… ou la grande peur des eurobéats

 

Il y a ceux qui sont stupéfaits et qui ont la gueule de bois ; il y a aussi ceux qui entonnent l’air du « j’vous l’avais bien dit ». L’alliance de Tsipras avec les Grecs Indépendants a presque gâché la fête médiatique qui battait pourtant son plein depuis dimanche soir.

Parmi les premiers, on compte Sylvain Bourmeau. L’ex directeur-adjoint de la rédaction de Libé, aujourd’hui producteur à France Culture, regrette que Syriza n’ait pas plutôt choisi les pro-européens centristes de To Potami. D’ailleurs, la très techno porte-parole du PS, Juliette Méadel, dit la même chose. Ces gens-là veulent bien lutter contre l’austérité mais seulement avec l’appoint de partis qui sont favorables… à l’austérité. Comprenne qui pourra.

Parmi les seconds, il y a Jean Quatremer ou Jean-Michel Aphatie. Ils n’ont pas dansé de joie dimanche soir. Parce que l’Europe, c’est sacré et que Syriza c’est l’extrême gauche naturellement vouée à s’allier avec l’extrême droite – la coalition rouge-brune inscrite dans les gènes deux deux partenaires !  C’est d’ailleurs le refrain entonné par certains élus UMP comme la députée de Marseille Valérie Boyer. À cette dernière, nous avons fait remarquer que la Nouvelle Démocratie de Samaras, partenaire européen de son propre parti, s’était alliée avec le LAOS, proche du FN version Jean-Marie. Alors que Panos Kammenos, nouveau ministre de la Défense du gouvernement Tsipras, est un intervenant régulier des congrès de Dupont-Aignan. Quand Samaras et le PASOK formaient une coalition avec les amis de Jean-Marie Le Pen, Quatremer et Aphatie se faisaient plus discrets. Mais c’était pour la bonne cause européenne, n’est-ce pas ?

Pour trouver enfin du bon sens, il faut lire l’excellent Romaric Godin, deLa Tribune. D’après ce dernier, les négociations avec l’Union européenne auraient été terminées avant d’avoir débuté si Tsipras avait fait le choix de To Potami : « […] son leader, Stavros Theodorakis, avait mis comme condition sine qua non de son alliance tout refus a priori de rupture avec l’Europe. Pour Alexis Tsipras, c’eût été accepter de courir le marathon avec un poids accroché au pied ou jouer au poker avec son jeu découvert. Négocier avec la troïka en refusant d’emblée la rupture signifiait accepter les conditions de cette dernière […]. Restait donc seulement l’ANEL. Cette formation a en effet bien des défauts et bien des différences avec Syriza. Mais, comme Alexis Tsipras, Panos Kammenos, veut en finir avec la troïka et le poids de la dette. Sur ce point, l’accord est parfait. Mieux même, une telle alliance envoie un message ferme à l’Europe : il n’y aura pas de compromis sur l’essentiel de ce qui a été promis aux Grecs. » En quelques lignes, tout est dit. Tsipras fait de la politique. Il est vrai que ce comportement, mis à part chez les extra-terrestres Merkel et Poutine, est bien rare en Europe depuis quelques années.

Pourrons-nous nous empêcher également de sourire devant cette déclaration embarrassée d’Alexis Corbière qui explique qu’il faudra peut-être changer les institutions (trop parlementaires ?) grecques pour éviter de se trouver à nouveau dans cette situation gênante de voir leur champion fricoter avec des souverainistes de droite ? Copier la Ve République française, Alexis ? La convention pour la 6e République attendra…

Pourrons-nous nous empêcher de pouffer, enfin, devant la composition gonflée à la testostérone du gouvernement Tsipras ? Six femmes, dont aucune de plein exercice, sur quarante ministres.  Et se rappeler des tweets enthousiastes de la fondatrice d’Osez le féminisme pour Syriza toute la semaine dernière. À  l’heure où ses lignes sont rédigées, pas de trace du Premier ministre grec dans la dernière création de Caroline De Haas, le pilori post-moderne et anti-sexiste Macholand. Selon les critères de la maison, il y mériterait pourtant la une. La parité, pour Alexis Tsipras, ce n’est pas tout à fait prioritaire.

En Grèce, c’est sûr, la Politique est de retour. Imaginez la tête de tous ces gens si elle revenait aussi en France !

 

19 commentaires

  1. Je suis militant CGT. J’étais candidat sur une liste PCF orthodoxe aux Municipales et j’ai voté NDA aux Européennes.

  2. Passons sur la médiocre opération politicienne du PS qui, pour faire oublier la déroute du PASOK (qui a gouverné la Grèce plus de la moitié du temps depuis la chute des Colonels en 1974) a parlé de « victoire de la gauche ».

