Entretien avec Julien Aubert, candidat à la présidence de LR
David Desgouilles. Après Laurence Sailliet, Florence Portelli, Daniel Fasquelle et Laurent Wauquiez, vous avez décidé de vous porter candidat à la présidence des Républicains. Quel est le sens de cette candidature ?
Julien Aubert. Notre mouvement souffre depuis plusieurs années de « luttes d’écuries ». Entre les élections présidentielles, ce sont des accords de façade pour maintenir une paix armée. Au moment crucial, les querelles de personnes prennent le dessus. De 2012 à 2017, la Droite ne s’est pas interrogée sur ses idées, ses fractures, ses contradictions. Je ne suis attaché à aucune écurie, j’ai gagné sur mon nom deux élections dans un département difficile tenté par le vote protestataire, je suis député et siège là où le rapport de forces national se noue. Je crois donc que je suis légitime et surtout bien placé pour rebâtir notre parti. Je ne crois pas qu’on puisse reconstruire notre mouvement en continuant avec ceux qui, en responsabilité, tenaient un autre discours ou n’ont pas pris les mesures nécessaires au redressement de notre pays. La question posée aux militants est : en avez-vous assez des guerres intestines ? Si la réponse est oui, je peux être l’instrument de cette refondation. Je souhaite deux choses : réintroduire le débat d’idées et restaurer l’esprit de compagnonnage des origines du mouvement gaulliste.
Dans ces colonnes, Florence Portelli dénonçait il y a quelques jours le fait que la France ait « bradé sa souveraineté ». Mais elle ajoutait qu’on ne « pouvait pas revenir » sur cette « reddition ». Partagez-vous la même analyse ?
Oui sur le diagnostic, non sur le médicament. La souveraineté ne se partage pas. Revenir sur ces limitations de la souveraineté, c’est justement la première chose qu’il faut faire si on veut restaurer « l’outil politique ». Pourquoi croyez-vous que les gens ne votent plus ou votent protestataire ? Si voter ne sert à rien, puisqu’on ne peut pas revenir sur certains sujets complexes (comme par exemple la directive Travailleurs détachés), alors à quoi servons-nous, nous les élus ? Notre système juridique doit se dégager de la mainmise jurisprudentielle des cours européennes pour pouvoir notamment redonner au Parlement français les moyens d’agir, par exemple en matière de lutte contre l’immigration ou d’organisation de la justice. C’est pourquoi j’appelle de mes vœux une réforme constitutionnelle qui rétablira la primauté de la Constitution sur le droit dérivé (réglements, directives) de l’Union européenne. Par ailleurs, à l’heure où beaucoup parlent d’identité, comment ne pas voir qu’il n’est pas possible de défendre notre identité sans recouvrer la maîtrise de tous les outils politiques, donc notre souveraineté ? Tout le reste n’est que de la mousse.
La victoire d’Emmanuel Macron a recomposé le paysage politique. Certains de vos anciens collègues députés LR se trouvent aujourd’hui à Matignon ou à Bercy. L’explosion de LR n’est-elle pas inéluctable et même nécessaire afin que le paysage politique gagne en cohérence idéologique ?
Le gaullisme ce n’est pas « la droite ». C’est un courant de pensée beaucoup plus complexe, qui a une vision de l’économie qui n’est certainement pas celui de la social-démocratie ou du centre libéral. Je souhaite organiser le débat, définir ce qui est majoritaire et minoritaire. Ensuite, je proposerai une ou plusieurs solutions organisationnelles pour faire évoluer la structure des LR. Ma préférence personnelle irait à une confédération de type CDU-CSU, avec deux formations au contenu idéologique différent, à l’implantation géographique non concurrentielle, qui seraient alliées. L’une d’elles serait un grand parti patriote, gaulliste, populaire.
Laurent Wauquiez a refusé la main tendue par Nicolas Dupont-Aignan,considérant que son soutien à Marine Le Pen entre les deux tours de l’élection présidentielle constituait « un aller sans retour ». Vous qui avez été proche du président de DLF, accepteriez-vous cette main tendue si vous étiez élu à la présidence des Républicains ?
Qu’il y ait des gens qui se réclament du gaullisme comme Nicolas Dupont-Aignan en dehors des LR montre bien que nous avons un petit souci de positionnement idéologique. Je n’approuve pas le choix fait par NDA entre les deux tours : la famille Le Pen, ce n’est pas le gaullisme. Notre avenir ne passera pas par des accords de cuisine électorale mais par un projet novateur, patriote, et populaire. A ce moment là, ceux qui sont partis auront des motifs légitimes de revenir.
Quand on vote la confiance au gouvernement après le discours de politique générale du premier ministre, on s’inscrit dans la majorité. Quand on vote contre la confiance, on se positionne dans l’opposition. Où êtes-vous, lorsque, comme soixante-quatorze autres collègues LR, vous vous abstenez sur un vote aussi décisif ?
« Ce n’est pas la droite, la France. Ce n’est pas la gauche, la France. », disait le Général de Gaulle. Je suis un adversaire de la majorité présidentielle mais je souhaite la réussite de mon pays. Je n’ai pas voulu accorder ma confiance car l’esprit social-libéral du quinquennat et plusieurs réformes annoncées (CSG, centrales nucléaires, RSI…) sont assez éloignées de ma vision pour mon pays. Néanmoins, je n’ai pas voulu non plus voter à ce stade une défiance totale car ce que souhaite faire le gouvernement en matière d’éducation me semble aller dans le bon sens. J’ai donc opté pour la 3ème solution qui nous était proposée, sachant que l’abstention au Parlement n’est pas l’abstention au sens courant du terme : ce serait plutôt un vote blanc. Nous verrons dans un an.