Grâce à la complicité d’un technicien de la société de production de la célèbre émission de France 2, Rendez-vous en terre inconnue, j’ai pu assister, incognito, à l’enregistrement de la prochaine livraison dont la guest star est le journaliste Jean Quatremer, correspondant de l’Union européenne à Libération, à moins que ce ne soit l’inverse. Le défi auquel l’animateur Frédéric Lopez a souhaité confronter son invité consistait à l’extraire de son bureau bruxellois pour l’emmener dans une contrée jusque là inconnue : la démocratie.

J’ai décidé, en avant première, de réserver aux lecteurs de Causeur, les moments les plus forts de l’émission, un peu comme un journal livre les bonnes feuilles d’un ouvrage. Je ne suis pas certain, toutefois, de restituer ici toute l’émotion qui a régné ces quelques jours pendant l’enregistrement.

Frédéric Lopez : « Jean, avant de prendre l’avion, nous allons nous déplacer pas très loin d’ici, à Bruxelles, dans une grande brasserie, pour assister ensemble à une scène qui constituera pour vous une grande expérience. »

Arrivés à la brasserie, Frédéric et Jean arrivent devant un groupe d’une trentaine de convives dont on devine très vite qu’ils sont ici en séminaire et que les frais de restauration sont pris en charge par leur entreprise. Le serveur leur signale que la formule choisie leur donne droit à de l’eau minérale plate ou de l’eau minérale gazeuse, sachant que la décision prise, elle s’imposera à tout le groupe. Très vite, un débat s’engage entre les partisans de l’eau plate et ceux de l’eau gazeuse. Jean regarde, interloqué et légèrement amusé. C’est au moment où l’un des convives décide de mettre le choix aux voix que des perles de transpiration commencent à couler sur ses tempes.

Jean Quatremer : Un vote ? Mais l’entreprise qui paie le repas n’a pas édicté de directive pour éviter une telle perte de temps ?

Frédéric Lopez : Non. Ils votent. Et ensuite, la décision s’impose à tous.

– Comme c’est curieux !

– Je suis très fier de vous, Jean. Nous avons tenté ce genre d’expérience avec Dominique Reynié. Nous avons dû l’évacuer, très vite. Il est entré dans une crise de convulsions grave. Il criait : « Populisme, populisme ». Et il a vite perdu connaissance.

– Quand même, il n’y a pas de quoi. C’est vrai que c’est très étonnant, cette méthode mais il n’y a pas de quoi en être malade.

Cette fois-ci, Jean et Frédéric ont pris l’avion. Ils arrivent très vite en Islande où un nouveau référendum est organisé sur un projet de modification de la loi bancaire. Un parlementaire explique les tenants et aboutissants du projet et lui dit sa foi dans le fier peuple islandais, libre et souverain. Malgré la faible température règnant à Reikjavik à cette époque de l’année, Jean transpire à grosses gouttes. Il est pris de tremblements.

– Quelle peuplade curieuse ! Comment peut-on avoir une telle confiance dans la population ? C’est dangereux quand même ! Vous n’avez pas peur que le peuple cède la démagogie, qu’il plonge dans le pays dans les heures les plus sombres de l’Histoire ?

– Tout se passe bien, vous savez. Les Islandais ont déjà pris des décisions importantes. Notre pays s’en sort plutôt bien.

– Mais s’ils prennent la mauvaise décision ?

– Le peuple prendra la bonne décision car c’est le peuple et que cela le concerne au premier chef.

Jean, qui n’est pas la moitié d’un con, a remarqué le caractère insulaire de la fière Islande. Il met sur le compte de cette particularité le fait que des hommes en uniforme et munis de brassards ne défilent pas au pas de l’oie dans les rues de la Capitale.

– En Europe, ce ne serait pas possible, Fréderic, ce serait inimaginable !

– Détrompe-toi, Jean. Nous partons pour un pays d’Europe.

Après quelques heures de vol et un atterrissage à Zurich, puis quelques autres en voiture, c’est dans une vallée de Suisse alémanique que Jean retire de ses yeux le traditionnel bandeau de l’émission. Tous les citoyens sont réunis sur une place pour une votation d’initiative populaire. La question porte sur le rétablissement des notes à l’école primaire, que le gouvernement cantonal avait supprimées il y a quelques années. Jean interroge le président de l’association de parents d’élèves qui a lancé la pétition en vue de l’obtention de la votation.

– Ce sont eux qui ont décidé de la question ? Ils proposent de censurer l’avis des spécialistes ?