    En s’alliant au parti de Kammenos, Tsipras montre qu’il n’est pas obsédé par le clivage gauche-droite.

    Un qui devrait « en prendre de la graine », c’est Mélenchon. Il a toujours refusé toute alliance avec Dupont-Aignan parce qu’il n’est pas de gauche.

    Mélenchon a une « double personnalité » politique.
    – « Mélenchon-Jekyll » a parfois un langage républicain et patriotique (à la Chevènement). Son débat avec Guaino était digne et les 2 hommes se retrouvaient face au fédéraliste belge Verhofstadt.
    – « Mélenchon-Hyde » « colle » trop souvent à l’extrême-gauche et à EELV. D’où souvent de la démagogie.
    Or, les positions d’EELV et celles du PG sont très divergentes sur l’Europe et bon nombre de dirigeants verts méprisent Mélenchon (Cohn-Bendit et même Bové).

    Mélenchon devrait arrêter de faire « le cabri qui saute sur sa chaise en disant : la gauche, la gauche, la gauche ».

  3. Le PCF (dont je fus un adhérent) et le Front de Gauche « sacralisent » le terme « gauche ».

    Or, les notions de gauche et droite sont nées en France, en 1789.
    L’Histoire montre leur caractère relatif.

    Deux exemples.

    1877 : le président (monarchiste) Mac-Mahon dissout la chambre des députés. Le combat est binaire : droite contre gauche.
    – La droite : tous les non républicains = légitimistes, orléanistes, bonapartistes.
    – La gauche : tous les républicains = radicaux socialistes (pas encore de parti socialiste), radicaux, républicains modérés (« opportunistes ») et … orléanistes ralliés à la république, représentés par Thiers (qui meurt pendant la campagne).
    Or, Thiers, dans la mémoire du « mouvement ouvrier », c’est l’ennemi de la Commune de Paris.

    1899 : gouvernement Waldeck-Rousseau. C’est un gouvernement de gauche. Maintenant, le clivage traverse les anciens opportunistes.
    Dans ce gouvernement, on trouve un socialiste (non encarté dans un des 4 partis) : Alexandre Millerand (futur président de la république de droite).
    Le ministre de la guerre est le général de Galliffet qui fut, en 1871, le plus féroce dans la répression de la Commune de Paris.
    Le scandale fut tel que la 2e Internationale prit une résolution demandant aux socialistes de ne pas participer à des « gouvernements bourgeois » (y compris de gauche).
    La SFIO (fondée en 1905) appliqua cette résolution jusqu’en 1914 (« Union Sacrée ») et de 1917 à 1936 (gouvernement Blum).

    Alors, c’est quoi « la gauche » ?
    Thiers ? Galliffet ?

  4. C’est quoi la gauche? et oui, bonne question….
    Rappelons Mitterand, homme de « gauche » à partir de 1971, n’est-ce pas le PS (on ne touche pas aux idoles) ou homme de droite (extrême ?: les années 30,l’écho de Paris, Schueller,…).
    En tous cas, féroce opposant à De Gaulle et au souverainisme et fédéraliste convaincu.
    C’est à peu près la seule constante qu’on trouve dans sa carrière…
    Pour en revenir à la gueule de bois de la Pensée Unique, ils n’ont toujours pas viré leur cuti sur le clivage droite/gauche. C’est normal, c’est le dernier refuge rhétorique pour ne pas faire de POLITIQUE.

  5. Dommage qu’on ne lise pas dans la presse françaises les sorties antisémites de certains membres du nouveau gouvernement grec. d’ailleurs le nouveau ministre de l’économie , cet homme salué comme un héros par une partie des journalistes télé, a été viré de la radio publique australienne SBS pour propos antisémites il y a quelques années….

    • Merci de le rappeler ici. Quant à Kammenos, il a expliqué, il y a quelques mois à la télévision, que les juifs grecs ne payaient pas d´impôts…

      • Kammenos n’a jamais dit ça.
        Il a juste voulu défendre l’Eglise orthodoxe, très attaquée à tort pour ne pas payer d’impôts sur ses biens immobiliers en disant que les INSTITUTIONS des autres religions n’en payaient pas davantage et plutôt moins. Et de citer, les institutions boudhistes, juives ou musulmanes.
        Qu’on déforme ainsi ses propos en dit davantage sur ceux qui le font que sur lui.

