Le Mandat d’Arrêt Européen, c’est un peu grâce à eux

À Europe-Ecologie-Les-Verts, Bossuet ne fait pas partie des auteurs de référence. C’est dommage. Cela leur aurait permis de méditer sur la sentence célèbre du prédicateur : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Ainsi, les cris d’orfraie venus de leurs rangs à l’occasion de la remise de la citoyenne française Aurore Martin aux autorités espagnoles pouvaient amuser, et pas seulement le Tout-Puissant. Certes, on me dira que la cohérence n’est pas la qualité la mieux partagée en politique et que les écologistes ont bien le droit à quelques contradictions. Mais en l’occurrence, avec quelques élus socialistes -en désaccord avec la ligne du PS – ils furent les plus inconséquents.

Quelle est donc la procédure qui a permis à l’Espagne d’obtenir qu’Aurore Martin soit jugée à Madrid ? Le mandat d’arrêt européen. Celui-ci, prévu par le Traité de Maastricht comme partie intégrante du « troisième pilier » de l’Union européenne, fut adopté par le gouvernement dit de « majorité plurielle » -qui comprenait les Verts- dirigé par Lionel Jospin en bonne entente avec le Président de la République, Jacques Chirac. Voilà donc une décision qui dépouille les Nations d’une partie de leur souveraineté -en l’espèce, décider ou non d’extrader ses propres citoyens en raison de délits commis à l’étranger. Voilà donc une décision qui va éminemment dans le sens de davantage de supranationalité, comme le réclament à cor et à cris, à chaque occasion qui leur est donnée, les Verts hier, EELV aujourd’hui.

Si la France n’avait pas ratifié tous ces abandons de souveraineté, si on n’était pas allé vers davantage de supranationalité, Aurore Martin serait encore chez elle. J’ajoute que le fait de participer à une réunion politique d’une organisation en lien avec des activités séparatistes ne constitue pas un délit en France[1. Les écologistes le savent puisqu’ils ne dédaignaient pas participer aux Journées de Corte, trois ans encore après l’assassinat d’un Préfet de la République en Corse.].

C’est pourquoi j’aurais personnellement préféré que cette militante d’une cause que je ne partage pas restât en France, comme un magnifique pied de nez : “Tu vois, cet Etat jacobin que tu conchies, c’est lui qui te protège”. À une époque où la France était libre et souveraine, il eût été impensable que la gendarmerie française exécutât un mandat d’arrêt décidé à Bruxelles. Le Général de Gaulle lui-même avait veillé en son temps à peser de tout son poids pour obtenir la libération de Régis Debray en Bolivie. Non seulement, cette France souveraine que les Verts trouvent rance et moisie n’extradait pas ses citoyens mais elle tentait et réussissait à les libérer quand elle le jugeait nécessaire.

Quand l’UMP et le PS, qui sont solidaires de la création de ce mandat d’arrêt européen, ne voient rien à redire au départ d’Aurore Martin pour l’Espagne, ils sont cohérents. Quand Marine Le Pen le déplore, contestant l’existence d’une telle procédure supranationale, elle est aussi cohérente. Restent les écolos, qui ne savent pas ce qu’ils veulent. Dans ce domaine, comme dans d’autres.

3 commentaires

  1. Votre aversion pour toute chose supra-nationale vous fait adopter de bien curieux raccourcis. Il ne s’agit pas de « participation à une réunion politique d’une organisation en lien avec des activités séparatistes » mais d’une « participation à une réunion politique d’une organisation en lien avec des activités terroristes ».
    Du reste, à partir du moment ou les pays européens font confiance à la justice de leurs partenaires, je ne vois pas où est le problème dans cette extradition. Ou y aurait il des raisons de douter de la justice espagnole?

  2. @Bruno

    Le séparatisme et le terrorisme, dans le cas de la Corse comme du Pays Basque, sont évidemment liés.
    Et effectivement, ce délit n’existe pas en France, puisque les Universités de Corte, qui pullulent de séparatistes corses ayant eu des activités terroristes, ne sont pas interdites.
    A tel point que, comme je l’indique en note de renvoi, les écolos eux-même, à l’instar de Lipietz ou Benhammias, y ont participé.

    Sinon, je vous confirme mon aversion pour la supranationalité. Je l’assume tous les jours davantage.

  3. @Bruno : vous confondez le fond et la forme. Quel que soit l’incrimination, un Etat digne de ce nom n’extrade pas ses ressortissants. Il peut les juger sur son sol à la demande de la justice d’un pays dans lequel ils auraient commis des infractions à condition que les formes juridiques soient correctes.
    A partir du moment où le mandat d’européen a été adopté, comment justifier que la France ne réponde pas à la demande de la justice israélienne pour extrader ses ressortissants accusés d’un crime routier particulièrement odieux ? Parce qu’Israël ne fait pas partie de l’UE ? Non, c’est injustifiable : parce que du moment que la France autorise l’extradition de ses ressortissants vers un pays étranger appartenant à l’UE, il faut l’élargir aux pays hors UE au nom de l’égalité des citoyens devant la loi.
    DD a raison : c’est bien une atteinte majeure à la souveraineté de la nation.
    Dominique Ponchardier nommé par de Gaulle en Bolivie pour faire sortir Régis Debray aurait pu témoigner qu’à l’époque on respectait le droit. Ce n’est pas comme maintenant, où même les lois sont rétroactives : voir les 35 heures version Aubry…

Répondre à David Desgouilles Cancel reply

Please enter your comment!
Please enter your name here