Marielle de Sarnez avait levé le voile il y a deux semaines à Marseille. Hier, aux universités d’été du MoDem et ce soir chez Denisot, François Bayrou a annoncé qu’il faisait à nouveau partie d’un camp.

Bayrou, un camp ! On a bien entendu. Pendant des années, il refusait l’idée même que la France soit séparée en deux camps. Il a construit sa présidentielle sur ce thème et a réussi à rassembler 19 % des suffrages. Et aujourd’hui, il rend les armes. Bien sûr, il ne retourne pas à la niche umpiste. Quitte à se renier, il décide de passer du côté gauche, ce côté qu’il n’avait pas voulu rejoindre entre les deux tours alors que Ségolène Royal lui offrait Matignon et l’attendait en bas de la rue.

Alors, certes, on peut se dire que Bayrou fait preuve de pragmatisme et qu’il prend acte de l’impossibilité de dépasser le clivage droite-gauche dans un système politique mécaniquement bipolarisé par le scrutin majoritaire à deux tours. On peut estimer qu’à l’instar de Philippe de Villiers, il s’affranchit de son indépendance dans un souci d’efficacité.

Admettons. Mais pourquoi diable le faire avec de tels mots. Un bon joueur de poker doit tout de même savoir cacher un peu son jeu. Même s’il a l’intention, dans son for intérieur, de pencher du côté gauche dans les prochains seconds tours, pourquoi l’annoncer aussi tôt et, surtout, utiliser un champ lexical qui donne l’impression qu’il renie tout ce qu’il a dit depuis plus de sept ans ? C’est absolument incompréhensible pour ceux qui ont été ses électeurs. Si encore l’anti-sarkozysme avait continué à cimenter la vie politique. Mais il y a eu la crise. Mais il y a eu les élections européennes. La première a donné l’occasion au Président de la République de vouloir se recentrer, se montrer[1. Se montrer, seulement] moins favorable au néo-libéralisme que son passé et sa réputation ne le laissaient entendre. Les secondes ont démontré que les Français n’avaient certes pas une grande confiance en Nicolas Sarkozy, mais qu’ils attendaient aussi en vain l’esquisse d’une alternative crédible et que l’anti-sarkozysme ne pouvait suffire à cimenter cette dernière.

Non seulement François Bayrou a tort de renier aussi ouvertement son combat trans-clivage mais il le fait donc au plus mauvais moment. On dit qu’il a précipité cette décision dans le but de casser le Parti Socialiste en deux et de devenir le meilleur candidat du centre-gauche. Mais dans ce cas, non seulement le champ des candidats possibles est largement embouteillé (Royal, DSK, Aubry, Valls et pourquoi pas Peillon ou Moscovici), mais en plus il a, sans aucun doute possible, deux ou trois longueurs de retard sur la présidente de Poitou-Charente. A moins qu’il ne parie sur la défaite de celle-ci aux prochaines élections régionales. Même dans ce cas là, mieux aurait valu attendre le printemps et ce scrutin si périlleux pour le PS. Entre les deux tours de cette élection locale, il aurait pu, en fusionnant ses listes avec celles du PS, apparaître comme le sauveur-surprise des exécutifs de gauche.

Et c’est là qu’on peut trouver la raison de la faute de Bayrou. En faisant ce calcul, il apparaissait aux yeux des militants du MoDem comme quelqu’un qui ne pense qu’à sa pomme. Autour de lui, beaucoup commencent à avoir peur de ne pas demeurer ou devenir conseillers régionaux. Et ils préfèrent assurer le coup en négociant dès avant le premier tour. Je n’étais pas aux universités d’été du MoDem et je n’ai pas eu l’occasion de m’entretenir avec un seul de ses militants mais, de loin, on observe tout de même que l’antienne « Bayrou joue perso » commençait à devenir plutôt populaire.

Le problème, c’est qu’en se donnant ainsi au PS et à ceux, comme Ségolène Royal, qui souhaitent l’alliance avec le MoDem, François Bayrou risque de ne plus jamais dépasser le petit score qu’il a réalisé en juin dernier. Et il est bien possible que cette position de modeste force d’appoint ne lui donne pas cette fois la proposition d’entrer à Matignon.