        • « Il a juste voulu défendre l’Eglise orthodoxe, très attaquée à tort pour ne pas payer d’impôts sur ses biens immobiliers ». C´est sans doute pour cela qu´il y a quelques années, en 2011, la justice grecque avait commencé à faire le ménage et mis un prélat, l´higoumène Ephraïm, en prison. Les magouilles immobilières de l´Eglise sont telles que personne ne sait comment y remédier, d´autant que l´état est fortement impliqué. Si Syriza ne s´en prend pas directement à l´Eglise, c´est parce qu´elle a joué son rôle durant la crise en venant en aide aux plus démunis. Si vous connaissiez la Grèce, vous sauriez que les Grecs sont très antisémites en général mais qu´il y en a des plus antisémites que d´autres: à l´extrême-gauche, chez les orthodoxes intégristes et dans le nord de la Grèce, notamment à Théssalonique (où sévit une société orthodoxe intégriste semi-secrète, Zoi, qui n´est pas étrangère à tout cela).

  6. Comparer Debout la République et Anel est une fable destinée à donner bonne conscience au souverainisme idéologique, c´est-à-dire celui qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Anel est un parti d´orthodoxes radicaux, xénophobe et homophobe. Ce n´est pas la Politique qui est de retour en Grèce, mais la démagogie. Interrogez-vous un peu, David Desgouilles: la Grèce est gouvernée par une coalition de partis obsessionnellement antisémites et antisionistes (Syriza-Anel) et sa troisième force politique (et le premier parti d´opposition) est Aube Dorée est un rassemblement de nazillons analphabètes.

  7. Quand on croit les yeux fermés les mensonges de Quatremer et Cohn-Bendit, on n’accuse pas les autres de ne pas voir plus loin que le bout de son nez.

    • Si c´est cela votre seul argument! Quel mépris et quelle arrogance! Je ne lis ni Quatremer mi Cohn-Bendit mais je parle grec et je sais ce que j´entends. Contrairement à vous qui réecrivez les faits comme ils vous arrangent.

  8. Il n’empêche que Kammenos ne parlait pas des citoyens juifs, comme le laissaient entendre Quatremer et DCB, et vous ici.
    Il parlait des institutions religieuses boudhistes, musulmanes ou juives.
    Qu’il ait défendu l’église orthodoxe à tort, c’est possible. Mais lui faire dire ce qu’il n’a pas dit, c’est scandaleux.

  9. Parmi ceux qui qualifient Kammenos « d’antisémite », il y a aussi un journal en ligne proche de BHL.

    Si je comprends bien, les gens de Syriza et ceux des Grecs Indépendants sont traités « d’antisémites » en raison de leur opposition à la politique d’Israël.
    Dans ces conditions, le plus grand « antisémite » historique aurait été le général De Gaulle (cf ses critiques contre cet État lors de la Guerre des Six Jours en 1967).

    Il est de bon ton de qualifier « d’antisémites », voire de « fascistes » tous ceux qui s’opposent à la « pensée unique ».

    Le 3 mai 1968, Georges Marchais (qui n’était pas encore le N°1 du PCF et qui était encore peu connu du grand public) écrivit dans « l’Humanité » un article intitulé « De faux révolutionnaires à démasquer ».
    Il s’en prenait aux agitateurs gauchistes qui commençaient le « mai 68 » (et sont devenus depuis, pour la plupart, les meilleurs défenseurs du capitalisme financier mondialisé).
    Un passage (et un seul) faisait allusion à « l’anarchiste allemand Cohn-Bendit ».
    Depuis, ce dernier, qui est devenu une idole du système médiatique, fait croire que Marchais avait écrit des propos antisémites contre lui. Et, sans la moindre vérification, les médias répètent cette ineptie.
    Or, si on relit l’article de Marchais, RIEN ne justifie cette accusation.
    La seule arrière-pensée de GM concernant DCB était sans doute le terme « allemand » qui, dans le contexte de l’époque (23 ans après la fin de la Guerre), pouvait irriter bon nombre de Français contre cet étudiant.

    Dans les années 1977 à 1981, Marchais fut souvent assimilé par certains à Jacques Doriot (1) parce qu’il promouvait le « produire français », défendait une conception gaullienne sur l’Europe (hostilité à toute supra-nationalité) et demandait l’arrêt de l’immigration.
    Bref, le patriotisme était déjà assimilé au « fascisme ».

    (1) Doriot, un des dirigeants du PCF jusqu’à 1934, devint par la suite un des chefs de la Collaboration avec les occupants nazis.

  10. Quant à Bernard-Henri Lévy, sa thèse, depuis qu’il est célèbre est simple, voire simpliste : si vous défendez la souveraineté nationale, vous êtes l’héritier du régime de Vichy.
    Curieuse thèse, car le gouvernement de Vichy, soumis à une occupation étrangère, était le contraire de la souveraineté de la France.

