Il était une fois un homme politique. Tout le monde savait que son ascension politique n’avait été que trahison et brutalité. Ses rapports avec la presse oscillaient entre séduction et violence verbale. Il était connu pour ça. C’était secret de polichinelle et, d’ailleurs, les Français avaient trouvé que ce genre de personnage énergique, qui ne mâchait pas ses mots, pouvait servir comme ministre de l’intérieur. Mais beaucoup ne le voyaient pas président. Ce style brutal convenait moins pour accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat. Ses idéaux politiques, même, n’étaient pas du goût des Français. Quelqu’un de communautariste, libéral et atlantiste ne peut pas être élu en France lui dit Henri Guaino. Le politicien, qui savait s’entourer de sondeurs et cartomanciennes en tout genre, lui donna raison.
Le 14 janvier 2007, Porte de Versailles à Paris, il lança donc à la foule en délire le fameux: »J’ai changé ». Il le martela ce « j’ai changé » ! Voulait-il aussi s’en convaincre lui-même ? Rien n’est moins sûr. Il avait changé, donc. En un tour de passe-passe que n’auraient renié ni Gérard Majax ni José Garcimore, il fit disparaître le lapin communautariste, la souris libérale et la colombe atlantiste (sic). Malheureusement, il n’y eut pas de Denise Fabre pour rire aux éclats de ce tour de magie un peu grossier. La célèbre et emblématique présentatrice des programmes de télévision aurait également ri aux larmes de cette transformation comportementale. Quelle belle farce ! Il était devenu un homme calme et posé mais toujours énergique. J’ai changé. Pas de rires enregistrés au congrès d’investiture de l’UMP. Pourtant trois jours avant, à un député -encore à l’UMP, mais plus pour longtemps- qui lui disait ses désaccords et sa décision de ne pas faire allégeance, il promettait un retour à sa fonction publique d’origine, sorte de mines de sel dans son esprit. Non, il n’a jamais changé. Même si au détour d’un débat, la médiocrité de sa contradictrice (médiocrité provisoire, la dame apprend vite et sa brutalité politique n’est pas absente non plus même si elle est adoucie par son appartenance au beau sexe), le fit apparaître comme un homme désormais imperméable aux attaques, habité qu’il disait être par la nouvelle fonction qui lui tendait désormais les bras.
Elu, vint l’état de grâce. Les courtisans -dont beaucoup lui tapent aujourd’hui à grands coups de gourdins, sans doute pour faire oublier qu’ils en furent- firent oeuvre de courtisanerie comme dans toute nouvelle Cour. L’état de grâce, par définition, ne dure jamais longtemps. L’hiver était là. Le style présidentiel commençait à irriter les sondés. Monsieur divorçait, se remariait, se montrait partout avec nouvelle épouse, si bien assortie à sa montre coûteuse. Un rapport -du nom d’un ancien conseiller spécial ultra-libéral de président pas complètement socialiste- vient mettre le souk dans sa majorité. Le libéral revenait. Il fit aussi quelques discours sur la religion qui, lorsque on est président de la République française et pas candidat à la présidence des Etats-Unis, peuvent être légitimement qualifiés de belles idioties. Il proposa même aux juifs de France que chaque petit Français parraine un petit juif déporté et assassiné, faisant du communautarisme en le savant mais aussi du Raymond Barre sans le savoir (1). Le communautariste était revenu, avec son cortège de menaces pour la Laïcité et l’équilibre de la République. L’atlantiste, lui, était revenu progressivement, depuis mai, du soutien accru à George Bush en Afghanistan à l’alignement sur le Kosovo en passant par les réflexions sur la réintégration dans l’OTAN et l’installation d’une base à Abu Dhabi. Un journal réunit quelques signatures pour appeler à la vigilance, et d’abord de la sienne. L’appel fut reçu par sa garde rapprochée avec la violence traditionnelle de chevau-légers zélés. Le dernier épisode traduit la dernière étape de ce « Bas les masques » que ne renierait pas Mireille Dumas. Casse toi, pauvre con, c’est toute l’histoire politique de Nicolas Sarkozy. Depuis qu’il entré en politique, il n’a eu de cesse de chasser les autres pour prendre leurs places, de les humilier pour mieux les abattre. Même arrivé aux plus hautes fonctions, alors qu’il n’a plus personne à éliminer, il ne comprend pas qu’on puisse ne pas l’aimer. Alors, il perd son sang froid il se révèle tel qu’il a toujours été.
Aujourd’hui, son entourage le dit lynché. Rien n’est plus faux. Les courtisans ont désormais honte et ne relaient plus son message (2), pour ne pas être entraînés avec lui dans le tourbillon de la vérité, cette vérité qui éclate aujourd’hui alors qu’elle aurait dû éclater il y a un an. Il n’est pas lynché, il est simplement lâché par ceux qui font enfin leur travail alors qu’ils étaient en chômage technique pendant la seule période où il ne faudrait justement pas l’être, une campagne électorale.
(1)Le 3 octobre 1980, suite à l’attentat antisémite de la rue Copernic, Raymond Barre, alors Premier Ministre, choque l’opinion en déclarant maladroitement sur TF1: «Cet attentat odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ».(source : Wilkipédia)
(2) Pas tous ! N’est ce pas, Messieurs Apahie et Elkabbach….