Peut-être un ministère d’Etat. Si Sarkozy ne gagne pas. Tout ça pour ça !

9 commentaires

  1. J’y étais, moi, à l’université de rentrée du MoDem à la Grande-Motte. J’y ai même un peu pris la parole.
    J’ai entendu très peu de « droite » ou « gauche ». Ce que j’ai entendu le plus, en fréquence comme en intensité, c’était « valeurs républicaines » (en particulier sur l’Ecole). Stratégie, me direz-vous : peut-être, mais on ne saurait reprocher à un parti de dire ce que ses militants veulent entendre. De dire aussi ce que la France non-sarkozyste veut entendre (et même peut-être une part de ceux qui ont voté Sarkozy par exécration de la dinde du Poitou). Par ailleurs, si le MoDem en est là, c’est que la Gauche a glissé pas mal à droite — en particulier ladite dinde. Et croyez-moi, Bayrou n’a aucune intention de devenir l’homme-lige d’un quelconque socialiste. Sans doute n’est-il pas très loin d’un homme comme DSK, qui lui ferait un Premier ministre de transition admirable — un technicien qui prendrait sur lui les mesures impopulaires qui seront forcément nécessaires pour purger la Dette, qui atteint ces ours-ci des records abyssaux. Bien à vous…

  2. Avec tous les transfuges de gauche qui ont lamentablement été MANGER LA SOUPE DE SARKOSY,y compris TRAUSKHAN ….Un qui vient avec 10% de français , dont la moitié de gauche , pour battre la droite , moi ça me convient et ce qui prouve  » UNE FOIS DE PLUS QUE ME ROYAL VISAIT LE BON CHEMIN ! » on observe qu’une majorité de ses proposition de 2007 ont étaies reprises par bon nombre d’autres politiques , de SARKOSY à me AUBRY et voilà BAYROU qui revient finalement à la main tendue de SÈGOLÈNE ( pas si gourde qu’on voudrai nous faire croire) EN TOUS LES CAS LA MOINS SECTAIRE ET LA PLUS UNITAIRE QUI SOI À GAUCHE SVP !

  3. @JP Brighelli

    Que, dans les ateliers des universités d’été du MoDem, on ait parlé de valeurs républicaines ne m’étonne pas. Je suis même certain que beaucoup y étaient sincères. Mais je ne suis pas sûr en revanche qu’Henri Guaino, présent à Seignosse, n’animait pas non plus des ateliers et n’a pas répété dix fois par paragraphe le beau mot de République.

    D’autre part, comme vous avez lu, mon intention n’était pas de discuter le contenu programmatique du MoDem (d’ailleurs, il reste à trancher certains débats. Entre Peyrelevade et Kahn, il y a un gouffre. Que dis-je ? Un précipice) mais le message qu’il a envoyé à l’extérieur. Et ce message, effectivement, est incompréhensible pour ceux qui ont déjà voté pour lui et pour ceux qui ont déjà été tenté de le faire. Car même s’il tente de sauver les apparences en ne parlant pas de droite et de gauche, il parle aujourd’hui de faire partie d’un « camp ». Alors qu’il a toujours fustigé le combat d’un camp contre un autre et que ce discours fut à la base de son bon score en 2007. De plus, comme je l’ai rappelé, il choisit bien mal son moment.

    Enfin, je ne crois pas qu’il soit de bon aloi de sous-estimer Ségolène Royal. Elle peut vous sortir par les yeux. J’avoue que c’est un peu mon cas aussi. Mais la sous-estimer est lui rendre un grand service. Je suis certain que François Bayrou ferait un bien meilleur président que celle que vous surnommez d’un nom de volatile (au passage, méfiez-vous, tout cela lui profite aussi….). Mais en termes de stratégie, de tactique et de com’, il faut reconnaître qu’elle est, en revanche, bien au dessus de lui.

    Cordialement,

  4. Comment voulez vous que des personnalités sortant par les yeux de ceux dont ils courtiseront les votes lors de la présidentielles finissent par être élus.

    Royal et encore plus Bayrou souffrent d’un handicap majeur : leur solitude. Ils sont absolument incapable l’un comme l’autre de rassembler sous leurs bannières des soutiens de poids.

