Jean-Marie Le Pen a, une fois de plus, dérapé. En proclamant qu’il valait mieux élire un Français de souche comme lui plutôt qu’un fils d’immigré comme Sarkozy, il a sciemment renforcé le plafond de verre fixé au dessus de sa tête et qui fendillait sous les coups de boutoirs de sa fille Marine.
Il n’ira donc pas au delà des cinq millions de voix. Il s’en prive volontairement. Volontairement car l’homme est trop intelligent pour ne pas prévoir les conséquences de ce genre de phrase. Ce n’est pas tant choquer le tout Paris médiatique qui soit suicidaire. Au contraire. Cela rapporte plutôt des voix. Ce qui est rédhibitoire dans cette déclaration, c’est qu’il se prive d’une partie de son électorat et qu’il l’offre, sur un plateau, à Nicolas Sarkozy. En effet, depuis plusieurs années, beaucoup d’ enfants de l’immigration, italienne, portugaise, polonaise, et même maghrébine, votaient pour le Front National. Sur le principe du dernier arrivé ferme la porte derrière lui, ces électeurs voyaient non seulement dans ce vote une manière d’affirmer leur citoyenneté française mais aussi de partager les soucis de Français de souche plus ancienne. D’ailleurs, la récente affiche frontiste (présentant une beurette baissant le pouce pour accuser les partis du système de l’échec de l’intégration) était le symbole de cette prise de conscience du parti de Le Pen.
Pourquoi ce revirement de dernière minute, donc ?
Je me risque à quelques hypothèses :
1) Jean-Marie Le Pen déteste tellement la droite classique qu’il prend un malin plaisir à la faire perdre. Et il veut donc éviter de lui faire le cadeau, à l’instar de 2002, de l’affronter au second tour et donc d’être élue dans un fauteuil. Hypothèse peu probable, car Le Pen n’a pas la même détestation pour Sarkozy qu’il n’en a pour Chirac.
2) Jean-Marie Le Pen apprécie Sarkozy. Il lui fait cadeau d’électeurs et il lui permet, à un moment où ce dernier en a bien besoin, de passer pour un homme davantage modéré et républicain qu’il n’y paraissait ces dernières semaines.
3) Jean-Marie Le Pen est, à près de 80 ans, un grand enfant. Il n’est qu’un bateleur dans la vieille tradition extrêmiste française. Quand d’autres se suicidaient sur la tombe de leurs maitresses, il préfère les suicides politiques de grand panache. Les bons mots entretiennent mieux sa virilité que les honneurs.
J’avoue pencher pour la troisième solution mais je n’exclue tout de même pas la seconde. J’ajoute qu’elles peuvent même se combiner.