Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le paysage politique français est en pleine décomposition et à part les deux seuls mouvements neufs issus de l’élection présidentielle, c’est à dire celui du président et la France insoumise, aucune recomposition n’est encore amorcée. C’est d’ailleurs pour cette raison que la seule opposition actuellement audible est celle de Jean-Luc Mélenchon : comme Emmanuel Macron, il avait configuré son outil politique pour – et juste avant – l’élection présidentielle.
Laissons pour l’instant de côté le flanc gauche et intéressons-nous à ce qui se passe à droite et notamment à la droite de la droite. Car c’est dans ce secteur du paysage politique qu’un vrai bouillonnement est à l’œuvre. Causeur.fr a notamment évoqué la semaine dernière le cas de Florian Philippot. Le stratège frontiste se trouve actuellement au centre des attentions médiatiques tant sa situation est déterminante dans le paysage. Restera, restera pas au Front ? Tout porte à croire aujourd’hui que Marine Le Pen a décidé de ne plus lui accorder la place privilégiée qu’elle lui garantissait jusqu’à mai dernier.
Philippot I, fin de règne
Samedi à Brachay, elle a donné des gages à son aile droite en prononçant un discours que les observateurs ont qualifié de « retour au fondamentaux du FN » : l’immigration, l’insécurité, et l’islam. Si on se place cette fois sur le plan des promotions et des relégations des personnalités dans le parti, on note que le secrétaire général Nicolas Bay a obtenu de succéder à Marine Le Pen à la présidence du groupe qu’elle occupait au Parlement européen. Florian Philippot a beau expliquer qu’il ne guignait pas le poste, on a du mal à croire qu’il ne l’aurait pas accepté si elle le lui avait proposé.
Il y a quelques mois encore, un autre rapport de forces aurait abouti à sa désignation et l’aile nationale-libérale n’aurait eu qu’à ronger son frein. Mais l’affaire Montel a démontré que Marine Le Pen avait décidé d’écouter aujourd’hui davantage Nicolas Bay (qu’elle a d’ailleurs mandaté pour installer le successeur de Sophie Montel à Dijon) et Louis Alliot que Florian Philippot.
Du côté des partisans de ce dernier, c’est actuellement la grosse déprime. Si on a enregistré quelques départs du FN dans l’entourage de Sophie Montel, celui qui est encore vice-président du Front chargé de la stratégie et de la communication ne semble pas décidé à démissionner de son parti. En début de semaine sur LCI, Audrey Crespo-Mara l’a poussé dans ses retranchements en lui posant la question de son départ. Comme d’habitude il a répondu qu’il partirait le jour où il aurait le sentiment de ne plus défendre ses convictions, si le « FN n’était plus patriote et souverainiste ». Mais il a ajouté cette phrase : « Pour le moment, le FN semble rester patriote et souverainiste » (à partir de 14’45 ») Tout est dans l’utilisation du verbe « sembler »…
Ce qui le met encore en difficulté et qui le retient dans un rôle de trublion au sein du FN, c’est qu’il ne semble pas avoir pour l’heure d’autres interlocuteurs. Car s’il se félicite souvent du renfort de Nicolas Dupont-Aignan intervenu entre les deux tours de l’élection présidentielle, le président de Debout La France (DLF) n’est plus du tout sur la même ligne que lui. Après avoir longtemps cru – ou laissé croire à ses partisans – qu’il était favorable comme Florian Philippot à la coalition de la France du « non », Nicolas Dupont-Aignan ne jure aujourd’hui plus que par « l’union des droites ». Ces deux-là jouent actuellement une drôle de danse, se proposant mutuellement des offres d’alliances tout en sachant pertinemment qu’ils ne partagent plus la même ligne stratégique. C’est d’ailleurs aussi le cas sur le plan idéologique puisque Nicolas Dupont-Aignan a même précédé Marine Le Pen dans l’abandon de la sortie de l’euro.
NDA, le pestiféré
Nicolas Dupont-Aignan ne fait pas que des offres à Marine Le Pen et Florian Philippot. Il a aussi des attentions pour Laurent Wauquiez. Et là, on assiste à l’effet inverse. Même s’il partage la nouvelle ligne de DLF, celle d’une droite qui s’affiche en tant que telle, le favori de l’élection de la présidence des Républicains (LR) a plusieurs fois affirmé que Nicolas Dupont-Aignan était désormais infréquentable : il a touché Marine Le Pen, il est désormais « intouchable », au sens indien du terme.
La situation du président de DLF n’est donc guère plus enviable que celle de Florian Philippot. D’autant plus qu’une partie de ses anciens cadres a décidé de faire une scission et de créer l’Unité nationale citoyenne (l’UNC). La nouvelle structure organise d’ailleurs sa première grande réunion une semaine après l’université de rentrée de DLF qui se tient ce week-end. L’UNC, quant à elle, croit toujours à l’alliance des Républicains des deux rives, à une coalition de la France du « non » qui aspirerait les électeurs du FN sans s’allier avec lui. Elle fait le même pari que Laurent Wauquiez mais dans un objectif inverse. Pourrait-elle en revanche converger avec un Florian Philippot qui quitterait le FN ? Idéologiquement et stratégiquement, ce serait logique.
Mais rien n’est logique dans cette histoire, où on a parfois l’impression d’assister à une boum de collégiens où ceux qui devraient s’embrasser ne le font pas, où certains dansent avec des interlocuteurs qui ne veulent pas d’eux et où les inimitiés anciennes ou récentes comptent davantage que la logique et le bon sens. Il faudra sans doute plusieurs mois, voire plusieurs années avant d’y voir plus clair de ce côté du spectre politique national.