– Oui, les gens trouvaient que leurs enfants travaillaient moins. Alors ils ont lancé la pétition. Ils ont obtenu beaucoup de signatures et aujourd’hui on vote. C’est la Suisse. C’est la démocratie.

– Mais, c’est du fascisme. C’est la prime à la démagogie.

Jean perd son sang-froid. Sa respiration se fait plus haletante. Devant ses yeux, un brouillard. Il s’évanouit dans les bras de Frédéric Lopez après avoir avoir murmuré :« ce sont des nazis, ramène moi à Bruxelles… ». La boîte de production avait prévu un tel malaise. Pendant tout l’enregistrement, une assistance médicale se tenait prête. C’est sous assistance cardiaque et respiratoire que Jean Quatremer a retrouvé Bruxelles. Requinqué par une audition d’un représentant la task-force  en Grèce venu indiquer les dernières mesures prises à Athènes sous l’égide de l’Union européenne, il a retrouvé -je tiens à rassurer les lecteurs-  un très bon état de santé.

 

13 commentaires

  1. @ DD
    Il y a quand même une sacrée différence entre Reynié qui dit la pluspart du temps des choses intéressantes, même si on peut ne pas être d’accord et Quatremer qui est un charlatan du journalisme. Chez Reynié en plus le terrorisme intellectuel est très rare alors que chez Quatremer ressort à chaque fois qu’il ouvre sa bouche. Si non je partage votre avis sur ce triste personnage.

  2. MDR !

    Reynié, personnellement, me fait beaucoup rire : il faut dire qu’il y a une oeuvre…on est sûr – des gens ont vérifié – que Platon, Cicéron, Hobbes, Machiavel, Rousseau, Constant, Strauss… mourraient d’envie de lire cet auteur… quant à Quatremer, que dire… là aussi il y a un oeuvre…

    La démocratie va très mal en 2011 : matraquage idéologique, bourrage de crâne à grande échelle, culpabilisation à outrance, condamnation de toute tentative de mettre en oeuvre une critique du prêt-à-penser, désinformation institutionnalisée… le système médiatique est au coeur de notre problème démocratique actuel.

    Ca me rappelle la blague – pas terrible mais bon…- de Coluche (j’ai un peu honte de cette référence tout de même) à propos des plaintes à déposer au commissariat au motifs de violence policières.

  3. Entre Quatremer et Reynié, mon cour balance, ne croyez-vous pas qu’on est dans l’infiniment petit du point de vue intellectuel ? Reynié a réussi à s’emparer de la fondation créée par Jérôme Monod et qui avait bien commencé avec des débats intéressants, maintenant ce n’est plus qu’un ramassis de clowns universitaires de maintenant, c’est-à-dire incultes et vendus à Barroso.

  4. très bon billet. Parfois jean quatremer me fait peur, ilest tellement aveuglé par ses illusions qu’il en devient limite agressif. Ce brave journaliste a même eu des prix de journalisme par l’ue…Une sorte de brevet en européisme! Quand l’europe finance ses propres propagandiste qui prétendent faire du journalisme. Pourquoi les Français restent passif, c’est exasperant

  5. Je propose la remise annuel d’un prix Lenine de l’information à accorder, après consultation référendaire – tant pis – en ligne, à une personnalité européiste, fédéraliste, pro-UE, de premier plan, ayant grandement oeuvré pour la cause.

    Un autre prix visant à couronner l’ensemble d’une carrière au service de la fin de la souveraineté des peuples et de l’Etat nation devrait pouvoir également être remis. Je propose à cette fin, mais sans conviction, car je n’ai pas à l’instant meilleure idée, l’intitulé suivant : prix Gramsci ou Pravda-Gramsci.

    A vous de proposer des candidatures pour 2011.

    ps : il y a lieu à mon sens de développer cette belle entreprise de récompenses, et ce du mérite agricole transgénique, aux palmes académiques de la science économique européenne, en passant par la grand croix de la libération des peuples d’Europe.

    спасибо à tous.

  6. Dans la rubrique « Estrosi », j’ai écrit un commentaire sur Estrosi et un autre sur le comportement de Dominique Reynié face à Natacha Polony.

    À ce moment-là, je n’avais pas encore lu la présente rubrique.
    J’approuve donc les qualificatifs de David Desgouilles concernant l’attitude de Reynié (son commentaire du 05/11 à 8h18).

