De Valls à NKM, la valse des gadins

 

Depuis une dizaine de jours, la politique française tourne autour de Nadine Morano. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est plutôt divertissant. Tous les personnages, et pas seulement celle que Guy Carlier surnommait affectueusement sa « chanson populaire », s’en donnent à cœur joie. Et si ça se trouve, l’histoire n’est pas encore finie.

Mais reprenons. L’autre samedi, Nadine Morano a cité approximativement le Général de Gaulle à propos de la France, un « pays de race blanche ». Nous ne reviendrons pas sur le fond du débat et préférons laisser la parole à Hubert Védrine qui a sagement rappelé d’anciennes phrases de Jules Ferry et de Léon Blum afin de souligner que le lynchage de l’ancienne ministre ne valait pas mieux que ces citations sorties de leur contexte.

À sa décharge, la député européenne a soulagé l’infortunée Maïtena Biraben en la suppléant au pilori médiatique sur lequel elle était exposée depuis trois jours. D’un autre côté, Morano devient l’égérie de toute une droitosphère qui oublie subitement son militantisme en faveur de la GPA, du statut de beau-parent et de l’euthanasie, ce que la gauche sociétale ingrate qui lui tape dessus à bras raccourcis omet également. On oublie aussi que Nadine Morano a débuté l’an dernier sa campagne européenne en s’inclinant devant les cendres de Robert Schuman, qui n’était pas précisément la cup of tea du Général. Pour une gaulliste intransigeante, il y a tout de même mieux.

Voilà que Manuel Valls himself s’en mêle après quatre jours de mise à mort médiatique. Devant la représentation nationale, il explique sur un ton encore plus martial que d’habitude –c’est dire s’il m’a fichu les jetons- qu’il ne « faut plus accepter aucun dérapage ! ». Chez moi, la peur a bien vite laissé place à une franche hilarité, puisque je me souviens que le même Manuel Valls avait été fustigé en place publique pour « un dérapage scandaleux » par Faouzi Lamdaoui qui s’exprimait au nom du Parti Socialiste. Alors maire d’Evry en marge du PS, il avait demandé qu’on mette davantage de « whites et de blancos » sur son marché. On m’a expliqué que cela n’avait absolument rien à voir avec le « dérapage » de Morano, que Valls dénonçait alors la ségrégation urbaine, cette fameuse apartheid à laquelle il fera plus tard allusion. Il n’en avait pas moins été accusé du fameux délit de dérapage, ce qui aurait pu le rendre plus compréhensif avec Nadine Morano. Mais la compassion n’est pas le fort de notre Premier ministre qui a en plus la satisfaction de voir son accusateur d’alors, Faouzi Lamdaoui, devant les tribunaux ces jours-ci. « La routourne tourne », comme dirait Frank Ribéry !

Du côté des Républicains, le haro sur Morano n’est pas loin de rivaliser avec celui de la gauche puisque Juppé, NKM et bien d’autres viennent jeter quelques tomates à leur bonne copine qui se trouvait tête de liste aux élections régionales en Meurthe-et-Moselle. Nicolas Sarkozy, plus en très bons termes avec son ex-porte-flingues, est bien embêté et nous gratifie aussi d’une citation qui ne devrait pas échapper au Prix de l’humour politique : « Je demande que tout le monde maîtrise son vocabulaire ». C’est vrai qu’il nous y avait habitués, lui. Afin de mettre en pratique cette amicale injonction, NKM se précipite au Grand Journal pour qualifier les climatosceptiques de « connards ». Cela réchauffe le cœur de voir à quel point les demandes du chef sont exécutées. Reste que le chef ne sait plus à quel saint se vouer. D’un côté, il doit débarquer Morano de la liste des régionales pour ne pas mettre en péril les accords LR-UDI et offrir la région à Florian Philippot, de l’autre, il sait que sa base soutient largement la députée européenne. Du coup, il a l’idée ingénieuse d’utiliser le mot « chienlit » à propos du conflit Air France, afin de montrer à son bon peuple LR que lui aussi sait citer le Général de Gaulle. Son camarade Valls a été bon prince en entrant dans le jeu de rôles et dénonçant « un mot dangereux ». Mais l’ex-président n’en est pas resté là. Il a fait savoir que Nadine Morano pourra rester tête de liste aux régionales si elle manifeste publiquement ses regrets par écrit. En somme, le principal du collège a assis l’élève de cinquième blonde avec des couettes et lui demande d’écrire sa lettre d’excuses. Je n’ai rencontré Nadine Morano qu’une seule fois et cela suffit à me convaincre qu’elle goûte peu l’idée d’être considérée comme une gamine de douze ans. Nicolas Sarkozy attendait cette missive hier soir, mais la lettre n’est jamais arrivée.

Au contraire, Morano en a rajouté plusieurs couches. D’abord en rappelant à Nicolas Sarkozy ses propres écarts de vocabulaire, ensuite en appelant à la rescousse « son amie plus noire qu’une Arabe », laquelle serait choquée par ce qui lui arrive. La scène nous rappelle furieusement celle jouée par Jean Gabin dans Le Président : « Chaque antisémite à son Juif, donc chaque anticlérical peut bien avoir son curé ».

Aux dernières nouvelles, Nadine Morano s’apprêterait à clouer notre bec à tous en publiant un livre opportunément intitulé L’amitié en noir et blanc, co-écrit avec sa copine. Un de mes amis chroniqueurs, que je ne dénoncerai pas, même sous la torture, m’a dit souhaiter bien du plaisir à leur « nègre ».

2 commentaires

  1. Tous ces politiques sont hors sol !

    En tous cas, j’ai appris que « race » était un gros mot, surtout adossé à un adjectif de couleur (et faux d’ailleurs, j’ai appris aussi qu’il n’y avait officiellement qu’une seule race chez les humains – ce qui va permettre de dissoudre un certain nb d’associations antiracistes puisque si pas de races, pas de racisme, mais éventuellement beaucoup de conneries !) et surtout s’il est prononcé par quelqu’un de droite (et encore plus si c’est une femme, blonde de surcroît – Marine et Nadine, c’est pour vous).

    C’est sidérant ! J’aimerais connaître le pourcentage de sympathisants de droite qui vont voter FN au lieu de « Républicains » en décembre…

  2. Ce qui me sidère le plus, c’est, à quel point ces Jean-Foutre, ces petites b….(pour reprendre, puisqu’on est dans les réminiscences cinématographiques, des expressions du « Diner de Cons »), ne se rendent pas compte qu’ils creusent leur tombe politique (si on ne truque pas les élections dans les années qui viennent). Il y a un moment oú le décalage avec la population doit se payer, bon sang….
    Les grecs avaient raison: ceux que les Dieux veulent perdre, ils commencent par les rendre fous

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