possibles de leurs actions en ce moment précis.