  7. L’émission de ce soir « on refait le monde » sur RTL a été un véritable scandale.
    Les invités de Christophe Hondelatte (cf son comportement piteux à « on n’est pas couché ») étaient Alain Duhamel, Anne-Sophie Mercier (« le Monde »), JB Prévost (ancien président de l’UNEF) et « last but not the least » l’inévitable Roland Cayrol.

    Un thème abordé était la candidature Chevènement. Mépris unanime de ces 4 gugusses.
    Puis, on fait le tour des candidatures Boutin et Dupont-Aignan.

    Concernant ce dernier, Duhamel était égal à lui-même : Sus au nationalisme ! ( Contre Chevènement, Dupont-Aignan et Marine Le Pen).

    Quant à Mme Mercier et M. Prévost, ils prétendaient que NDA votait toujours avec la majorité.
    Ces 2 personnages auraient pu inspirer Audiard : « je ne sais rien, mais je dirai tout ».
    En effet, sur le blog de cette émission, j’ai rappelé 4 cas importants où il avait voté CONTRE. Je n’ai pas tout cherché et je n’ai pas noté ceux où il s’était abstenu.
    J’ai chaque fois mis le lien sur le site de l’Assemblée Nationale.

    Ces 4 cas sont :
    – Motion de censure contre le retour dans l’OTAN (08-04-2008), NDA avait voté cette motion.
    – Contre la réforme constitutionnelle (21-07-2008).
    – Contre la déclaration de politique générale du gouvernement (24-11-2010).
    – Contre la première partie du budget 2012 (25-10-2011).

    Quant au sieur Cayrol, il a dépassé les bornes de l’ignominie.
    Il ne s’est pas contenté de critiquer les idées de NDA (ce qui est son droit). Il l’a carrément injurié comme le ferait le pire loubard : « c’est un nain, il n’existe pas, il ne fait rien progresser, sa petite sphère, …. »
    Et cet odieux personnage est omni-présent dans cette émission et dans « C dans l’air » aux côtés de l’infect Dominique Reynié.

    http://www.rtl.fr/emission/on-refait-le-monde/ecouter/on-refait-le-monde-du-07-nov-2011-7733108911

    Aller de 9 minutes 30 à 17 minutes environ.

  8. @ Pepe,

    Pensez-donc à cela :

    «  »Les mots qui naguère étaient compris de tout le monde ont aujourd’hui besoin d’explications. Il en est de même des noms qui jadis étaient les plus illustres, et qui à cette heure ont aussi besoin en quelque sorte qu’on les explique. Camille, Céson, Volésus, Léonnatus, et, peu de temps après eux, Scipion, et Caton, puis ensuite Auguste, et ensuite encore Adrien et Antonin, tous ces noms s’effacent pour passer bientôt à l’état de légendes. Le plus parfait oubli les a bien vite submergés. Encore, je ne parle ici que de ceux qui ont jeté, on peut dire, un éclat prodigieux. Car, pour les autres, à peine ont-ils rendu le dernier soupir : «On ne les connaît plus, on ne s’en inquiète plus». Qu’est-ce donc après tout même que cette éternelle mémoire ? Une pure vanité. Alors à quoi donc devons-nous appliquer nos soins ? A une seule chose, et la voici : Pensée dévouée à la justice ; activité consacrée au bien commun ; disposition à aimer tout ce qui nous arrive, comme chose nécessaire, comme chose familière, qui découle du principe et de la source d’où nous venons nous-mêmes. » »(Pensées – IV – XXXIII).

    N’accorderiez-vous pas bien trop d’importance à tout ce qui n’est que bruit médiatique ?

    Cela étant, il est vrai que le pouvoir médiatique est peut-être aujourd’hui une des menaces qui pèsent le plus sur la démocratie. Ce dernier pouvoir est peut-être même plus dangereux que les autres en raison du fait qu’il est infiniment plus subtil- ou diffus – que ces autres pouvoirs, et qu’il s’accomode aisément de leur existence : aujourd’hui, aucun pouvoir ne peut donner sa pleine mesure sans ou contre le pouvoir médiatique.

    Pour ma part, depuis 2 ans, je ne lis plus les journaux – tous sans intérêt : fond et forme – je n’écoute plus la radio, je regarde à peine la télévision, et fuis systématiquement la parole « journalistique ».

    Le net est un précieux outil de réinformation. Rompez avec le système d’information « officiel », installé, et qui s’obstine, on ne sait selon quelle légitimité, à l’injonction idéologique. Le ridicule est le mot d’ordre pour ce monde des médias contemporains fasciné par sa propre image.

    Des ados, dans un monde d’ados forgé par les ados de 68 : Il faut en rire ! Au fond, ils sont drôles.

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