Le nouveau secrétaire général des Républicains Aurélien Pradié a décidé d’exclure du parti Erik Tegnér, coupable de frayer avec la droite de la droite. Le jeune député du Lot, lui, a tout d’un progressiste !


Rassembler, rassembler, rassembler. Tels étaient les trois mots d’ordre de la campagne interne de Christian Jacob, désignant en creux le caractère trop clivant de ses deux adversaires: Julien Aubert et Guillaume Larrivé. Son meilleur atout, résumait joliment Mediapart, était de ne s’être prononcé sur rien.

Rassembleur toi-même!

Mais, il faut toujours se méfier. Lorsqu’un chiraquien parle de rassemblement, il se prépare toujours un repli et une volonté d’exclusion. En 1990, Alain Juppé fustigeait le duo Pasqua-Séguin, coupable de vouloir instaurer un « Front national bis », et prenait la décision d’exclure Alain Carignon, parce que ce dernier appelait à voter PS contre le FN dans une cantonale partielle à Villeurbanne. En 2002, Chirac la jouait front républicain et était élu avec toutes les voix de gauche contre la Bête immonde. Puis n’ouvrait à personne et construisait un gouvernement 100% UMP! Dans le Jura en 1998, le secrétaire départemental et député chiraquien proposait d’exclure un secrétaire de circonscription pour avoir tenu des propos désobligeants sur Jacques Chirac dans une lettre de… démission.

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Il y avait donc bien des raisons de se méfier pour tous des militants LR tenant un discours différent du président élu. Et c’est Erik Tegnér qui en a fait les frais. Celui-ci a appris il y a quelques jours qu’il faisait l’objet d’une procédure d’exclusion, dans une lettre signée par la présidente de la fédération LR de Paris, Agnès Evren. Celle-ci dit avoir été saisie par Aurélien Pradié, nouveau secrétaire général, nommé par Christian Jacob.

Aurélien Pradié, fort avec les faibles

Quel est le crime de Tegnér ? A-t-il soutenu un autre candidat que celui investi par son parti dans telle ou telle élection ? Pas du tout ! A-t-il tenu des propos désobligeants envers la direction de LR ? Encore moins ! Il a seulement développé une stratégie d’alliance alternative, sans jamais la mettre en œuvre. Il fait ainsi vivre le débat démocratique interne, comme chaque adhérent a le droit voire le devoir de le faire.

Alors que la droite est terriblement affaiblie, ladite stratégie – dite d’union des droites – ne me semble pas être la plus adaptée, dans le contexte de disparition du clivage droite-gauche et de sa substitution par le clivage bloc élitaire versus bloc populaire, cher à Jérôme Sainte-Marie (je vous renvoie à la lecture du dernier numéro de Causeur en kiosque depuis mercredi). Mais exclure Erik Tegnér parce qu’il a donné son avis, c’est ériger un délit d’opinion. Rassembler, qu’il disait… Julien Aubert et Guillaume Larrivé ont d’ailleurs apporté leur soutien à Erik Tegnér, alors qu’ils ne partagent pas cette stratégie d’union des droites.

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En fait, ce qui doit intéresser l’observateur, ce n’est pas tant le sort réservé à un militant de base que la personnalité du nouveau secrétaire général. Aurélien Pradié s’est donc attaqué à un jeune militant à la langue un peu trop pendue. Fort avec les faibles.

Goût du buzz

Aurélien Pradié explique à qui veut bien l’entendre que LR doit désormais abandonner les terrains régaliens trop sulfureux qu’occupait Laurent Wauquiez, pour d’autres, plus consensuels. Ainsi, il s’enorgueillit d’avoir grillé la politesse à LREM à propos de deux sujets: les violences conjugales et le handicap. Le parti macroniste s’en est d’ailleurs ému, dénonçant le goût du buzz du député du Lot.

Pradié aurait-il pour ambition de devenir la Marlène Schiappa des LR? Et si, pour ne surtout pas passer pour un archaïque, pour ne pas se voir accusé d’être conservateur, le nouveau secrétaire général décidait de surprendre davantage encore, en faisant rédiger les mails internes de la Rue de Vaugirard en écriture inclusive? Imaginez alors la tête que feraient certains des soutiens de Christian Jacob, au siège national du parti ou dans les fédés!

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Les dernières investitures le montrent: s’associer avec LREM ne gêne aucunement la nouvelle direction des Républicains. Ce qui ajoute d’ailleurs au scandale de la procédure lancée contre Tegnér. Proposer qu’on s’allie avec le RN vaut exclusion, mais s’allier carrément avec LREM est validé. Allez comprendre! Comme nous l’avons expliqué récemmentil s’agit pour la nouvelle direction de concurrencer le parti du président sur le terrain électoral du « bloc élitaire », en misant toutes ses cartes sur l’effondrement personnel d’Emmanuel Macron. Attention, si ce coup de poker ne fonctionne pas, LR vivra le destin du PRG. Pour un secrétaire général originaire du Quercy, pays de Maurice Faure, la boucle serait bouclée.