L’autre jour, Christophe Hondelatte, qu’on a connu plus inspiré, moquait Périco Légasse, journaliste à Marianne. Selon l’animateur de « On refait le monde », il n’était pas dans les cordes d’un « chroniqueur gastronomique » qui plus est « ancien chauffeur de Jean-François Kahn », de traiter de l’affaire Treiber.

Passons sur l’arrogance de cette assertion que Hondelatte, victime en son temps de l’arrogance de certains de ses confrères, aura eu l’occasion de regretter pendant son congé de fin de semaine du côté de Bayonne. Tout cela ne lui ressemble guère. Et, au lieu de le fustiger, soyons positifs et disons plutôt tout le bien de Périco Légasse, qui est un grand, un très grand journaliste.

D’abord, nous sommes en France et la gastronomie, c’est très sérieux. Ensuite, Périco déborde parfois de ses attributions d’origine et nous concocte des articles sur d’autres sujets[3. Au passage, un journaliste est un journaliste. Pierre-Louis Basse, par exemple, me faisait vibrer lorsqu’il commentait foot et athlé. J’aime beaucoup les émissions culturelles qu’il anime aujourd’hui]. Et surtout, c’est à lui que le prévenu Treiber a envoyé la fameuse lettre et à personne d’autre.

Perico aurait été, avant de devenir journaliste à Marianne[1. Personnellement, j’ai fait connaissance avec sa prose en 1997 dans les premiers numéros du journal fondé par JFK], le chauffeur de Jean-François Kahn ? Cela signifie qu’il a bénéficié, pendant d’innombrables heures, de cours particuliers de la part d’un Maître en journalisme ! Cela vaut bien les cours magistraux dans un amphi du CFJ, non ?

Et puis, il y a ce documentaire ! LE documentaire. En réalisant l’inoubliable « Ces fromages qu’on assassine » avec Joël Santoni[2. Diffusé par France 3 pendant l’hiver 2007-2008], Périco Légasse a permis de lancer une véritable mobilisation des consommateurs en faveur des fromages au lait cru. Les ventes des fromages thermisés se sont écroulées de plus de 20%. Résultat : grâce à son action, les industries agro-alimentaires ont été contraintes de changer leur fusil d’épaule et de relancer le lait cru. Une victoire de Périco, qui peut s’enorgueillir d’avoir sauvé une bonne part de notre art de vivre.

Si, dans cinquante ans, la providence me permettait de conserver la vie, le goût et la mémoire, je pourrai encore déguster un Morbier ou un Camembert de Normandie, soit autre chose qu’un proche cousin pasteurisé de l’industrie pneumatique. Et je me souviendrai alors que je le devrai en grande partie à un certain Périco.

Merci Périco.

6 commentaires

  1. Preuve s’il en fallait de son bon goût, il vit avec l’un des meilleurs défenseurs de l’Ecole de la République, Natacha Polony — hier auteur célébré de Nos enfants gâchés, journaliste spécialiste de l’Education à Marianne, aujourd’hui entraînant les lecteurs du Figaro sur la voie d’une meilleure compréhension des arcanes du Mammouth. Quel couple !

  2. Qu’est-ce que cela prouve?
    Qu’on peut être un ancien chauffeur,animer la rubrique gastronomique d’un journal avec talent,montrer ses compétence dans un domaine particulier et déborder sur un autre,en se faisant enquêteur d’un fait divers?
    Fred Vargas,aussi,est un auteur de roman policier qui a mélangé les genres en se livrant à une enquête policière pour innocenter Cesare Battisti.
    Leur avis est-il plus autorisé que celui d’un enquêteur assermenté?
    Caligula,aussi,avait nommé son cheval Consul et Mitterrand appelé,un jour,la chanteuse Georgette Lemaire,au conseil économique et social,je crois 🙂

  3. @Pascal

    Cela ne prouve rien. Périco Légasse n’a jamais prétendu être enquêteur policier. Il ne s’est d’ailleurs jamais prononcé sur la culpabilité de Treiber.
    Il a simplement reçu une lettre qui a été authentifiée par la police et il s’est d’ailleurs fait interroger par cette dernière de bonne grâce.

  4. Hondelatte a de la faconde, il apparait sympathique et ouvert, il l’est le plus souvent mais il y a toujours présente en arrière-plan une extrême sensibilité parfois (souvent) mal placée, et des fulgurances pour le moins étranges.
    Sa diatribe sur Legasse en est un bon exemple, elle ne le grandit pas, et n’apporte rien à l’affaire Treiber. J’y vois une pointe de jalousie de ne pas avoir été reconnu par ce dernier comme « Le Journaliste des Affaires Glauques »

  5. Je regrette cette lamentable polémique et voudrais mettre tout le monde d’accord.
    Je n’ai jamais été le chauffeur de Jean-François Kahn, sinon pour l’avoir accompagné, d’abord avec mon propre véhicule puis avec ceux mis par le journal (EDJ et Marianne) à ma disposition pour mes reportages, lors d’innombrables déplacements professionnels ou privés. C’est moi qui, pour plaisanter, aimais à me présenter comme son « chauffeur ». Je n’aurais d’ailleurs aucune honte à l’avoir été pour de bon. David Desgouilles a mille fois raison en expliquant que ces voyages ont formé ma jeunesse. Ces heures passées en voiture en compagnie de mon maître furent -et sont- d’une grande richesse, car je persiste toujours dans l’exercice et ne renoncerai pour rien au monde à cette Sorbonne roulante. En réalité, ce qu’il y a de triste dans les propos de Christophe Hondelatte, c’est leur caractère socio-discriminatoire, spécificité, ô paradoxe, de bien des journalistes « de gauche ». Pour le reste, je n’ai jamais cherché à mettre mon nez dans l’affaire Streiber, c’est lui qui m’a écrit pour que je publie sa lettre. Ce qui a été fait. Point. Ancien trieur postal (j’étais très bon), je n’en revendique pas moins le titre de rédacteur en chauffe.

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