    Mitterrand, dont il suive le modèle, avait su attacher à sa personne les poids lourds de son camps. Mauroy, Bérégovoy, Savary…

    Derrière Royal il n’y a que de jeunes ambitieux dont l’objectif est de récupérer le courant de sympathie qu’elle produit à leur compte dès qu’elle s’effondrera. Il faut lui reconnaitre une tenacité admirable.

    Quant à Bayrou, après avoir fait systématiquement le vide autour de lui, il ne reste dans son parti que des personnalités pas assez brillantes pour se frayer leur avenir dans le torrent fracassant qu’est le PS et des militants désenchantés en quête de nouveauté.

  5. @a2lbd

    Mitterrand reposait sur des gens qui apparaissent aujourd’hui comme des poids lourds car le personnel politique de l’époque nous semble à juste titre de meilleure qualité que celui d’aujourd’hui.
    Mais si on se replonge en 1979-1980, Mitterrand avait l’image d’un ringard, et peu de personnes ne misaient un centime sur lui. Pour tout le monde, l’élection se jouerait en VGE et Rocard.

  6. C’est bien joli tout ça mais quand est-ce qu’on bouffe ? Et la paie, elle tombe quand ? Voilà en gros ce que m’inspire le Modem, le PS. Du coté de l’UMP, le vendeur d’assurance (X.Bertrand) qui veut me coller une taxe Rocarbone , ah celui-là, il me vendrait du lino pour du parquet en chêne. Quand aux verts, je préfère me taire (et ce n’est pas une question de rimes).

    Un vide abyssal : les irlandais votent bientôt. Merckel a l’honnêteté (vertu allemande définitivement ) d’annoncer la douleur de la récession outre-rhin (Lagarde en master d’éco à Berlin !), Obama devient Mickael Jakson en plus vivant et plus noir (un thé dansant à lui tout seul ce garçon), etc, etc. Mais rien. Rien dans nos médias, chez nos politiques sauf les régionales qui s’annoncent. Ben tiens c’est là qu’on bouffera et qu’on sera payé ! (enfin pas tous, seuls les heureux élus).

    Oh qu’ils me gonflent nos politiques !

    Ceci dit l’erreur de Bayrou est parfaitement démontrée par ce billet, David. Il ne sera pas président. Sarkozy va devenir giscardien (version 10 mai 1981) et je ne vois pas d’autre candidat (au sens de secret story de TF1) que la Royal. Quant à celle-la, est-elle cette cruche, cette nunuche, que cache son jeu ?……. Aucun idée mais je n’ai pas confiance.

    DSK ? Je demandera à mon épouse de ne pas postuler à un job de secrétaire de direction à l’élysée. Au fait, son bilan au FMI ? Je veux dire combien de meufs ?

    Nous avons un gros problème avec nos élites. Nous avons toujours eu un gros problème avec nos élites. Peut être que nous n’avons que ce problème avec nos élites.

  7. Eh ben, Robe! Le problème le plus important me paraît aussi être nos élites, l’esprit français en général.
    La décision de Bayrou ne dégage-t’elle pas l’espace pour les républicains? La réorganisation Modem-Verts-PS (ou parties d’entre eux) est cohérente avec notre mentalité profonde. Droite du système familial nord (UMP) contre l’ensemble du système sud (la contre-révolution). Comment la gauche du Bassin parisien va s’organiser ou qui va prendre les voix des classes populaires de cet espace?

  8. @David Desgouilles
    J’entends poids lourds, des personnalités suffisamment puissantes pour faire advenir la formation du PS au congrès d’Epinay.

    Je ne vois pas Royal ou Bayrou capables de réaliser une telle performance car ils manquent d’appuis solides.

    D’ailleurs, en ce qui concerne Royal, son échec pour prendre la tête du parti socialiste, prouve amplement qu’elle ne dispose pas d’autant d’appuis de poids que Mitterrand. Je doute fort que les fraudes n’existaient pas avant?

  9. je vais faire court
    je me fout de gauche-droite,cela ne veut plus rien dire,
    vu l »ètat du pays et des déficits,
    il faut sauver la france avec un programme
    ensemble pour sauver le pays

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