Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN devait, paraît-il, permettre de favoriser l’émergence d’un pilier européen de défense. C’est ce que Nicolas Sarkozy claironnait depuis quelques semaines et qu’il confirmait lors du discours qu’il prononçait samedi à l’ouverture du sommet. Très adroit, Barack Obama donnait le change lors du sien. Mais dès la première décision que l’OTAN eût à prendre l’après-midi même, des esprits avisés pouvaient se rendre compte de la duperie. Reprenons.
Episode 1 : Afin de succéder au secrétaire général néerlandais de l’alliance atlantique, une grosse majorité de pays européens se mettent d’accord sur le nom du premier ministre danois[1. Je connais très peu ce monsieur. Personnellement, mes deux Danois préférés sont Jens-Peter Bonde, créateur du Mouvement de Juin, qui gagna le référendum contre Maëstricht en 1992, et Flemming Povlsen qui terrassa quelques jours plus tard l’Allemagne d’Helmut Kohl en finale du championnat d’Europe de football. En juin 1992, il y avait vraiment quelque chose de fleuri dans le Royaume du Danemark] en exercice, Monsieur Anders Fogh Rasmussen. Ce dernier a la réputation d’être un atlantiste bon teint, ce qui est la moindre des qualités lorsqu’on brigue un tel poste. Seulement, le Premier Ministre turc, Monsieur Erdogan, ne l’entend pas de cette oreille. Rasmussen n’a t-il pas manqué d’audace en n’embastillant point un dessinateur subversif ?[3. Auteur des fameuses caricatures de Mahomet dans un journal danois]Erdogan menace donc de mettre son veto à la nomination de ce candidat impie. Formidable anniversaire de l’OTAN : La « famille occidentale » que rejoint la France -dixit notre Président- et dont l’objectif majeur est notamment de se battre au nom de « valeurs » -toujours dixit notre Président- peut-elle passer par pertes et profits la liberté d’expression en général et celle de la Presse en particulier ?
Episode 2 : Tout le monde y met du sien pour tenter d’amadouer Erdogan. Berlusconi y va même de son coup de fil, et loupe la photo officielle. Mais c’est après un entretien entre Obama et le Président de la République turque, Gül, que la Turquie, finalement, renonce à faire barrage à la nomination de Rassmussen. Le président américain lui aurait donné quelques garanties.
Episode 3 : A Prague, dimanche matin, Barack Obama lève le voile sur les garanties en question. Lors de son discours, il appuie avec force sur la nécessité de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Nicolas Sarkozy réagit rapidement en déclarant que c’est aux Européens de décider d’une telle adhésion. Et il ajoute que lui-même reste opposé à cette perspective. Dans les paroles. Car dans les actes, il a voté l’ouverture de deux chapitres de négociation depuis mai 2007 et, surtout, il a fait sauter le verrou référendaire dans la constitution française.
Conclusion : Le « pari », dont parlaient les observateurs, sur la facilitation de la mise en place d’un pilier européen de défense dans l’OTAN grâce au retour de la France dans ses instances intégrées est déjà perdu. Pis, on assiste davantage au couronnement d’un pilier américain dans l’Union européenne.
Chapeau, monsieur le Président !
votre analyse tient tout à fait la route mais on peut proposer une autre lecture des ces mêmes événements. La Turquie s’obstine pour de raisons relevant de la politique intérieure, le parti au pouvoir étant islamique, ses leaders ne peuvent pas accepter Rasmussen sans protester. Pour satisfaire son opinion publique Gul fait un marché avec Obama : une déclaration contre un levé de soin veto sur Rasmussen. Le prix n’est pas excessif compte tenu du fait que cette déclaration n’a que très peu de valeur (sinon moins). de plus, cela donne à Sarkozy une occasion en or de faire une déclaration ferme et de montrer à tout le monde que parfois il n’est pas d’accord avec Obama (et sur un sujet de « fond » !). une petite opération « gagnant-gagnant ».
Votre analyse tient encore davantage la route que la mienne qui spéculait sur le postulat que ces hommes d’Etat étaient seulement mus par leurs idées et non par des préoccupations de politicaillerie intérieure.
Sans doute ma grande naïveté….
😉
Mon cher David, ton analyse est pertinente mais omet plusieurs éléments.
Effectivement Obama pousse de toutes ses forces la Turquie vers l’Union et oui le retour de la France dans l’OTAN est une belle connerie.
Mais tu ne mentionnes pas les raisons essentielles qui motivent les américains à pousser à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Ensuite, il est vrai qu’il est proprement scandaleux que le recours au référendum ait été supprimé.
Un homme a pourtant vu les dangers que représentait l’élection de Sarkozy, et tente de créer un rassemblement des républicains pour sauver les valeurs républicaines. Cette personne c’est François Bayrou qui malgré ce qu’on peut lui reprocher a réussi à créer un parti qui a triplé de taille sans campagne d’adhésion ce qui démontre que ses diverses montées au créneau rencontrent un certain écho.
la turquie se sera dans 20 ans,alors d »ici la beaucoup d »eau aura couler sous les ponts
il y a de sérieux problèmes a résoudre avant
la France va droit dans le mur,
il faut arrèter le massacre,les gens ont perdu la confiance dans les responsables politiques a tout les niveaux
hènin-beaumont ,c »est que le début??
Votre analyse est intéressante mais j’y ajouterais deux autres dimensions.
1) Celle des dégâts causés par l’attitude d’Erdogan dans certaines opinions publiques européennes, en particulier au Danemark. Si je ne me trompe pas, la France n’est pas la seule à décider et l’opposition d’un seul pays suffirait à empêcher la Turquie de rejoindre l’UE. Gardons espoir!
2) Le renforcement des préjugés anti-français aux Etats-Unis où l’opinion, particulièrement mal informée par ses medias sur le sujet de l’accession des turcs à l’UE, a eu droit a toutes sortes d’editos biaisés laissant entendre que les français sont des racistes parce qu’ils s’opposent à cette intégration. Et s’il fallait une preuve que pleinement intégrer l’OTAN ne suffit pas à dissiper une réputation de mouton noir, notons aussi que ces mêmes « éditorialistes » américains se sont bien gardés de critiquer la position de Mme Merkel qui est pourtant assez proche de celle de Sarkozy.