    Ceci étant, Éric Zemmour lui lança un jour (avec raison) : « vous êtes contre les souverainismes, sauf deux, celui des États-Unis et celui d’Israël ».

    En 1981, BHL écrivit « l’Idéologie Française ».
    Je cite des extraits de Zemmour (1) (« Le suicide français » : chapitre « 14 janvier 1981. L’idéologie dominante pour les nuls », pages 191 à 196).
    « La vérité historique, BHL s’en moque comme de sa dernière chemise (blanche) ; il fait la guerre.
    Il met en joue son plus gros gibier : le PCF. Il ne lui reproche pas d’être trop soumis à Moscou, mais d’être trop français. De trop aimer son terroir, son peuple, ses écrivains, sa langue.
    De nombreux intellectuels de grand renom comme Raymond Aron dénoncèrent les approximations, erreurs, contresens, impostures.
    Mais, BHL était le nom de la haine de soi française. Il ne pouvait que perdurer et prospérer ».

    (1) J’apprécie globalement le livre de Zemmour.
    Ceci étant, je ne suis pas d’accord avec lui sur certains points. Comme Natacha Polony (cf « Marianne.net » : « accusé Zemmour, levez-vous »), je pense qu’il est « imperméable à la pensée dialectique », qu’il confond « société féminisée » et « société maternante ».
    Sur ce blog, il a été critiqué pour ses positions sur Vichy et les Juifs. Il se défend (et je le crois sincère) de réhabiliter ce régime. Mais, en le laissant croire, il apporte « de l’eau au moulin » de ceux qui assimilent souverainisme et vichysme.

  11. Depuis, BHL est devenu un des principaux idéologues du « devoir d’ingérence » (sous l’égide, bien sûr, des États-Unis). Ce « devoir d’ingérence » a pour noms : guerre du Golfe (1991), Kosovo (1999), Irak (2003), Libye (2011 : la France et le Royaume-Uni sous-traitant la volonté américaine), tentative en Syrie contre le pouvoir en place (2013).

    Le résultat est « remarquable ».
    Ces interventions n’ont profité qu’à un seul camp : celui des islamistes intégristes dont on constate aujourd’hui qu’ils sont les ennemis les plus dangereux des juifs.
    BHL a ainsi favorisé les pires antisémites. Pourtant, il n’est pas plus modeste pour autant.

    Allez, la pensée unique politico-médiatique a bradé la souveraineté de la France (et d’autres pays) au bénéfice de l’Union Européenne, de la finance mondialisée et des intérêts géopolitiques des États-Unis.

    Certains résistent (chacun à sa façon) à cette dérive.
    Mais, la « police » au service de la pensée unique veille : le moindre mot, le moindre acte est vite assimilé au fascisme et à l’antisémitisme. Dupont-Aignan (que j’apprécie) et Mélenchon (sur qui je suis plus partagé, voir plus haut) en ont fait l’amère expérience.

    Syriza et les Grecs Indépendants veulent la souveraineté de leur pays. Comme chante Guy Béart : « ils doivent être exécutés ».

  12. Chère Lili, moi aussi je parle, je lis et écris le grec et je peux te dire que l’antisémitisme de Kamménos n’est ni plus ou moins qu’une nouvelle affabulation du monde pour décrédibiliser une fois de plus un antieuropéiste. ce que dit David Desgouilles est très juste. Cependant, comme il ne faut pas calquer les formations politiques grecques sur les formations françaises (voir les énormités racontées ici sur To Potami et sur le KKE), il ne faut pas non plus calquer ce que nous appelons antisémitisme avec ce qui traîne dans la tête des Grecs. Je te rappelle que, si les Juifs de Salonique ont été détruits, c’est par la malignité nazie qui a surpris la population. A Athènes, le grand rabbin et beaucoup de Juifs ont été sauvés par des Grecs.
    ANEL est un parti respectable, allié de DLF, mais avec une rhétorique grecque.
    Il n’a rien à voir avec le LAOS (1,03% au dernières élections), ni avec Aube Dorée dont les racines plongent dans les pires moments de la Guerre civile.
    Les thuriféraires de l’abandon supranationaliste font dans leur froc de peur que les autres peuples européens suivent l’exemple grec. Eh bien ! ils le suivront, car la Grèce est vouée à faire exploser les situations géopolitiques : Cf. Navarin 1827, la guerre de 1920-1922, le Ochi du 28 octobre 1940 et les représailles britanniques contre l’EAM dans les rues d’Athènes le 3 décembre 1944. Ce furent les déclencheurs des fins de la politique de Metternich, des traités de paix de 1919, des rêves d’Hitler contre la Russie et de la Grande Alliance américano-soviétique. La Grèce annonce la fin du monstre européiste.

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